Double champion olympique, quintuple champion du monde en VTT XC (cross-country), le Vosgien s’est retiré du circuit en 2018, vaincu par des allergies au pollen. Mais ce compétiteur dans l’âme a trouvé un nouveau challenge, le VTT à assistance électrique, dont il est le premier champion de France. A la veille de remettre en jeu son titre, il explique à Outside combien le VTTAE a changé la donne pour tous, vététistes classiques compris
Comment en êtes-vous venu à passer du VTT classique au VTT à assistance électrique ( VTTAE) ?
Au début de ma carrière le VTTAE n’existait pas, je l’ai intégré dans ma préparation de cross-country olympique sur les dix dernières années. Il s’est imposé comme un nouvel outil d’entraînement. J’ai remplacé certaines sorties de récupération que je faisais auparavant avec mon vélo de route par des sorties en VTTAE, ce qui me permet de faire mon effort comme je dois le faire, mais également d’accéder à des sommets et de redescendre par des chemins. Au final, cela a complètement transformé ces sorties de récupération, où l’on doit rester en endurance de base. C’est important, en VTT il est très compliqué de rester en endurance de base ; dès qu’on se retrouve dans du dénivelé, on est obligé de forcer plus.
On peut également utiliser le VTTAE pour améliorer sa technique, car on peut faire beaucoup de dénivelé. Environ 60 à 70% de plus qu’avec un vélo classique. Lorsqu’on veut travailler le pilotage, il est possible d’enchaîner beaucoup de rotations et beaucoup de dénivelé négatif, sans avoir de problème de navette. L’autre option est d’utiliser des shuttles, voitures ou remontées mécaniques, mais en tant que crosseur je n’aime pas trop. Je préfère continuer mon effort.
Par ailleurs, cela permet de pratiquer avec un vélo plus gros, plus lourd, équipé de pneus et de crampons plus gros, mais avec également plus de débattement, plus de frein. Parfait pour faire travailler le haut du corps plus intensément que sur un vélo de cross-country et également pour s’engager dans des pentes et des obstacles techniques plus importants. Une fois qu’on les maîtrise avec le VTTAE, on peut s’y engager avec un vélo de cross-country nettement plus exigeant. Mon VTTAE rend plus facile une première approche. Voilà comment j’ai progressivement intégré cette nouvelle pratique. C’était assez novateur au début, puis beaucoup de pilotes de haut niveau s’y sont mis. Tout le monde a compris que c’était un formidable outil d’entrainement.
La compétition est arrivée ensuite. Dès qu’on a un nouvel outil, c’est le propre de l’homme de vouloir jouer et de faire des compétitions. J’ai eu la chance de participer au premier championnat de France l’année dernière et de le remporter. Je reconduis l’expérience aujourd’hui dans le Juras et j’enchaîne en août au Canada avec le Championnat du monde de VTTAE, une épreuve reconnue par l’Union cycliste internationale, donc avec un titre officiel à la clef. Mais Je fais ces compétitions avant tout par plaisir. Si j’ai arrêté ma carrière dans le cross-country, ce n’est pas pour me remettre de la pression. La compétition, je la vis via mon équipe, Absolute Absalon, dont je suis le manager.
Maintenant que je n’ai plus d’obligations d’entraînement très précis, je roule forcément encore plus en VTTAE. Je peux très bien prendre un jour mon vélo de route, le lendemain mon cross-country et enchaîner sur le VTTAE. Ça me permet de prendre encore plus de plaisir, car on fait plus de distance, plus de dénivelé, tout en faisant le même effort. Quand je prends le VTTAE ce n’est pas pour faire moins d’effort, mais pour aller plus haut, plus loin, plus vite.
Au niveau du plaisir, en compétition, quelle est la différence entre ces deux pratiques?
En VTTAE on va plus vite partout. On se retrouve sur des pentes inimaginables en vélo classique, mais aussi sur des pentes très, très raides. On est conduit à piloter en montée en combinant la puissance du moteur et la puissance musculaire.
Le format de course sur le championnat de France d’aujourd’hui est un format de cross-country, environ 1h20 d’effort, avec un dénivelé de 1250 m, pour un parcours à effectuer 5 fois. Celui qui va aller le plus vite est celui qui va pédaler le plus fort, plus la force du moteur, mais également celui qui va réussir à passer tous les obstacles sans mettre le pied par terre, sans chuter. Ce côté technique est vraiment très intéressant dans l’ebike.
Par ailleurs, on sait qu’au bout de 1100 m de D+ une batterie commence à afficher des signes de faiblesse. Il faut donc savoir la gérer sur des parcours exigeants comme celui du Championnat de France. C’est ça qui est intéressant également, ce côté gestion qui peut conduire un coureur à partir très vite, très assisté, pour se retrouver en panne sèche sur le dernier tour.
Qu’en est-il du contrôle des vélos pour le Championnat de France ?
Le dispositif de l’année dernière a été reconduit (la capacité des batteries ne doit pas excéder 500 Wh et le «cut off », l’arrêt de l’assistance, a été fixé au-delà de 25 km/h, N.D.L.R). Cela avait bien fonctionné en 2018 et ces principes devraient être repris pour le Championnat du monde, fin août au Canada. Respecter ce cadre est la clef pour que le VTTAE se développe en compétition. Il faut une équité technologique et que les contrôles en soient la garantie.
Plus de D+ mais aussi des descentes de plus en plus vertigineuses, le VTTAE ne conduit-il pas à une dangereuse surenchère ?
Non, car, de fait les descentes sont de plus en plus vertigineuses en VTTAE mais aussi en VTT classique, tout simplement parce que les vélos et les aptitudes techniques des coureurs évoluent. Mais il n’y a pas de surenchère à la prise de risque.
Comment voyez-vous la multiplication des sites où l’on peut désormais pratiquer le VTTAE ?
Simplement le VTTAE permet aujourd’hui à tout le monde de redécouvrir la montagne car il faut savoir que le VTT classique est extrêmement exigeant. Or, bien souvent les gens qui ne le pratiquent qu’en vacances, à la montagne, dans les Alpes notamment, font une erreur. Sans condition physique optimale, c’est trop dur. Ils en sortent écoeurés. Alors que le VTTAE permet à tout le monde d’arriver au sommet de la montagne … ce qui les conduit aussi à devoir descendre des pistes pour lesquelles ils n’ont peut-être pas les aptitudes techniques. Il faut donc éduquer les gens et bien leur indiquer les itinéraires adaptés à leur niveau. Toutes les stations de montagne doivent y réfléchir, car elles ont un formidable outil pour attirer un public familial l’été.
Quant à la question de la cohabitation vététistes et marcheurs, que ce soit en VTT classique ou en VTTAE, il y a des gens respectueux et d’autres non. Quel que soit le type de VTT, quand on va en forêt, on croise des marcheurs, la moindre des choses c’est de ralentir, de dire bonjour.
Vous êtes double médaillé olympique, imaginez-vous le VTTAE entrer aux JO ?
Il n’y aucune chance qu’il arrive aux JO. Le côté technologique est trop prépondérant, on est quasiment sur un sport mécanique, on est un peu trop éloigné de l’esprit olympique.
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