Dès 2005, bien avant que l’Américain McNamara révolutionne Nazaré en surfant une vague de 23,77 mètres, Vincent Lartizien, Michel Larronde, deux Français qui ont fait leurs armes dans les Landes et à Hawaï, s’attaquent aux monstres de Nazaré en tow-in, encouragés par le surfeur local José Gregório. Une première à Nazaré. Elle va changer la donne pour les générations suivantes. Un épisode clef de l’histoire du surf, mais peu connu du grand public, que raconte en détails David Michel dans « Nazaré ». Un livre passionnant sur ce spot mythique, illustré par Frank Seguin, que viennent de sortir les Éditions de la Martinière et dont nous publions ici les bonnes pages.
Souvent présent dans les Landes au début des années 2000 pour des compétitions, le surfeur de Nazaré José Gregório se lie d’amitié avec Vincent Lartizien, Michel Larronde et Yann Benetrix. En 1999, les deux premiers sont de retour en France après un long séjour à Hawaii, où ils ont partagé de légendaires sessions à Jaws (Peahi, Maui, Hawaii). Fort de son expérience sur l’île de Maui, le duo décide de faire un tour d’Europe en quête de grosses vagues. En bons pionniers, ils chevauchent les montagnes d’eau que sont les spots d’Avalanche à Guéthary et Belharra au large de Saint-Jean-de-Luz. « On a été les premiers à Guéthary et ça a pas mal bouleversé la planète surf. On était les pionniers du tracté en Europe, on a défriché ça », confirme Vincent Lartizien.
En 2005, José Gregório les presse de le suivre chez lui à Nazaré. « Il nous a dit qu’il connaissait une vague énorme et que jamais personne n’y était allé en tracté. On lui a répondu qu’on allait le rejoindre », confie le curieux Lartizien. L’histoire se met alors en marche. Attirés par une belle houle, les deux Français débarquent au spot un matin de mars 2005, accompagnés de Gregório et de quelques amis surfeurs. « Il y avait de belles vagues mais ce n’était pas un énorme Nazaré, se souvient Michel Larronde. Il faisait beau, les conditions étaient propres, glassy, il y avait un 4 ou 5 mètres ».
« La houle était géante, on n’avait jamais vu ça »
Pour Lartizien, l’arrivée dans ce sanctuaire de Praia do Norte restera à jamais gravée dans sa mémoire : « On est arrivés au spot au lever du jour et les cloches du fort se sont mises à sonner. Franchement, c’était mystique ! La houle était géante, on n’avait jamais vu ça. Et nous, on a halluciné. On s’est dit : “Mais c’est quoi, ça ?” On a eu la confirmation que c’était effectivement un endroit incroyable. On avait deux-trois jet-skis. On s’est mis à l’eau, on était seuls, le spot était à nous ».
Trois ans plus tôt, le 22 novembre 2002, pour la première vague prise à Belharra, c’est Michel Larronde qui tracte Vincent Lartizien. Cette fois, les rôles s’inversent. Lartizien lance Larronde pour la première vague surfée en tow-in à Nazaré. Il en prend deux ou trois avant de laisser ses camarades profiter de l’offrande de ce premier jour béni. Michel Larronde en garde un souvenir ému : « C’était un peu hostile, avec ces falaises devant nous et ce fort. C’est un endroit qui dégage pas mal de mana (esprit/énergie polynésien). C’était assez intimidant, il fallait assurer, on ne faisait pas les malins. Heureusement, la session s’est très bien passée, on s’est bien éclatés. J’ai pris de belles droites (vagues déroulant de la droite vers la gauche en observant depuis le rivage), avec de bons bottom turn (virage en bas de vague), franchement c’était super ! »
« Le plaisir arrive après la session, quand tu en es revenu »
Ce jour-là, aucun photographe ni média n’a immortalisé le moment. « À l’époque, on surfait Nazaré un peu à la manière hawaiienne : on faisait notre truc et on ne faisait pas de bruit », commente le discret Lartizien. « Ma première impression, c’était que la vague était super dangereuse et difficile à surfer, poursuit Lartizien. Contrairement à Jaws, qui est une vague toute lisse, Nazaré n’est pas très agréable à rider. Mais, du coup, c’est un challenge, c’est comme de la haute montagne. Et avec les rochers juste devant, ça fait flipper.
Afin d’éviter cette angoisse, parfois on ridait facilement un peu plus au nord, face à la plage, pour éviter un éventuel tampon avec les rochers. Le plaisir arrive après la session, quand tu en es revenu. Là, tu te dis qu’il s’est passé quelque chose de très spécial. Sur l’instant, tu es tellement concentré sur ce que tu vis que plus rien n’existe. C’est un moment de concentration si puissant que c’est presque méditatif. Le set up est vraiment particulier, avec ce fort, cette falaise, ces rochers, cette faille énorme, ces pics gigantesques.»
« En Europe, un Himalaya liquide »
Peu de temps après, l’annonce de cette première session de tow-in est relayée dans le magazine Surf Session avec cette phrase de Lartizien, qui résume bien l’esprit de cette nouvelle conquête : « Nous avons découvert en Europe un véritable Himalaya liquide. Et nous travaillons maintenant à en conquérir les sommets un par un… »
Tombé sous le charme de Nazaré, le duo Lartizien-Larronde retourne s’offrir quelques moments d’adrénaline deux années de suite, en 2006 et 2007. Lors de cette troisième fois, Michel Larronde connaît alors une grosse chute, quelque peu traumatisante. Pas vacciné pour autant, il revient à Praia do Norte au fil des années 2010, troquant cette fois sa longue planche pour les manettes d’un jet-ski. En 2014, il tracte la légende Ross Clarke-Jones sur une vague géante et doublement nommée au Big Wave Awards (Ride of the year & Biggest wave).