Champion du monde d’apnée, Morgan Bourc’his a entrepris de rejoindre la Norvège septentrionale en quête de reconnexion avec le monde sauvage. Là, il va plonger au contact des orques, une espèce sauvage parmi les plus puissantes, dans une obscurité et des températures hivernales agressives. Morgan en sortira persuadé que l’homme peut développer une relation vertueuse avec l’ensemble du monde vivant. Un parcours intérieur à découvrir dans « La quête du sauvage ».
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Extraits choisis de l’interview de Morgan Bourc’his réalisée par Marika Julien et publiée le 13 septembre 2019 sous le titre : « Mais comment fait Morgan Bourc’his, le “Mr Perfect” de l’apnée ?
En descendant lundi dernier (9 septembre 2019) à 91 mètres de profondeur à la seule force de ses jambes et de ses bras lors des championnats du monde d’apnée, à Nice, Morgan Bourc’his vient de décrocher son troisième titre de champion du monde. A 41 ans, c’est l’un des apnéistes les plus expérimentés et les plus titrés au monde. Sa spécialité, le poids constant sans palmes, est aussi l’une des plus exigeantes, physiquement et mentalement… Depuis près de 20 ans, il est au top niveau, ce qui lui a valu son surnom, « Mr Perfect ». Intrigué, Outside l’a interviewé au lendemain de son sacre.
Sur la vidéo de votre plongée, vous regardez beaucoup vers la surface, à la fin de l’apnée, vous aviez envie de respirer ?
Je voulais anticiper la sortie, je savais que la plongée allait être difficile. Et c’est vrai que j’étais à ma limite. Si j’avais annoncé 92 mètres, ça ne serait peut-être pas passé… Là, je réalise mon protocole de sortie correctement. (Pour valider la plongée, en sortant la tête de l’eau, les apnéistes ont 15 secondes pour enlever leurs lunettes, leur pince-nez et/ou leur masque, faire le signe OK de la main et dire « I am OK » ndlr.) Mais je suis très marqué par la dette d’oxygène, par l’hypoxie. J’arrive un peu d’une autre planète. J’étais au bout de cette plongée hier, je n’avais pas beaucoup de marge, je pense…
Dans quelles conditions vous mettez vous avant d’engager une telle plongée ?
On essaie d’être le plus relâché possible, dans notre bulle. Lundi, c’était très agité et l’ambiance était un peu électrique. Pour arriver à se concentrer, c’est compliqué. Du coup on sait qu’on n’est pas à 100%. Et comme les plongées sont engagées – peut-être plus que dans d’autres disciplines- ça peut être un facteur limitant… (Morgan Bourc’his plongeait sans palmes et sans aucune aide extérieure, contrairement à d’autres disciplines de l’apnée en mer, ndlr.)
En quoi est-il plus important de se mettre dans une bulle que dans d’autres disciplines sportives ?
Le fait d’arriver à se mettre dans sa bulle, de se relâcher au maximum et d’être confiant nous permet d’abaisser notre métabolisme. Quand on est sous l’eau, le corps s’adapte et met en place un certain nombre de réactions physiologiques qui font qu’on va être à l’économie. Ces réactions sont comprises par la science. On nomme ça le « diving reflex », le cœur se met à ralentir pour être encore plus économe. Vous avez aussi une fermeture de tout le système artériel périphérique. Tout ça se fait au bénéfice du cœur et du cerveau : les deux organes nobles à alimenter. Cela se met mieux en place si vous arrivez à être bien relâché, si vous êtes déjà à l’économie avant de partir. Si vous n’y arrivez pas, l’apnée va être compliquée, voire presque impossible.
Comment se prépare-t-on pour faire de la compétition en apnée ?
Une phrase simple, qui peut paraître peut-être bête mais qui est essentielle, c’est que pour être un bon apnéiste, il faut faire de l’apnée… On est sur une discipline très particulière où pour être performant il faut économiser l’oxygène et l’énergie en général. Ça se travaille en répétant vos apnées. Si vous vous entrainez à faire du marathon ou du cyclisme, vous allez entrainer votre corps à un type d’effort long, beaucoup plus long qu’en apnée (…), or ce n’est pas l’idéal.
En début de saison je fais un travail un peu généraliste, course à pied, trail. J’habite près des Calanques, c’est un terrain de jeu fabuleux pour moi… Mais je sais qu’au bout d’un moment je suis obligé d’arrêter ces sports qui deviennent antinomiques à ma préparation.
