« Qu’est-ce qui se cache derrière les étiquettes utilisées pour vendre la « durabilité » des vêtements. Sommes-nous simplement en présence d’un écoblanchiment ? « s’interroge l’organisation environnementale. Plus que perplexe face à la prolifération de labels, étiquettes, pictogrammes et acronymes plus « verts » les uns que les autres, Greenpeace a passé au crible les allégations de 14 marques. Seules trois s’en tirent bien, conclue-t-elle dans son récent rapport. En tête, loin devant, Vaude, la marque spécialiste d’équipement outdoor allemande VAUDE, déjà distinguée par de nombreux prix environnementaux.
24 avril 2013, quelque 1135 personnes perdent la vie dans l’’effondrement de l’usine de vêtements Rana Plaza, à Dacca, la capitale du Bangladesh ; la moitié sont des femmes. Dix ans plus tard, cette tragédie reste la plus grande catastrophe survenue dans l’industrie de la mode moderne. «Au-delà des très bas salaires ou des mauvaises conditions de travail, cela révèle « les formes extrêmes de production qui se cachent derrière la mondialisation », commente alors le quotidien « Le Monde ». Cet immeuble de huit étages, construit sans aucun respect des règles d’urbanisme ni permis abritait en effet plusieurs ateliers de confection employant environ 5 000 salariés. Parmi leurs clients, diverses marques occidentales, dont l’Espagnol Mango ou l’Irlandais Primark. Des étiquettes de vêtements Carrefour (marque Tex), Auchan (marque In Extenso), Camaïeu et H&M seront également retrouvées dans les décombres du Rana Plaza.
La veille du drame, devant l’apparition de fissures, des consignes d’évacuation avaient pourtant été données. Mais la direction des ateliers textile les avait ignorées et avait menacé de retenir les salaires ou de licencier les employés qui protestaient. Contraints, ils prendront finalement leur poste. Une heure plus tard, vers 9 heures, le sol commence à trembler. En deux minutes, le bâtiment s’effondre complètement, n’épargnant que le rez-de-chaussée.
L’irrésistible et phénoménale progression de la fast fashion
« Cette catastrophe a été un signal d’alarme pour tout le monde et symbolise depuis lors les effets dévastateurs de la fast fashion, non seulement sur les travailleurs des chaînes d’approvisionnement, mais aussi sur l’ensemble du cycle de vie de la mode, qui exploite les personnes et la nature du berceau jusqu’à la tombe », explique Greenpeace. « Dix ans se sont écoulés depuis la catastrophe, mais qu’est-ce qui a changé depuis ? » s’interroge l’organisation gouvernementale, à l’origine d’une enquête sur le greenwashing publiée en avril dernier.
De nombreuses initiatives ont été prises pour s’attaquer à ces problèmes, notamment l’Accord du Bangladesh, lancé au lendemain de la catastrophe du Rana Plaza pour améliorer les conditions de travail par des syndicats bangladais et internationaux, ainsi que par des groupes de défense des droits des travailleurs. Il a conduit à la création de Fashion Revolution, le plus grand mouvement d’activisme dans le domaine de la mode au monde qui bénéficie de l’engagement de nombreuses organisations non gouvernementales. Parmi elles, Greenpeace, qui avait déjà commencé à s’intéresser aux chaînes d’approvisionnement mondiales avec sa campagne « Detox My Fashion ». Lancée en 2011, elle a réussi à inciter les marques à ne pas rejeter de produits chimiques dangereux dans les cours d’eau et à éliminer leur utilisation dans les usines de la chaîne d’approvisionnement. 29 marques s’étaient engagées à signer un engagement « Detox ».
« Toutefois, au cours de la dernière décennie, la cause profonde du problème de la mode – le modèle commercial linéaire qui dépend de l’augmentation constante des volumes et du chiffre d’affaires des vêtements jetables – est restée inchangée. Malgré la catastrophe du Rana Plaza, la « fast fashion » (mode rapide) continue de se développer rapidement » ne peut que constater l’ONG.
Mieux que les mots, les chiffres parlent d’eux-mêmes :
La production de vêtements a doublé entre 2000 et 2014.
Le consommateur moyen achète 60 % de vêtements en plus chaque année et les conserve environ deux fois moins longtemps.
Le nombre de vêtements a dépassé les 100 milliards d’euros en 2014 et devrait atteindre plus de 200 milliards en 2030.
Moins de 1 % des vêtements sont recyclés en nouveaux vêtements.
Chaque seconde, un camion de vêtements est brûlé ou envoyé à la décharge.
Source : Greenpeace
14 marques passées sous la loupe de Greenpeace
Pour s’attaquer sérieusement au changement climatique, à la crise de la biodiversité et à la protection des océans, il faut réduire considérablement l’intensité matérielle de la mode, actuellement régie par un modèle commercial linéaire qui repose sur la surproduction et la promotion de la surconsommation. C’est pourquoi Greenpeace a également mis au défi les 29 marques engagées dans « Detox » d’assumer la responsabilité de l’ensemble du cycle de vie de leurs vêtements en « ralentissant le flux » et en « bouclant la boucle ».
Parmi elles, 14 ont été sélectionnées, principalement celles qui utilisaient un label utilisant des termes positifs tels que « durable », « vert » ou « éthique ». L’organisation a vérifié si la réalité correspondait à l’image en termes de conditions de production et de travail améliorées. Elle a notamment cherché à savoir si les employés percevaient des salaires garantissant leur subsistance et si des données concernant les fournisseurs et les chaînes d’approvisionnement étaient rendues publiques. Elle a également vérifié si des substances chimiques nuisibles pour l’environnement et la santé étaient utilisées et si des données sur la décontamination des eaux usées étaient publiées.
