C’est un épisode un peu spécial de sa websérie que le double champion du monde de ski freeride diffuse aujourd’hui. Parti le 27 octobre 2019 pour la Transat Jacques Vabre avec son coéquipier, Louis Duc, Aurélien Ducroz en est revenu avec un film de 12 mn retraçant les moments forts de cette course dont il finira 5e, malgré de sérieux problèmes techniques. Mais le périple de son navire ne s’est pas arrêté à son arrivée à Salvador de Bahia le 15 novembre.
Lors du convoyage retour de la Transat, entre Salvador de Bahia et Lorient, Louis Duc et Thomas Servignat, le marin qui l’accompagnait, ont chaviré au large des Açores, le 19 décembre. Les deux marins ne doivent la vie sauve qu’à l’intervention des secours. Leur Class40 portant les couleurs de Crosscall Chamonix Mont-Blanc sur la Jacques Vabre, continue désormais sa navigation entre deux eaux. On regardera donc ce nouvel épisode de Go Explore avec une certaine émotion.
Originaire de Chamonix, Aurélien Ducroz a longtemps vécu au rythme des compétitions de freeride où il s’est imposé au plus haut niveau. Devenu marin, il n’a d’autres plaisirs aujourd’hui que de partir à la recherche d’aventures sur la neige ou la mer, ses deux territoires de prédilection. Des expéditions qui nourrissent une websérie déjà riche de plusieurs épisodes. Après les Carpates en février 2019, le freerider a mis le cap en mars sur les pentes enneigées de Shemshak, au nord-est de Téhéran, en Iran. Avant de filer quelques semaines plus tard vers la Norvège, en compagnie de François Gabart, marin au long cours et vainqueur du Vendée Globe en 2013. Quelques mois plus tard l’attendait la Transat Jacques Vabre, aux côtés de Louis Duc.
En décembre dernier, à la veille de la diffusion du film rétrospectif qu’il en a tiré, Aurélien Ducroz nous avait accordé une interview. Quelques heures plus tard, il apprenait le naufrage qui a failli coûté la vie de son coéquipier. Bouleversé, il avait demandé à Outside d’en suspendre la diffusion. Les deux marins à bord du Class40 150 Pinocchio étant aujourd’hui hors de danger, en voici la retranscription.
-GO EXPLORE TRANSAT JACQUES VABREC’est un voyage transatlantique que je vous propose pour ce nouvel épisode de GO EXPLORE! Avec Louis Duc à bord de #crosscallchamonixmontblanc on vous emmène au coeur de la Transat Jacques Vabre. De l’intimitée du départ aux émotions de l’arrivée vivez notre transat de l’interieur! #meretmontagne Chamonix-Mont-Blanc Crosscall Helly Hansen Dragon Alliance Michel Herbelin LH Le Havre Salvador (Bahia)
Publiée par Aurelien Ducroz sur Dimanche 5 janvier 2020
Aurélien, qu’as-tu retiré de cette Transat ?
Ce n’est jamais comme on l’imagine. On sait qu’en mer il se passe toujours des choses improbables, mais globalement, ça s’est bien passé, malgré la perte de deux spis. Avec du recul, il nous manquait un peu de matos. Nous en avions bien sûr, mais pas assez pour bien réparer les voiles. Du coup, je sais exactement ce qu’il faut pour ma prochaine course !
Et surtout, je cherchais une belle aventure humaine. Or Louis et sa force tranquille m’ont apporté énormément de choses. Notamment la confiance. Avec lui à bord, j’étais hyper apaisé.
18 jours de cohabitation avec quelqu’un que je ne connaissais pas très bien, c’est pas rien. Mais on a été capables de gérer ça. Sans un mot plus haut que l’autre. C’est dingue ! C’est une aventure extraordinaire !
Prendre toutes les décisions en commun c’est nouveau pour moi qui vient du freeride où on agit plutôt en solitaire. Mais ça s’apprend. En fait, sur le bateau, nous étions deux solitaires qui se consultaient et une 3e idée en ressortait ! C’est très agréable. J’ai déjà vécu ça en montagne avec des guides, lors des repérages, mais la ligne, au final, c’est moi qui la traçais, seul.
As-tu des regrets sur cette course ?
Peut-être une petite frustration sportive sur la fin. On visait le podium ! Mais bon, on est quand même dans le top 5 ! C’est ma Transat la plus aboutie. Sur la précédente, j’ai fini 4e, mais j’étais plus spectateur que cette fois-ci.
J’ai l’impression d’avoir passé un cap. 2022 va arriver assez vite, on va se battre, pour la Route du Rhum. Et pour le Vendée Globe, en 2024. Je suis prêt. Cette course m’a donné tellement l’envie de repartir. Je reste parfois quatre à cinq mois sans naviguer, mais c’est toujours le même plaisir.
Comment comptes-tu t’entraîner pour une solitaire ?
En faisant une saison de voile complète. Tout le programme du Class40. Je suis donc en recherche de sponsors ; il y a déjà pas mal de gens autour de moi. Mais pour que ce projet fonctionne, il faut qu’il résonne mer et montagne. C’est comme ça qu’on va démarcher.
Si tu devais convaincre un gars de la montagne de faire de la voile, tu lui dirais quoi ?
Que la montagne et la mer sont deux milieux très proches. Les recettes pour que ça fonctionne y sont les mêmes. Les éléments sont différents, mais leur décryptage est identique. Des adeptes de la course au large sont passés à l’alpinisme sur grandes voies avec succès. A commencer bien sûr par Éric Loizeau. Et ils sont de plus en plus nombreux à suivre ce chemin.
Photo d'en-tête : Eric Gachet / Crosscall