180 km, 13 800 m de dénivelé positif en 32h33*, une performance pour le Jurassien au palmarès impressionnant, mais qui ne lui permet pas de battre le record de François D’Haene, 31h06, établi en juin 2016, ni celui de Guillaume Perretti, 32h, en 2014.
Confronté à un terrain très technique et à une chaleur intense, Xavier Thévenard, qui semble avoir eu du mal à récupérer d’une nuit éprouvante, a perdu ce matin l’avance affichée en début de course hier.
Pour établir un nouveau record de la traversée du mythique GR20, il aurait dû arriver aujourd’hui à 11h06 à Conca (Sud-Est). Or c’est à 12h33 qu’on l’a vu arriver, visiblement très éprouvé par ses 32h33* de course non-stop.
Quelques jours avant son départ, Outside avait interviewé Xavier Thévenard : « Je n’ai jamais couru plus de 24 heures, ça va me faire bizarre », nous confiait-il. « Et 180 km, très techniques pour une bonne partie … j’ai pas mal d’incertitudes. Mais c’est une chouette aventure humaine. » Au regard de la mobilisation de la communauté des traileurs autour de cette aventure, Xavier a réussi son pari, au moins sur ce plan. Trente, et non des moindres, se sont en effet relayés pendant toute la durée de la course, deux devant et un à côté. Parmi eux, Lambert Santelli, Guillaume Perretti, Fred Callier, Jean-Francois Hautin.
*Source « France Bleu », temps non officiel
Le défi du GR20 en chiffres
Le parcours : 180 km, 13 800m de dénivelé positif. Ou la traversée de la Corse, de Calenzana, au nord-ouest de l’île de beauté, à Conca, au sud-est. Le GR20 emprunte des passages très techniques avec de nombreux pierriers. C’est l’un des sentiers de grande randonnée parmi les plus difficiles de France. Xavier emprunte le tracé de François D’Haene, passant par le Cirque de la Solitude, normalement fermé pour des raisons de sécurité, mais rouvert pour l’occasion.
Le chrono à battre : 31h06’ réalisé en juin 2016 par François D’Haene. Le précédent record était détenu par Guillaume Perretti(32h, en 2014), dans la foulée de Kilian Jornet (32h54, en 2009), à l’origine de ce défi. Côté femme, c’est Émilie Lecomte qui détient le record en 41 heures, 22 minutes et 10 secondes.
Les pacers : une trentaine, dont 27 locaux se relaient pendant toute la durée de la course, « Deux devant, un à côté de Xavier Thevenard qui n’aura donc rien à porter. Parmi eux, Lambert Santelli, Guillaume Perretti, Fred Callier, Jean-Francois Hautin.
Interview publiée le 6 juillet 2020, mise à jour le 7 juillet 2020
Sur ta page Facebook, tu as posté récemment « Quand on ne trouve pas son repos en soi-même, il est inutile de le chercher ailleurs », qu’entendais-tu par-là ?
J’étais en montagne ce jour-là, je programme mes publications environ dix jours à l’avance. C’était sans doute lié à une actu du moment. Mais l’important c’est d’être en phase avec ses convictions. Ça ne sert à rien d’aller les chercher chez les autres, ni d’attribuer la faute à untel ou untel. Il faut faire ce qui vient des tripes. Même si ça sort des codes de notre société. Tant que ça nous botte ! C’est de moins en moins difficile de le faire pour moi. Je n’ai pas de certitude, mais aujourd’hui, je suis au clair avec moi-même, je n’ai pas peur de mettre un pied dans la fourmilière.
Tu sembles avoir pris une certaine distance avec Asics, au demeurant ton sponsor sur ta traversée du GR20.
A l’automne dernier, ma décision a été mal comprise. J’ai quitté la team Asics, pas la marque. Je suis toujours avec mon équipementier, mais comme coureur indépendant, ça me permet de fonctionner de manière plus autonome et de prendre mon destin en main. Aujourd’hui, à 32 ans, j’essaie d’évoluer dans la vie. Mon contrat s’achève en fin d’année, avec le Covid-19 c’est un peu dur de ce projet sur 2021″.
Comment concilier sport, compétition et quotidien ?
A la base, j’ai un BEP de charpentier menuisier, fait en sports études. J’ai travaillé deux ou trois étés comme charpentier, puis comme moniteur de ski. J’ai fait du biathlon pendant huit ans, puis du ski de fond longue distance. Et j’ai toujours couru. Le sport m’anime depuis l’enfance, mais je n’ai pas l’esprit de compétition, mes parents ne m’ont jamais poussé à en faire. Pour moi le trail est une aventure en soi.
Depuis 2013, je suis sponsorisé, mais jusque-là je travaillais comme éducateur sportif à l’UCPA, en kayak, VTT, escalade, tir à l’arc. Je me levais à l’aube le matin pour m’entraîner, j’assurais une journée de boulot et m’entrainais à nouveau le soir.
En 2013-2014, je ne voulais pas pour autant quitter ce boulot comme ça. Le côté social me plaisait et j’arrivais à allier sport de haut niveau et travail, même si ce n’était pas toujours facile. S’entrainer à 5h00 du matin par – 20C c’est beaucoup de perte d’énergie. Mais cette année, j’ai décidé de me focaliser plus encore sur le trail.
Tu as décidé de renoncer à l’avion, est-ce bien réaliste?