Dans la majorité des cas : de l’écoblanchiment !
Conclusion ? La plupart des marques étudiées cumulent les travers : confusion des termes, chiffres peu précis ou non représentatifs, absence de traçabilité des matières premières ou des fournisseurs, allégations non validées par des tiers indépendants… Le plus grand flou règne. Certes reconnait l’ONG, les questions environnementales et sociales liées à la production de vêtements ont trouvé leur place sur les étiquettes et les présentoirs des vêtements dans les magasins, une amélioration majeure, mais c’est trop souvent « plus déroutant qu’utile ». Il s’agit d’une simple opération d’écoblanchiment. , « Une arnaque aux labels », résume-t-elle.
Sur 14 labels de durabilité étudiés par Greenpeace, 11 ne passent pas au travers du filet ! Seules 3 s’en sortent. Le label Green Shape créé par VAUDE en 2010, obtient pour sa part la meilleure note , ex aequo avec le label COOP Naturaline, loin devant Tchibo Gut Gemacht (Well Made). Ce qui n’étonnera pas ceux qui ont suivi le parcours de Vaude, une marque qui, depuis sa création en 1974, n’a jamais hésité à faire des choix radicaux en matière de production durable. Pionnière d’un style de vie éco-responsable, la société allemande lançait ainsi dès le milieu des années 90 les premiers essais pour recycler entièrement les vêtements techniques des sportifs outdoor, au sein du réseau Ecolog-Recycling. En 2001, elle était la première marque de l’industrie outdoor à soutenir et utiliser le label Bluesign, l’un des plus exigeants de l’industrie textile. Huit ans plus tard, en 2010, elle allait plus loin encore et créait son propre label de qualité « Green Shape », certifiant non pas seulement la matière première textile, mais tous les éléments constituants d’une veste ; le label précisément passé au crible cette année par Greenpeace.
VAUDE, N°1 du classement des entreprises les plus vertueuses
Ce qui a particulièrement pesé dans le classement du Greenpeace ? Le fort engagement de VAUDE au sein de la chaîne d’approvisionnement mondiale et en faveur de salaires de subsistance. La communication d’une liste de fournisseurs transparente et de la preuve des matériaux utilisés. Mais aussi la part très élevée des produits labellisés « Green Shape » dans la production totale de la marque ainsi que la clarté et la transparence d’attribution des critères d’évaluation. Dernier point qui a retenu l’attention de l’ONG : VAUDE s’est engagée en faveur d’une longue utilisation du produit et de concepts d’économie circulaire. Un point capital, Greenpeace appelant fermement l’industrie de la mode à prendre ses responsabilités et à refermer la boucle de production des matières.
Complexe, on le sait, mais possible si on l’en juge par l’expérience de la marque allemande qui a mis en œuvre notamment un service de réparation, des projets d’upcycling et un service de location d’équipement. Sans parler d’une optimisation de l’usage des matières premières et de l’établissement d’une économie textile circulaire, soutenue par une infrastructure permettant la collecte, le tri et le recyclage des textiles en de nouveaux textiles, explique Antje von Dewitz, directrice générale de VAUDE
Un discours vertueux validé par des faits, précisément ce qu’attend Greenpeace des marques, mais aussi des institutions. Dans sa ligne de mire : La Commission européenne. Elle a récemment publié un certain nombre de propositions, dont une directive sur la justification et la communication des allégations environnementales explicites (appelée « directive sur les allégations vertes »). Face à la multiplication des labels ou pseudo labels de durabilité, « des règles européennes claires sur les allégations vertes volontaires « s’imposent, réclame en effet Greenpeace. Ce qui n’ira pas sans le développement de méthodologies, de critères de référence et d’indicateurs dignes de confiance, insiste-t-elle. Au regard des conclusions inquiétantes de l’enquête de Greenpeace, le chemin sera long.
Qu’exige exactement le label Green Shape de VAUDE ?
Les critères « Green Shape » stricts englobent le cycle de vie de produit complet, à commencer par le design en passant par les matériaux utilisés et les processus de fabrication des matériaux en question, jusqu’aux sites de production, l’utilisation et l’entretien du produit ainsi que le recyclage possible et/ou l’élimination respectueuse de l’environnement. Pour atteindre les objectifs climatiques ambitieux en faveur desquels VAUDE s’est engagée à titre volontaire, chaque nouveau produit « Green Shape » doit être principalement composé de matériaux recyclés ou biosourcés. Ceci permet de réduire les émissions nuisibles au climat et d’encourager le développement d’une économie circulaire. En outre, « Green Shape » met en avant un indice de réparation, qui ancre dès le départ et de manière systématique la réparabilité dans le développement de produit.
Depuis juillet 2022, un comité consultatif externe composé de six experts indépendants et renommés s’assure du développement des critères selon le plus haut niveau et les spécifications les plus strictes en vigueur dans la filière textile. Vaude se veut pionnière dans ce domaine : pratiquement aucune autre marque n’appliquait ces critères stricts jusqu’à présent dans le développement de produit.
Pour lire l’intégralité du rapport de Greenpeace sur le greenwashing des marques de textile, c’est ici : www.greenpeace.de
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