Ca y est, c’est fait ! Arrivé à 13h37 aujourd’hui à Chamonix en 19:37:43, la star de l’ultra peut enfin monter tout en haut du podium de l’UTMB. Une revanche éclatante sur le sort qui semblait s’acharner sur lui depuis six ans. C’était la cinquième fois qu’il s’attaquait à l’un des trails les plus convoités de la planète. (171 km et 10 040 D+), devenu au fil des ans et des tentatives malheureuses son objectif numéro un, une vraie obsession pour lui, nous avouait-il lui-même. Son impressionnante détermination aura été payante. Bravo Jim !
En l’absence de Kilian Jornet, blessé, tout était permis à Jim Walmsley. Et il s’est tout permis en décrochant la victoire avec brio, ce qu’il attendait depuis six ans. Difficile de faire mieux en effet. Pourtant si le GOAT n’était pas là pour lui voler la victoire, la voie n’était pas libre pour autant. Sur les rangs, visant la 1er marche du podium cette fois, l’Américain avait toutes les raisons de se méfier de Mathieu Blanchard, 2e l’année dernière avec un temps éblouissant (19:54:50), et 6e à la Western States en juin cette année. Mais malgré une belle remontée à mi parcours le Français ( toujours dans la course à l’heure où nous bouclons cet article) n’a pas transformé l’essai. Dans la course au podium, un autre athlète et non des moindres, avait une revanche à prendre : Pau Capell. On se souvient que l’Espagnol, vainqueur en 2019, visait une fois de plus le podium et mieux encore, le record des moins de 20h. Les deux lui avaient échappé en 2022, suite à son abandon, pour cause de déshydratation au Km 126. Cette année encore il a dû déclarer forfait, de même que l’Anglais Tom Evans. Au final, c’est de son compatriote Zach Miller qu’est arrivée l’offensive, dès le km 31 à 20h43, hier soir. Mais passé en tête à 5H55 au km 103, on l’a vu moins fringuant à Champex-Lac au cours d’un ravito express. Et Jim a peu à peu creusé l’écart, et conforté sa première position. Il ne la lâchera plus, talonné par un Zach Miller impressionnant qui décroche au final la deuxième place en 19:58:58. De quoi lui faire oublier sa 4e position obtenue en 2022. Mais le grand déçu de la course sera sans doute Mathieu Blanchard qui devrait se contenter d’une 4e place, derrière Germain Grangier arrivé 3e en 20:10:52, à l’issue d’une course superbe.
A ce stade, on imagine le soulagement de Jim Walmsley, qui malgré les échecs répétés sur l’UTMB a toujours cru que cette course était pour lui et n’a jamais jeté l’éponge avec une constance qui force l’admiration. L’Américain, qui est une vrai star dans son pays, est l’un des meilleurs ultra traileurs au monde. En témoigne son palmarès bien rempli : recordman sur la Western States (161 km et 5500 D+ en 14 heures et 9 minutes) qu’il a remporté trois fois, sans compter ses victoires sur l’Ultra Trail Cape Town (98 km et 4972m D+) en Afrique du Sud, le Madeira Island Ultra Trail (115 km ; 6850 D+) au Portugal et l’Endurance Trail des Templiers (108 km ; 4800 D+) en France. Mais l’un des seuls 100 miles que Jim Walmsley n’avait pas encore dominé était l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB). Car si l’Américain l’avait déjà couru quatre fois, avec deux très bons résultats (cinquième en 2017, quatrième en 2022) et deux abandons (2018, 2021), il admettait n’avoir jamais réalisé la course idéale.
Une approche radicalement nouvelle de son entraînement
Et ce n’est pas faute d’y avoir mis les moyens. Le trailer américain était allé jusqu’à s’installer, en mai 2022, dans le Beaufortain, à Arêches-Beaufort, avec sa compagne Jess, afin de s’immerger entièrement dans la vie et l’entraînement d’un local. Stratégie payante, car sa performance avait été meilleure l’an passé que lors de ses précédentes participations. Lors de l’UTMB 2022, Jim avait tenté de creuser l’écart avec Kilian Jornet dès le kilomètre 85, en Italie, entre Courmayeur et Arnouvaz. Un rythme très rapide que l’Américain avait tenu jusqu’au Grand Col Ferret (2537 m), près de vingt kilomètres plus tard. À ce moment-là, le traileur menait la course d’environ 15 minutes. Ce qui avait été le cas jusqu’à Champex-Lac (125e kilomètre). Après cela, il avait commencé à faiblir légèrement dans les 1000 mètres de dénivelé positif qui ont suivi, avant d’être rattrapé par Kilian Jornet avant Trient (143e kilomètre). À partir de là, l’Américain n’avait plus eu l’énergie nécessaire pour maintenir son effort. Il avait chuté à la quatrième position.
Fort de cette expérience, Jim a abordé la course autrement cette année. Lui qui nous avouait lors d’une récente interview qu’« avec le recul, c’était immature de penser gagner dès ma première participation. Je regrette de ne pas avoir fait plus pour apprendre. On n’a pas forcement les armes dès le départ. Alors oui, j’aurais probablement mieux fait d’essayer de progresser – ce que je suis en train de faire. Chaque année, je fais moins d’erreurs que l’année précédente. J’espère être dans la bonne direction. ».
Très pro, l’Américain, chaussé de deux prototypes Hoka, des versions sur mesure du modèle Tecton X 2, a donc mis toutes les chances de son côté. Désormais installé à Arèche Beaufort, où on le voit courir avec son ami François D’Haene, il a intégré le ski alpinisme à entraînement et revu entièrement sa stratégie de ravitaillement. « L’année dernière, à un moment donné de la course, je me suis détaché de tout le monde. J’avais les jambes pour » nous expliquait-t-il. « Mais en fin de compte, mon estomac n’a pas tenu. J’ai donc manqué d’énergie, et les jambes ont fini par me lâcher. Et à ce moment-là de la course, avoir de l’énergie est plus important que d’être le gars le plus en forme sur la ligne de départ ». Cette année, Jim Walmsley avait donc prévu de consommer des gels aux fruits de la passion et des boissons énergétiques, ainsi que des mini gâteaux de riz. Il comptait aussi manger des gâteaux sucrés et salés cuisinés par Jess. En parallèle, il avait éliminé tous les bonbons et la malbouffe cette année, exception faite aux quelques biscuits au chocolat. « Il est certain que j’irai aussi plus vite aux ravitaillements », nous expliquait-t-il également. « Tout dépendra de la configuration de course, mais il faut être prêt à être rapide. Et si la course s’ouvre, j’aurai alors peut-être un peu plus de chance de prendre mon temps. Mais le plan de départ sera de gérer les ravitos en une ou deux minutes, voire moins. Je suis content de mon travail, de ma préparation, en gros de tout ce dont j’ai le contrôle. », nous confiait-il il y a quelques jours. Alors, il ne reste plus qu’à courir… et si ça marche, ça serait génial. Si ce n’est pas le cas, l’histoire continue », concluait-il.
L’histoire de l’UTMB compte un nouveau chapitre avec la superbe performance de l’Américain Jim Walmsley.
A l’heure où nous bouclons cet article, l’UTMB est toujours en cours. Pour suivre l’épreuve c’est ici.
Photo d'en-tête : Thibault Ginies / Outside