Il y a plus de 35 ans, le 9 octobre 1987, 40 doux-dingues partent à l’assaut du premier “Super-Marathon du Mont-Blanc”. Une course de 170 kilomètres, en 3 étapes. A l’époque le mont Blanc fascine déjà les coureurs – le marathon du mont Blanc, existe alors depuis huit ans. Mais il faudra attendre 16 ans pour que naisse officiellement l’UTMB, un ultra adoptant sensiblement le même parcours que son ancêtre grand format, mais d’une traite. Dans ce film de 20 minutes réalisé par André Sabittoni, c’est l’aventure des pionniers des années 80 que l’on découvre. Equipement et ravitos minimalistes, sponsors locaux… un document collector au charme fou.
A quelques jours du marathon du mont Blanc – course historique née en 1979, attendue cette année du 27 au 30 juin – , il est passionnant de faire un retour en arrière et de se plonger dans une autre course qui a fait date sur ce site mythique, mais qui, elle, n’a pas perduré. Tout au moins sous sa forme de l’époque : le « Super marathon du mont Blanc » qui n’aura de marathon que le nom. En octobre 1987, au départ de Chamonix, devant un public quasi inexistant, ce sont 40 « coureurs de montagne » (le terme de traileur n’était pas encore arrivé en France), qui prennent le départ pour faire le tour du plus haut sommet européen. Un défi insensé qui préfigure l’UTMB, arrivé en 2003, mais organisé en trois étapes, et non pas en non-stop comme on le connait aujourd’hui.
On le sait peu, mais en 1987, le format 100 miles en montagne fascine déjà. Les amateurs d’ultra sont alors des pionniers, et ils connaissent notamment le « Super-Marathon de l’Himalaya , ultra en 5 étapes, né la même année que l’événement alpin. Et à Chamonix en octobre, le plateau est très élevé. Avec notamment le champion du monde des courses de montagne, mais aussi l’Anglais Mike Short, le Suisse Werner Schweizer, légende du trail qui développera plus tard une passion pour L’UTMB. Il terminera 5ème de la première édition en 2003 (à 64 ans), puis 9e l’année suivante. Dans sa catégorie ( V3 et V4) il gagnera toutes les éditions auxquelles il participera. Présent auss,i le Français Jean-Claude Mercier, qui déclarera bien des années plus tard :: « la seule obligation était de porter ce sweat. Trempé, avec la pluie, ça faisait un peu lourd ».
Chaussettes de tennis et bandeau à la Bjorn Borg
Un peu lourd en effet que ce sweat blanc en coton épais ( !) arborant les noms des deux sponsors « Duarig » et « Les meubles Descartes », que pendant trois jours les 40 coureurs vont devoir porter sous une pluie battante. Gorgé d’eau en effet, ou noué autour de la taille lorsque les températures montent. Totalement incongrus à nos yeux aujourd’hui, les chaussettes de tennis, les shorts très échancrés, leggings avec (très peu) de Lycra (c’est le début dans le vêtement de sport), et bandeau à la Bjorn Borg pour certains. D’équipement de sécurité, point. Pas plus que de gels ni de boissons isotonique bien sûr. Tout aussi minimalistes, les ravitos : de l’eau, des fruits secs et des raisins secs, à attraper dans des cartons à même le sol. De maigres ressources qui vont laisser les coureurs affamés, comme l’avouent certains dans le film.
On ne parle pas non plus bien sûr de bâtons, de camel bag, de flasques ultra light ni de montre GPS. Les coureurs, malgré le brouillard et la neige occultant le marquage, parviennent, non sans mal, à trouver leur chemin. En soi, c’est déjà un exploit. Ajoutez la météo, dantesque sur la fin, et on comprend que ce Super Marathon du mont Blanc aura été un véritable enfer pour les participants.
Un coureur italien de 43 ans y trouvera d’ailleurs la mort dans la soirée du premier jour, au Col de la Seigne, « perdu, gelé, sans rien à boire ni à manger. Son compagnon l’abandonnera pour aller chercher des secours, mais ils arriveront trop tard », dit la voix off. Un temps les organisateurs imaginent arrêter la course, mais leurs collègues italiens les en dissuaderont, « c’est la vie ». Le lendemain de l’accident, le brouillard dense fait craindre de nouveaux drames. Mais tous arriveront finalement à bon port à Chamonix, hormis un abandon. Le Français Jean-Claude Mercier n’arrachera que la 3e place. Le Suisse Werner Schweizer, emportera l’épreuve, onze seconde seulement devant l’Anglais Mike Short. Athlète qui déclarera : « C’est très dur, mais ça va devenir un classique, j’en suis sûr ! Ne serait-ce que pour le mont Blanc, une énorme attraction mondiale ». L’histoire lui a donné raison.
Photo d'en-tête : Captures d'écran du documentaire "Super Marathon du Mont-Blanc 1987"