Alors que la France vient de prendre la présidence de la SUERA – stratégie de l’Union européenne pour la région alpine – les photos récentes de la Mer de Glace nous ont rappelé ce triste constat : les glaciers de la planète sont dans un piètre état. Réchauffement climatique, incendies de masse, les causes sont nombreuses. Le glaciologue Jean-Baptiste Bosson continue à sonner l’alerte mais veut rester optimiste : tout n’est pas perdu, explique-t-il.
En première ligne du changement climatique, les glaciers partout sur la planète ne cessent de fondre, à une vitesse toujours plus impressionnante. L’été dernier déjà, dans le massif du Mont Blanc, les images d’un lac se formant à plus de 3 000 m d’altitude avaient fait le tour des réseaux sociaux. En début de semaine, celles de la Mer de Glace disparue ont remis le sujet sur la table. Dans le même temps, bien que le coronavirus ait balayé toute autre actualité dans le paysage médiatique, les incendies de masse en Australie continuent de s’étendre et impactent eux aussi les glaciers.
Mardi 4 février, la France a pris la présidence de la SUERA, dans laquelle sont impliqués sept États européens et 48 régions, avec comme principale préoccupation la protection de l’environnement. Et le travail ne manque pas en la matière, comme nous l’explique Jean-Baptiste Bosson, glaciologue au Conservatoire d’espaces naturels de Haute-Savoie.
Comment réagissez-vous aux images de la Mer de Glace d’il y a quelques jours ?
Pour être honnête, je ne les avais pas vues jusqu’à qu’un de vos confères m’appelle pour me demander ma réaction. C’est évidemment catastrophique, mais ce genre d’images permet au moins de faire prendre conscience à ceux qui pouvaient encore en douter de l’état d’urgence dans lequel on se trouve.
La situation des glaciers dans le monde est plus qu’inquiétante, n’est-ce pas déjà trop tard ?
Soyons clairs, il y a environ 40% de la surface des glaciers sur la planète qui est condamnée. Mais pour le reste, soit 60% de la surface des 200 000 glaciers présents partout sur la planète, je pense qu’on peut les sauver. C’est un message important qu’il faut marteler : certes la situation est dramatique, il faut agir vite et fort, mais il y a encore de l’espoir. Attention, je ne suis pas un bisounours, cela va demander des efforts très importants dès demain.
Au-delà des images qui marquent les esprits, pourquoi est-il si important de sauver les glaciers ?
Les glaciers sont l’une des clés de voûte du monde, si elle s’effondre, alors le reste s’effondrera également. 10% de la surface de la Terre sont recouverts par les glaciers : ces 10% sont blancs et permettent de renvoyer les rayonnements du soleil et d’éviter une hausse trop importante des températures. Ensuite, autre point très important, la fonte des glaciers est directement liée à l’augmentation du niveau des océans. En un siècle, on a connu une hausse de 23 cm, et 90% de cette hausse est liée aux glaciers. Cela a un impact considérable sur l’homme, des îles disparaissent, les traits de côtes sont modifiés, or une grande partie des habitants de cette planète vit justement sur les littoraux.
Le réchauffement climatique est aussi, et surtout, un problème social soulignez-vous…
J’essaye de mettre en évidence cette corrélation, en effet. J’ai une vision systémique de la problématique de la fonte des glaciers. Si on ne fait pas tout pour les sauvegarder, alors il y aura des conséquences en chaîne qui ne concerneront pas seulement l’environnement, mais aussi les hommes. L’océan qui monte, ce sont des millions de réfugiés climatiques à venir, mais aussi de potentiels conflits liés à l’accès à l’eau. Il faut que les gens prennent conscience qu’il ne s’agit pas seulement de leur paysage qui change, mais de conséquences bien plus profondes et difficiles à gérer.
Limiter le réchauffement climatique pour sauver les glaciers, c’est l’unique solution ?
Oui, avec un axe : réduire les émissions de CO2. Je vois trois niveaux d’action : le niveau politique bien sûr avec la mise en place de vraies politiques publiques volontaristes. Pour l’heure on est encore très loin du compte. Le niveau économique ensuite : il faut décarboner l’économie mondiale. Les pollueurs doivent payer, c’est une règle qui doit s’imposer pour que les choses avancent dans le bon sens. (Une étude de l’OCDE dévoilée mercredi 5 février a d’ailleurs mis en évidence l’efficacité de la taxe carbone dans la réduction des émissions de CO2, NDLR). Au niveau du citoyen enfin : on a tous un rôle individuellement, à la fois comme consommateur et comme électeur.
Les changements passeront aussi par les nouvelles générations qui sont de plus en plus impliquées sur ces questions. Il y a un mouvement global, citoyen mais aussi associatif et autour des ONG, c’est inédit et il faut croire que cela peut faire bouger les choses.
Photo d'en-tête : Simon Matzing / Unsplash