Il y a dix ans, l’Américain Jeremy Jones, figure mythique du bigmountain freeriding, également fondateur de POW (Protect Our Winters), lançait sa propre marque, « Jones Snowboards ». Avec une obsession : retrouver sur la neige « the glide », sensation de glisse que lui procurait le surf. La solution ? Chris Christenson, shaper adulé par tous les surfeurs de planète. Le résultat : Des boards inspirés des principes hydrodynamiques du surf. Initiée avec la « Mountain Surfer », leur collaboration se poursuit depuis huit ans. Rencontre avec the shaper himself, interviewé dans son atelier de San Diego, en Californie.
« J’ai rencontré Jeremy sur la plage, à San Diego, il y a dix ans », raconte Chris Christenson. « On a discuté le coup devant un feu de camp. Il était déjà l’un des meilleurs freeriders au monde, au style influencé par Craig Kelly, le « Godfather du Freeriding » mais aussi par Tom Curren, (triple champion du monde de surf, ndlr). Moi, mon mentor, c’était Skyp Frye, la légende du shape. Jeremy était obsédé par une idée : chercher de nouvelles lignes et de nouvelles émotions. Et son but, c’était de retrouver en snowboard le « glide » que connaissent bien les surfeurs. Un feeling magique, indescriptible.
« Le snow était à la traîne »
Moi, ma culture, c’est le surf, j’en fais toute l’année, en Californie, à San Diego. Mais dès que l’hiver arrive, je monte dans la Sierra, où j’ai un chalet. Le snow, je m’y suis mis en 1985, mais dans les années 2000 j’ai commencé à sentir qu’on tournait en rond. Que rien de nouveau ne sortait dans ce secteur, si ce n’est du design, limite de la déco, ce qui freine quand même pas mal la pratique. Mais le jour où, au Japon, j’ai testé la Gentemstick Rocket Fish, j’ai eu un déclic. On pouvait approcher ce feeling, easy, rapide, que tu ressens sur l’eau.
« 4 jours sur les prototypes avec Jeremy »
J’ai commencé à gamberger là-dessus. Mais, c’est quand j’ai rencontré Jeremy, que j’ai pu entrer dans le concret, lui avait les machines, pas moi. Il m’a invité dans sa maison, à Tahoe, il avait apporté une pièce de bois et j’ai commencé à travailler dessus, comme je le fais quand je shape une planche de surf. Pendant quatre jours, on a travaillé des prototypes, au doigté, au feeling. Et le premier board est sorti. Jeremy l’a testé. Son verdict : “le meilleur board que j’ai eu dans ma vie ». De là est née la « Mountain Surfer » que Jeremy réédite pour cette saison dans une collection de snowboards, inspirée du surf. C’est un Powsurf avant-gardiste, conçu pour la poudreuse, sans fixations. L’idée c’est moins de frictions, plus de liberté, plus de vitesse, plus de possibilités, tout ce que Jeremy recherchait depuis le début. Ces planches peuvent t’emmener là où tu n’es jamais allé auparavant.
« Offrir plus de choix aux riders »
Je savais que ça pouvait marcher, mais franchement, j’ai été un peu surpris de le voir si enthousiaste. En fait, c’était la première fois que je produisais un snowboard. Faute des outils nécessaires, je n’avais jamais pu faire d’essai, même si l’idée m’était venue, bien sûr, car au final, ce n’était pas si compliqué que ça pour moi. Je suis passionné de surf et de snow. Le plus dur, c’est la partie technique. En snow tu travailles avec des moules. En surf, c’est beaucoup plus facile. Tu shapes comme tu veux, chaque board peut être différent. Tu peux l’ajuster au millimètre près suivant le surfeur ou les conditions.
C’est vers ça, que j’aimerais aller avec Jeremy. Car si le surf a incroyablement changé ces dix dernières années, on doit pouvoir apporter plus de versatilité au snow. Pouvoir changer de design d’un mois sur l’autre. L’évolution des moyens techniques devrait nous le permettre bientôt. Ça fera une énorme différence pour les athlètes qui depuis cinq ans rident d’ailleurs de plus en plus de boards différents dans la saison. Après tout, un golfeur a bien une douzaine de clubs en compétition, non ? Moi, perso, je tourne avec huit à dix par an, suivant les conditions. Mais j’en teste une quarantaine !
« La durabilité, c’est pas du baratin »
Je suis encore 99% surf, mais je consacre toujours quelques heures par semaine à Jeremy. On est « on the same tracks », lui et moi (on va dans le même direction, ndlr). Tu vois, son dernier bébé, le modèle Flagship – un projet auquel je n’ai pas participé – ce sont sans doute les snowboards les plus éco-performants qu’il ait jamais fabriqués. C’est un truc hyper important pour Jeremy. C’est pas du baratin. Il donne 1% de tous ses bénéfices pour l’environnement et met de gros chèques sur la reforestation au Costa Rica. Avec POW et « Jones snowboard » il a vraiment la volonté d’influencer le marché. C’est très « inspiring » pour moi.
On peut tous produire de manière plus responsable encore.
Dans mon atelier, par exemple, je travaille de plus en plus avec de l’époxy « water based » et du bois recyclé aussi. On peut sans doute améliorer les résines, entre autres. Mais je ne te cache pas qu’il faut aussi produire un board durable. Qui ne casse pas au premier choc. Sinon, c’est direct à la poubelle et alors, où est la durabilité ?
Ça fait 27 ans que je suis dans le surf, j’ai sorti des milliers de planches, mais quand je shape, j’intègre toujours trois paramètres essentiels avant de changer mon process. Il faut que la planche remplisse sa fonction. Qu’elle soit solide et dure. Et qu’elle soit belle. En surf, comme en snow, c’est du sport, mais aussi du plaisir. Et le plaisir, ça commence par le design.
Avec Jeremy, ça fait huit ans qu’on est en phase là-dessus. Chaque année, on se fait un trip tous les deux pour tester les boards. Au Chili ou dans l’Oregon. C’est comme ça qu’on fonctionne. Pas de contrat d’exclu entre nous. Lui et moi on est plutôt « exclusive handshake » (poignée de main exclusive ndlr) ! »
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