En apnée, on va tenter d’économiser l’oxygène : même si on a besoin d’énergie, on doit le faire en consommant le moins possible d’O2. On est donc sur un entrainement anaérobique : en déficit d’oxygène. Pour préparer ce que j’ai fait hier, je vais faire de l’apnée en mer, à la brasse mais aussi avec des palmes ; en travaillant sur les temps d’apnée, sur les vitesses, la récupération… Et je vais aussi beaucoup travailler à sec. Cet été par exemple, je me suis entrainé sur un rameur, mais en apnée, en respirant un air appauvri en oxygène. J’ai pratiqué avec une machine qui simule l’altitude : entre 3000 et 3900m d’altitude simulée. J’y ajoute du travail en salle de musculation classique. Puisque je suis sur un effort où j’utilise mes bras et mes jambes, j’ai besoin d’une certaine force physique. Mais pas trop importante non plus, car si j’ai une grosse masse musculaire, je vais consommer beaucoup d’énergie…
Enfin, je fais aussi beaucoup d’étirements pour travailler sur l’acceptation de la pression de l’eau… Lors d’une plongée, on gagne un bar tous les 10m et quand on descend à 100m on est à 11 bars de pression. Le corps humain peut le supporter, mais il faut entrainer la cage thoracique à se déformer par un travail de souplesse très spécifique pour éviter de lutter contre la pression et amener son corps à l’accepter.
Pouvons-nous faire un retour sur votre parcours, vous étiez professeur de sport avant de passer professionnel de l’apnée ?
Oui, mais avant d’être prof de sport, je voulais m’orienter vers une carrière scientifique et travailler sur la physiologie de l’exercice. Du coup, je suis mon propre entraineur, mon propre coach, j’ai un bagage scientifique pour créer mes entrainements. Par ailleurs, j’ai consacré mes travaux scientifiques à la plongée en apnée, passion sportive qui m’animait. J’ai été mon propre cobaye pendant 2 ans.
Pour diverses raisons, j’ai arrêté mes études sur la physiologie du sport et je me suis un peu réorienté. Je suis devenu prof de sport auprès d’enfants et d’adolescents qui avaient des troubles du comportement et des troubles psychiatriques. J’ai travaillé dans des instituts spécialisés qui accueillent ce jeune public pendant douze ans et pendant ces douze années j’ai mené de front ma carrière sportive à haut niveau et mon travail.
C’est un sport où il y a très peu de professionnels. Aujourd’hui j’ai réussi à franchir le pas et à peut-être dire que je suis professionnel, mais on est très loin de ce qu’il se passe dans les sports majeurs. Nous ne sommes pas salariés d’un club par exemple. Aujourd’hui, j’ai des activités qui tournent autour de mon image, je ne suis donc pas dédié à 100% à mon sport : j’anime des conférences en entreprise, des stages d’apnée, je suis ambassadeur pour des marques… Donc mon activité, c’est d’être entrepreneur. Mais je peux quand même décider de mon planning de manière beaucoup plus facile que lorsque j’étais salarié en tant qu’enseignant. On est très peu nombreux à avoir ce privilège.
Vous aviez annoncé votre retraite il y a quelques années, pourquoi êtes-vous revenus ?
J’avais effectivement dit que 2017 serait mon dernier championnat du monde, mais le fait que ce soit à la maison, à Nice – enfin presque, puisque je suis de Marseille – sur un territoire historique de l’apnée, m’a fait dire « allez un petit dernier » … Quand j’ai pris cette décision, je ne pensais pas devenir champion du monde, cette pensée ne m’est venue que sur les derniers instants, peut-être le dernier jour, parce que je n’ai pas un esprit compétiteur. Je fais de la compétition, mais il y a des conditionnements mentaux chez les grands compétiteurs qui sont très forts. Ils savent qu’ils vont gagner parce qu’ils sont très forts dans leur tête. Moi, je ne suis pas le plus fort du monde, tout simplement. Par contre, je peux à certains moments être le plus fort du monde, le jour J. C’est ce qui s’est passé un peu lundi. Mais ce n’est pas moi qui ai la plus grande capacité en apnée… Il y a des athlètes qui sont beaucoup plus talentueux, capables de gagner sur une compétition plusieurs titres mondiaux, sur plusieurs disciplines. Moi, je me suis spécialisé dans une discipline précise : le poids constant sans palmes.
Qu’est-ce qui vous plait dans l’apnée ?
Le chemin parcouru pour préparer à une compétition est quelque chose de très important pour moi. J’aime beaucoup l’instant présent : l’entrainement, la répétition la construction de cet entrainement. J’aime également le rapport à l’eau, qui est très fort. On est dans un environnement 800 fois plus dense que l’air. On est vraiment en interaction avec ce milieu, puisqu’il vous touche, il vous bouleverse sensoriellement.
C’est aussi un milieu dans lequel on peut voler, puisque deux forces opposées, la gravité et la poussée d’Archimède, nous permettent d’évoluer en trois dimensions dans l’eau. On a une sensation de vol, d’absence d’apesanteur qui est très, très forte.
La mer, c’est aussi des paysages fantastiques comme des canyons sous-marins, des nuances de bleu infinies. Et c’est bien sûr aussi un environnement vivant avec sa faune et sa flore… un milieu en grand péril. Mais ça, c’est un autre sujet.
Deux jours après cette interview, Morgan Bourc’his a obtenu un second podium aux Championnats du Monde à Nice. Il termine en bronze sur l’épreuve d’immersion libre avec une descente à 105 mètres de profondeur.
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