Celle que des milliers de «Barkley maniacs » ont suivi sur les réseaux depuis trois jours sous le surnom de « #SmallEuropeanWoman » est incontestablement la star de la Barkley 2024. La Britannique de 40 ans, vétérinaire, scientifique et mère de deux enfants, vient en effet de boucler une épreuve que son créateur, Gary Cantrell, n’avais jamais imaginé voir gagnée par une femme. Jasmin Paris vient aujourd’hui de lui prouver le contraire en 59:58:21. Respect Lady !
C’est un petit gabarit – ce qui lui a valu tout au long des trois jours de course le surnom de #SmallEuropeanWoman » ( la petite femme européenne) – mais une sacrée pointure. La Britannique Jasmin Paris est entrée dans l’histoire de la Barkley marathons en s’imposant comme la première femme à finir les cinq boucles de cet ultra (160 km) mâtinée de course d’orientation. Son chrono ? 59:58:21. Sur le fil, à quelques secondes du cut off.
Ce n’est pas un miracle, mais la suite logique d’une carrière éblouissante dans l’ultra endurance. Déjà l’année dernière elle faisait l’événement en bouclant trois tours sur cinq de cette course cauchemardesque. Depuis près de dix ans aucune femme n’avait réussi cette performance. De quoi lui donner envie de revenir cette année, car disait-elle après cet exploit : « Je comprends pourquoi on peut devenir obsédée par la Barkley. Et je crois bien que ça y est, je suis accro moi aussi ».
Dire qu’on l’attendait cette année à Frozen Head Park, était un euphémisme. Lazarus Lake, qui a pourtant dit pendant très longtemps que d’après ses calculs, aucune femme ne pourrait jamais remporter la Barkley, compte tenu des écarts relevés dans les épreuves d’utra endurance par rapport à leurs compétiteurs masculins, semblait s’être ravisé ces derniers temps. Et cette année, il a eu la bonne idée de la sélectionner à nouveau.
On ne sait à ce jour combien de femmes ont participé à cette édition, mais ce qui est sûr c’est que si l’une d’entre elles devait gagner, c’était Jasmin Paris. Redoutable compétitrice, sportive militante – elle est une des fondatrices de Green runners – c’est une athlète hors du commun que ses pairs masculins n’ont cessé d’encourager tout au long de la course. A commencer par Damian Hall, son ami et son coach.
Son truc, plus jeune, c’était la natation
Une gloire nouvelle que cette femme aura certainement un peu de mal à gérer, tant elle aime rester discrète sur ses exploits. « Il suffit de continuer à mettre un pied devant l’autre et de bien s’alimenter. Si nous nous donnons vraiment la peine d’y arriver, nous pouvons réaliser beaucoup plus de choses que ce que nous imaginons » expliquait humblement au média américain I Run Far celle qui n’est pas tombée dans la course à pied dès le plus jeune âge.
Au départ, c’est la natation qui la passionne. « L’eau froide procure une véritable poussée d’adrénaline » explique-elle. Elle continue encore aujourd’hui de nager en eaux libres. Lorsqu’elle se tourne vers l’équitation, il lui arrive tout de même, avec ses bottes et sa grosse veste en cuir, de parcourir en courant les cinq ou six kilomètres qui la séparent de chez elle. Une fois arrivée à l’université, elle fait quelques footings, « peut-être 15 à 20 minutes, une fois par semaine. Je ne me qualifiais pas de coureuse ».
Ce n’est qu’en 2008, de retour près de sa ville natale (Hadfield, non loin de Manchester) après avoir quitté l’université et décroché son premier emploi en tant que vétérinaire, qu’elle commence à courir vraiment. « J’avais entendu parler d’un truc appelé hashing (un mélange de course à pied et de course d’orientation) ». Six mois plus tard, Jasmin vient à bout de son premier ultra, le Howarth Hobble (53 km). « J’ai vraiment aimé ça, les gens, l’atmosphère. Je me souviens encore des points de ravitaillement : il y avait des beignets à l’un, des hot-dogs à l’autre ou encore des biscuits et des doubles shots de whisky ».
Un esprit libre, une force mentale impressionnante
Ensuite, les épreuves s’enchaînent. Viennent alors les premiers succès – championne britannique de trail running, records (aux 95 kilomètres de la Fellsman ou encore aux 321 km de la Dragon’s Back Race) et de nombreux top 10 au classement général. 2016 est pour elle une année que cette jeune femme discrète qualifiera de » incroyable ». Au programme: le célèbre Bob Graham Round (106 kilomètres), le Charlie Ramsay Round (24 sommets, 8 600 mètres de dénivelé positif, où elle bat le record de la course, hommes et femmes confondus), une 6e place à l’UTMB (son premier 160 kilomètres) et elle décroche le titre de championne des Skyrunner World Extreme Series, entre autres…
Inarrêtable, Jasmin ne cesse jamais de courir, pas même le jour de son accouchement, en novembre 2017, où elle ajoute huit kilomètres au compteur. « J’ai eu plutôt de la chance avec la grossesse. Je ne me suis pas sentie trop mal […] Courir est un temps très précieux, un moment juste pour moi. Avec la maternité, je perçois ce sport de façon différente » confie l’athlète.
Pour se motiver à retrouver la forme après la naissance de son enfant, Jasmin s’inscrit donc à la Spine Race, 429 km, 16 000 mètres de D+ et aucune assistance entre les points de contrôle. Quelques mois plus tard, en janvier 2019, elle devient la première femme à remporter cette épreuve d’ultra-trail hivernale. Un exploit mis en lumière par les médias du monde entier. En effet, Jasmin a battu le précédent record (détenu par un homme) de plus de 12 heures… le tout en allaitant son bébé de 14 mois. Une performance pour le moins inspirante, comme celle réalisée sur la Barkley cette année. Mais qui ne devrait pas lui faire perdre la tête pour autant. Jasmin ne courant ni pour la gloire, ni pour l’argent.
Ses sponsors ? Un seul, la petite entreprise britannique inov-8, pour le matériel et les chaussures. À vrai dire, elle repousse les offres de parrainage des grandes marques. « J’ai déjà une carrière – je suis scientifique et vétérinaire – donc je n’ai pas besoin d’une deuxième », insiste-t-elle. « Et je n’ai absolument aucune envie de me lier à un contrat ou que quelqu’un me dise quoi faire et quand. Je veux juste que ça reste un plaisir ». Bel esprit.
Le point sur la fin de course
• 21h04 : L’Ukrainien Ihor Verys remporte la redoutable Barkley Marathons en 58:44:59 et devient le 18e finisher
• 21h33 : l’américain John Kelly termine la Barkley Marathons pour la 3e fois en 59:15:38
• 21H36 : Damian Hall arrive dans la mauvaise direction et ne valide pas sa 5e boucle
• 21h49 : Jared Campbell – 4 fois finisher – termine sa cinquième boucle en 59:30:32
• 21h56 : Greig Hamilton devient le 19e finisher de la Barkley avec un temps de 59:38:42
• 22h03 : Sébastien Raichon échoue dans la 5e boucle pour sa première participation
• 22h17 : Jasmin Paris termine sa 5e boucle sur le fil en 59:58:21 et devient la première femme finisher (et 20e finisher)
• 22h20 : La Barkley 2024 est terminée, elle compte 5 finishers dont la première femme
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