Promis à un brillant avenir d’ingénieur, John Muir, Américain d’origine écossaise, voua sa vie à la nature et à sa préservation. Né en 1838, il fut un des pionniers de l’écologie moderne. L’écrivain français Alexis Jenni, lui a consacré un livre aux Editions Guérin – Paulsen intitulé « J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond ». Outside l’a lu.
Imaginez Donald Trump invité par Mike Horn à camper trois nuits en pleine nature… Improbable ? Pourtant, il y a un peu plus de cent ans, en 1903, John Muir, écrivain et poète – géologue a réussi à en convaincre Theodore Roosevelt, alors Président des Etats-Unis. Lequel, dans la foulée, décida de protéger certains espaces naturels par des décrets. Un exploit, à une époque où se préoccuper de la nature n’était pas une priorité. Les grands parcs nationaux américains lui en seront éternellement reconnaissants.
Conter la vie d’un tel personnage n’est pas une chose aisée, John Muir étant plutôt du genre hyperactif et très éclectique, de ses engagements environnementaux à ses écrits en passant par ses longues marches à travers les montagnes. Il fallait sans doute ce titre accrocheur « J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond », pour qu’Alexandre Jenni – Goncourt 2011 pour son premier roman « L’Art français de la guerre »- fasse enfin découvrir au public français le héros écolo auquel les Américains louent un vrai culte depuis des décennies.
Si le choix de vouer sa vie à la nature se répand de plus en plus aujourd’hui, il n’en est rien à la fin du 19ème siècle, lorsque le natif de Dunbar, petit village écossais, débarque en terre promise à l’âge de 11 ans pour poser ses valises dans le Wisconsin avec sa famille protestante. Fuyant un père sévère lui faisant apprendre par coeur le Nouveau et l’Ancien Testament, John se cultive en cachette, tôt le matin et tard le soir. Après des études en botanique et en géologie, on lui promet un brillant avenir d’ingénieur, mais un accident dans une usine lui ôte momentanément la vue. Il prend alors conscience de l’importance du monde extérieur. Il a alors 29 ans. Aveugle pendant plusieurs semaines, il craint le pire. “Mon dieu, si au moins j’avais pu faire des grandes randonnées dans la nature, j’aurais pu me repasser de belles images. Mais là, je n’ai pas rien à me projeter, je suis dans le noir”, regrette-t-il. Moment décisif. John Muir choisit « le vagabondage », préférant la nature à la vie citadine alors en plein essor.
Richesse, confort et protection, sacrifiés à la liberté
Au fil des 220 pages à l’écriture tonique d’Alexis Jenni, on suit donc les pérégrinations de John Muir, icône américaine à la résonance mondiale. « Le métier de Muir ? Vagabond. Son activité ? Vagabonder. Sa vocation ? Le vagabondage. Il veut aller, devant, plus loin ; c’est tout. Et regarder. Tout le reste, tout ce qui fait habituellement la vie d’un homme, la richesse, le confort, la protection, est sacrifié à cette liberté ».
La vallée du Yosemite, « son lieu » qu’il vénère le plus au monde, est le théâtre de ses plus belles randonnées. Il y découvre un minuscule glacier, ce qui lui fit dire qu’il en existait d’autres bien plus grands auparavant. Des recherches qui lui valent l’intérêt de la communauté scientifique. Depuis, cet espace est protégé et un itinéraire très emprunté par les randonneurs porte son nom : le John Muir trail, qui vous conduit du Parc du Yosemite jusqu’au Parc national des Séquoias et au Mont Whitney sur 330 kilomètres à travers les montagnes californiennes.
« J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond », est une sorte d’hymne à la nature de l’époque, encore préservée par l’homme. On a plaisir à suivre ce vagabond, le sac rempli d’un peu de pain et de farine, à le voir marcher des milliers de kilomètres, grimper, escalader et même pleurer face aux beautés que ses périples lui offrent : cascades, orages, séquoias géants… Une pure bouffée d’oxygène.
« J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond« . Ed. Paulsen Guérin, 220 pages, 21€.