J’ai effectivement annoncé il y a quelques jours que je renonçais à prendre l’avion, enfin aux longs courriers, par respect pour l’environnement. J’ai toujours eu cette sensibilité. Enfant, je vivais avec mes frangins et ma frangine dans une petite station de ski, dans le Jura. Le premier copain était à 7 km. La nature, on baignait dedans. Le jour, on faisait des cabanes dans les bois, on avait les mains dans la terre et les animaux, sangliers, corbeaux étaient partout. Forcément, ça crée une sensibilité, forgée aussi par mes parents.
Je m’éclate dans la nature. Ce qui me remplit de bonheur c’est de voir la verdure, les chamois dans les bois. Ça ne serait pas logique de massacrer ce qui m’apporte du bonheur. Dans mon petit univers, avec mes potes, on discute beaucoup d’écologie. On est plutôt optimiste mais on est privilégiés, on est entourés de nature, je vais très peu en ville et je suis sur un projet d’habitation durable, dans le Jura, bien à l’écart, mais tout ce qu’ont annoncé les scientifiques sur le réchauffement climatique se produit. Il en va donc de notre responsabilité à tous. Je n’ai pas d’enfants et j’espère en avoir, mais je n’ai pas envie d’avoir des regrets.
Alors fini la Hard Rock et la Diagonale des fous ?
La Hard Rock, je n’y retournerai pas. Je suis las de passer du temps dans les aéroports. Ça allait un temps, mais on a de quoi s’éclater plus près. Regarde les cartes ! En ultra, les courses majeures se font en Europe et encore plus en France. Dont l’UTMB, la plus relevée de la planète.
D’autant qu’on ne peut pas faire un ultra tous les week ends. Trois par an max. L’UTMB et une autre à moins de 3 heures de vol, en Italie ou en Suisse par exemple. Je peux me permettre de dire ça car je n’ai pas besoin d’aller aux US ou au Japon. La référence se fait en France.
Quant à la Diagonale, c’est trop tropical pour moi, trop humide Donc courir dans cet environnement, ça devient compliqué. Un ultra, on ne peut pas le faire par hasard. Et la Diag ne m’a jamais vraiment dit
Pourquoi ne pas adopter la compensation carbone ?
Je ne sais pas si ceux qui choisissent cette option le font pour se donner bonne conscience. Ils savent bien que prendre un long courrier annule toutes les bonnes choses que tu peux faire le reste de l’année. Mais on est tous plein de paradoxe. C’est peut-être une manière d’aller dans le bon sens, mais faut vraiment être irréprochable au quotidien, il faut être vraiment bon !
On parle de restructurer le calendrier du trail
On essaie de restructurer notre sport, de créer un seul event où on se retrouver tous. Ainsi on ne se déplacerait qu’une seule fois. Il y a pas mal d’actions en place. Kilian, le big boss, est à l’initiative de ça. On a tous beaucoup échangé là-dessus pendant le confinement. Difficile à dire quand on pourra le concrétiser. Il faut prendre le temps de réfléchir à tout ça.
Végétarien, est-ce une option pour toi ?
La consommation de viande est délétère pour l’environnement, les trois-quarts des terres servent à l’élevage. On les prendrait pour faire des légumineuses, ce serait bien plus logique. L’élevage intensif est donc une catastrophe, mais on des tous des chasseurs cueilleurs, aussi je ne suis pas végétarien, sans pour autant manger de la viande tous les jours. J’ai la chance que mon beau-père élève des vaches, en bio. Elles ont une super vie. Et puis je mixe avec des protéines végétales, des légumes, deux ou trois poissons en pêche durable.
2010-2020 : dix ans dans le circuit, déjà …
Oui, mais j’ai toujours la même motivation, je m’éclate toujours autant. J’ai plus confiance en moi, je sais ce qui me convient, ou pas. J’ai pris deux ou trois rides, j’ai eu deux fois des problèmes de ménisques mais on me dit que je suis toujours un peu ado !
Le trail business semble se porter très bien, qu’en penses-tu ?
Comme tous les sports qui évoluent et qui gagnent des adeptes, le trail est un peu victime de son engouement. Mais je ne suis pas la bonne personne pour en parler. Je suis un pur produit de la consommation des marques. Des baskets aux lunettes. Aussi faut-il avoir une démarche de durabilité. Mes sponsors connaissent ma vision, et ce n’est pas moi qui vais la leur imposer. Mais j’essaie que l’argent de mes partenaires aille dans le sens de l’écologie ou de l’environnement.
Tu restes très discret sur ta vie privée
Même avant réseaux sociaux, j’allais courir comme je cours aujourd’hui. Ados, je pouvais aller courir 50 km le week-end, je le faisais pour moi. Je suis plutôt introverti, je n’ai pas besoin de raconter ma vie sur les réseaux.
Rockeur, c’est une légende ?
Absolument pas ! Et je suis fan de Led Zeppelin. J’ai une Gibson, je la sors de tant en tant. Mon plus jeune frangin faisait de la batterie, au lycée, on avait monté un groupe, les HBB, les Happy Bucherons Band, on faisait du rock, du ska, du blues, un peu de tout.
Le GR 20
Je n’ai jamais couru plus de 24 heures, ça va me faire bizarre. Et 180 km, très technique pour une bonne partie … j’ai pas mal d’incertitudes. Mais c’est une chouette aventure humaine. Un défi sportif, mais je ne pars jamais dans l’optique de gagner. Et je ne me compare pas du tout à Kilian ou à François. Je n’ai pas la prétention de les battre, mais c’est très très excitant !
Photo d'en-tête : Ben becker