C’est un petit bijou, un moment de pure poésie qu’a capté Robin Pogorzelski, réalisateur de ce court métrage aussi beau que profond. Une invitation au voyage dans les cimes aux côtés d’un berger à la gueule de bandit corse, maniant les silences aussi bien que les mots. A savourer, lentement.
Ce qu’il y a de bien quand on travaille chez Outside c’est qu’en ouvrant sa boite mail un matin on tombe sur une pépite, enveloppée de quelques mots prudents. Serions-nous intéressés pour relayer un court documentaire sur « Antonio, berger dans les Ecrins qui travaille depuis de très nombreuses années dans les Alpes Françaises » ? (…) Le film dure un peu plus de 5 min : l’idée était d’épouser la vision d’Antonio sur son métier tout en créant un objet filmique esthétique et contemplatif traduisant la beauté de nos montagnes, ainsi que de la flores et de la faune qui la composent. », écrit le réalisateur, un certain Robin Pogorzelski. « En randonnée, on rencontre souvent bergers et bergères accompagnés de leurs chiens et de leurs troupeaux sans forcément avoir l’occasion d’échanger. Il était important pour moi de parler de ce métier ancestral qui sculpte nos montagnes. » conclut-il.
Curieux, on clique sur le lien, et on est immédiatement saisi par les images, et le son. Convaincu d’entrée qu’on a affaire à du travail de pro. Incontestablement esthétique. Et quand Antonio, profil taillé au couteau, la peau tanné comme un vieux cuir et l’œil vif, laisse tomber une citation – un poème qu’il aime bien, revu à sa sauce, apprendra-t-on plus tard – on craint un instant de tomber sur un « objet filmique», trop bien léché pour sonner juste. Mais Robin Pogorzelki a le bon goût de vite enchaîner en laissant les images, les sons et les silences raconter le quotidien du berger. Pas de voix off pour nous en dire plus sur ce qu’on voit et sent dans les très belles cinq minutes que dure le film. A savoir une fusion totale entre l’homme et la montagne, son amour pour ses moutons et sa complicité avec ses deux chiens auxquels on doit une sublime scène de rassemblement de troupeau porté par la musique d’Antoine Duchesne. Le générique arrive trop vite et on n’a plus qu’une envie : monter dans les Ecrins et appeler ce Robin Pogorzelski qui semble tout entier investi dans son sujet. Car, à ce stade, « cet objet filmique esthétique et contemplatif « , pour reprendre les propos du réalisateur, n’a qu’un défaut : il nous laisse peut-être un peu sur notre faim.
Un film très personnel, tourné en deux jours et demi
Contacté par téléphone, Robin Pogorzelski s’avère effectivement être un réalisateur et directeur de la photographie auquel on doit des productions à vocation plus commerciales, toujours empreintes d’une identité et d’un sens de l’esthétique très forts. Mais délaissant les commandes un moment, c’est un travail très personnel qu’il a réalisé dans « The lone Valley ». « Influencé, entre autres, par Terrence Malick mais aussi par le cinéma de l’Est, et particulièrement le cinéma russe », énonce sa biographie ? Ces « grands mot » (qui ne sont pas de lui, précisons-le) le font sourire, mais il ne cache pas qu’il est lui aussi fasciné par les grands espaces et une approche très contemplative. On comprend donc à l’écouter que, si jamais on en avait douté, son regard sur Antonio est sincèrement intéressé. Et que cet homme et son univers, croisés par hasard, secrètement, il rêvait de les rencontrer.
« Je fais beaucoup de randonnée, depuis tout jeune, en famille. A 18 ans, je me suis pris de passion pour le trek et la randonnée en autonomie, notamment au Népal. Là, j’étais parti sur une rando de quelques jours dans les Ecrins, non loin du refuge de Tourond, du côté du col de la Vénasque, avec vue sur le Dévoluy. Sur le parcours, se trouvait Antonio et sa bergerie. Comme s’il nous attendait, assis avec ses deux chiens, un œil sur son troupeau. Comme un coup du sort. C’est une homme un peu sauvage, mais il a le dialogue facile, ça s’est déroulé très naturellement. On n’a parlé qu’une heure, et je lui ai dit que je faisais des films, lui demandant s’il accepterait que je revienne avec une caméra. Il a dit oui. Le réalisateur remontera donc quelque temps plus tard avec une toute petite équipe de professionnels et amis (Simon Bourrat et Raphaël Pibarot, au son ) avec lesquels il a l’habitude de travailler sur de plus grosses productions. Ensemble sur les deux jours et demi que durera le tournage, réalisé à la Red Komodo / Sigma Art 18-35 F/1.8, ils s’attacheront à capter quelques moments forts du quotidien d’Antonio De Feo dont l’intensité sera mise en valeur par un montage très précis et une superbe bande son.
De Robin Pogorzelski on apprendra qu’Antonio est berger depuis longtemps, en montagne de juin à fin septembre, qu’il a même exercé son métier aux Etat-Unis, qu’il s’est spécialisé dans une lignée très spéciale de chiens de berger, et qu’il est également formateur dans une école de bergers. Toute une vie plus complexe qu’il n’y parait à regarder les cinq minutes de ce court métrage, mais qu’au fond on se moque un peu de ne pas avoir découvert plus tôt. Car au final, c’est bien un « film de contemplations », offrant « quelque chose de l’ordre du ressenti », et pas « quelque chose de trop technique ou trop concret » que recherchait Robin Pogorzelski. Qui instinctivement évitera de faire un film trop bavard, préférant laisser de vrais espaces de silence pour cerner ces moments vécus avec lui. Un sujet qui appellerait un tournage plus long, plus documenté et fourni ? Peut-être, « le personnage est assez riche et complexe. Il y a matière à faire plus long », explique-t-il. Mais le réalisateur est déjà sur un autre projet, tout aussi personnel à nouveau. Sur une boxeuse cette fois.
Pour en savoir plus sur le travail de Robin Pogorzelski, direction son compte instagram.com @robin_pogorzelski
Notre sélection des meilleurs films d’aventure disponibles en streaming et libre accès.
SKI & SNOW ∙ ALPINISME ∙ ESCALADE ∙ VOILE ∙ RUNNING ∙ SURF ∙ VÉLO ∙ AVENTURE ∙ ENVIRONNEMENT