Une petite voix aigüe, un mètre soixante, trente ans mais en paraissant quinze : comment imaginer que cette minuscule femme laisse sans voix les plus gros bras du Kayak mondial ? Triple championne du monde de kayak extrême, cinq fois « rider de l’année » aux Whitewater Awards, la Française vient encore d’ajouter à son énorme palmarès la première descente des chutes de Don Wilo en Équateur, devenant ainsi la première femme à franchir la barre des trente mètres, l’équivalent d’un immeuble de dix étages. Ne serait-ce que pour le récit de cet exploit, il faut voir le documentaire de 1h26 que David Arnaud a consacré au parcours de l’une des plus impressionnantes athlètes actuelles.
« Le meilleur kayakiste au monde est… une femme, française, deux fois moins payée que les hommes », écrivions-nous en avril 2020 dans un long portrait de Nouria Newman. Deux ans plus tard, cela reste vrai : en ce qui concerne le palmarès, comme la rétribution. Certes, le kayak n’est pas un sport qui affole les foules ni les sponsors, mais voir évoluer cette petite femme de trente ans sur les rivières les plus déchainées et descendre les chutes plus vertigineuses, de l’Islande à l’Equateur en passant par l’Himalaya, est tout simplement sidérant et devrait en émouvoir plus d’un. Aussi la sortie aujourd’hui du film réalisé par David Arnaud et produit par Red Bull, est-elle une excellente nouvelle. En 1h26 minutes, le réalisateur qui a suivi la kayakiste pendant deux ans, revient sur le parcours de cette athlète de tout juste 30 ans, à l’allure d’ado, dont le courage et la maîtrise technique défient l’entendement.
A trois ans, Nouria voit son premier Kayak ; ses parents en font « en touristes », dit-elle. C’est ça qu’elle veut. « Apprend donc à nager d’abord », lui répondent-ils. Préalable qu’elle bouclera en trois mois et trois nages sur 25 mètres avant de revenir à la charge : « Alors, ce kayak » ? Elle n’a que quatre ans, mais déjà sa détermination est entière, et ses choix non négociables. Ce sera donc le club de kayak et son débouché « naturel » : la compétition. Passage obligé. Courses, podium, équipe de France, tensions, pression. La kayakiste y fait ses gammes, et ça lui servira beaucoup plus tard, mais très rapidement un gros ras le bol la submerge.
Nouria rêve d’autre chose. Il lui faudra découvrir le kayak extrême, puis les expéditions pour trouver sa voie et enchaîner les performances. Toujours plus fort, plus dangereux, plus excitant. « J’aime avoir peur « , nous confiait-elle en mars 2021 lors d’une interview, au retour d’Islande où elle était allée se jeter dans des chutes glacées après des mois de confinement, un avant-goût de l’enfer pour une Nouria qui ne tient pas en place mais qui n’a rien d’une folle. Pour elle le kayak, c’est le grand frisson, le fun, les potes. La vie quoi. La mort aussi : car au fil des années et des descentes, les décès s’enchaînent. Prévisibles, certes, mais ça fait mal. Très mal. Nouria plonge, au figuré. Il faudra trois ans de voyages et une descente du Grand Canyon d’Asie, dans l’Himalaya, à plus de 4000 mètres d’altitude, pour la remettre à flot après avoir frôlé à son tour la mort. Des petits moines, rencontrés sur la rive, vont lui rappeler que la finalité de tout ça, c’est le plaisir.
Aussi lorsqu’en février 2021 elle entreprend de descendre une chute de plus de trente mètres, est-elle plus forte que jamais. Plus gonflée aussi. Son « plus de trente mètres », ce ne sera pas une répétition, mais une première. Nettement plus difficile et dangereux aussi. Pas de ligne de référence sur ce coup-là, aucune certitude sur l’issue. Pour elle, ce sera la rencontre avec les chutes de Don Wilo sur le Río Pucuno en Equateur. Un pari très risqué au regard de la configuration du lieu et de sa hauteur : 30,48 mètres. Sur ce site vertigineux, elle déploie une technique d’une précision extrême et une remarquable lecture de la rivière et devient la première femme kayakiste à effectuer une première descente d’une chute de plus de 30 mètres, éclipsant les 25 mètres enregistrés par Christie Glissmeyer aux chutes de Metlako en 2009. De quoi décrocher son cinquième titre consécutif de kayakiste de l’année aux Whitewater Awards. Ca fait plaisir, mais là n’est pas l’essentiel pour cette athlète qui a oublié d’être bête : « Il ne s’agit pas seulement de sport. Sur le plan social ou mental, cela va bien au-delà. On touche à des sujets universels. C’est la richesse de ce film et du sport en général ». Au visionnage de « Wild waters », on confirme.
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