Alors que l’Ouest de Etats-Unis connait la pire sécheresse depuis 1200 ans, Patagonia sort un remarquable documentaire de 49 minutes sur la bataille pour l’eau faisant rage dans le Wyoming, où les tribus Shoshone et Arapaho continuent de lutter pour récupérer l’accès au Wind River, fleuve sacré dont ils ont été dépossédés au XIX siècle et sur lequel l’agriculture intensive a mis la main.
C’est la bataille entre le pot de fer et le pot de terre. Et les jeux semblent faits, et refaits depuis des siècles, mais les indiens Shoshone et Arapaho continuent de se battre depuis plus de 37 ans. Plus vraiment pour leurs terres, dont ils ont été dépossédés fin XIX à l’issue d’un accord inique. Mais pour ce qu’il en reste, 800 000 hectares sur les 18 millions d’hectares initialement concédés à leur réserve, et surtout pour leur eau, ou plus précisément leur fleuve, le Wind River. Superbe bassin parsemé de lacs et d’affluents poissonneux dont les rives reverdissent au printemps dès l’arrivée des vents chauds faisant fondre la neige, d’où son nom, le « fleuve du vent ».
Sous la caméra de Jon Klaczkiewicz, réalisateur très engagé au niveau environnemental auquel on doit déjà The Fourth Phase (2016), Jeremy Jones’ Further (2012) ou encore Winterland (2019), on remonte les siècles et découvre comment les colons américains ont peu à peu réduit à peau de chagrin le territoire ancestral des Indiens jusqu’à les priver de l’accès au Wind River. Bien plus qu’un fournisseur d’eau, ce site sauvage est l’un des piliers de leur culture et de leurs pratiques, notamment de la pêche. Une source de revenus non négligeable pour eux, sur laquelle se greffe aujourd’hui l’espoir de développer une autre activité lucrative et respectueuse de l’environnement, le rafting, en pleine expansion.
Dans une communauté d’une extrême pauvreté, frappée de mille maux – obésité, drogue, crimes, violences conjugales – ces « native Americans ou « premiers habitants « comme on les désigne aussi maintenant, ont peu d’espoir de sortir d’un chômage frappant 80 % de leur population. Aussi l’exemple de Darren Calhoun, un native american de mère Northen Arapaho et de père Eastern Shoshone – deux tribus ennemis rassemblées de force par les colons sur le territoire des Shoshone au XIX siècle – est-il instructif. Ce passionné de pêche à la mouche a entrepris de mettre en valeur la Wind River de manière respectueuse. Plutôt que de céder aux mirages de l’exploitation touristique intensive, au risque de piller les fonds halieutiques, il a privilégié une tourisme raisonné, très sélectif, limitant fortement l’accès aux sites poissonneux. Après des débuts difficiles, peu rentables, son entreprise a décollé, ouvrant d’autres perspectives à ceux qui comme lui au sein de sa communauté, ont compris que l’eau pourrait bien ne plus servir à alimenter l’industrie du charbon, en plein déclin, mais nourrir un tourisme basé sur la découverte de l’outdoor. Une approche de développement nettement plus durable dont pourrait profiter également les jeunes générations Shoshone et Arapaho, coupées de leurs racines et cantonnées devant leurs écrans de téléphone portable.
Pêche respectueuse, activités outdoor en eaux vives, les projets ne manquent pas mais se heurtent pour l’heure à un jugement rendu en 1977, octroyant la propriété des eaux du Wind river à l’Etat du Wyoming. Principaux bénéficiaires à ce jour : les exploitants agricoles ( non indiens) utilisant sans état d’âme les eaux captées via un barrage financé… par des fonds destinés aux populations indiennes. Depuis 37 ans maintenant, le litige est en cours. La bataille n’est pas terminée, loin de là. Elle semble difficile, mais non sans espoir, laisse entendre Patagonia, fort d’un récent succès sur une autre zone fluviale menacée par les barrages et l’exploitation industrielle, le fleuve Vjosa, devenue récemment un parc national.
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