L’hiver dernier, Julien Herry, guide de haute montagne et snowboarder adepte de pente raide, a subi un accident dans une vallée reculée du Pakistan, dans la chaîne du Karakoram. Amoureux de la région qu’il connaît depuis plus de dix ans, il a été secouru par les populations locales. Voulant leur rendre un peu de ce qu’ils lui ont donné, le Chamoniard a lancé une collecte de fonds pour leur envoyer du matériel de snowboard.
2007, Julien Herry met les pieds pour la première fois au Pakistan. Si le pays est aujourd’hui très populaire chez les passionnés de montagne, il n’était pas aussi fréquenté à l’époque. “Je suis tout de suite tombé amoureux de ce territoire, des gens, de leur culture”, raconte-t-il. Depuis, il est retourné à plusieurs reprises dans la région, notamment en 2018, lorsqu’il a accompagné Sam Favret et Léo Slemett dans leur expédition dans la vallée de la Hunza, dont il retrace l’histoire dans un film, du même nom.
Tout ce projet commence par un accident, tu peux nous en expliquer les circonstances ?
En avril dernier, je suis retourné dans la vallée de la Hunza avec deux amis, Laurent Bibollet et Adam Fabrikant, ainsi qu’un photographe, Arthur Ghilini, et notre guide, Javed Ali. On venait pour faire de belles sessions de ride et de nouvelles découvertes. Malheureusement les conditions étaient assez difficiles, il y avait beaucoup de neige. Quelques jours après notre arrivée, tout s’est passé très vite. On était sur une face, en train de monter, et Adam qui était en tête a fait partir une plaque. Ce n’était pas énorme, on n’a pas été enseveli, mais on a quand même dévalé 300 m.
Tu as tout de suite compris que la blessure était grave ?
Sur le moment je n’ai pas perdu connaissance. J’ai été le plus touché de nous trois, mais ça allait. Par contre, les deux heures qui ont suivi, un véritable trou noir. J’ai quand même pu rejoindre la route où nous avons ensuite atteint le camp de base et l’hôpital de Gilgit. Les premiers examens étaient rassurants, mais très vite dans les deux jours qui ont suivi j’ai compris qu’il fallait que je rentre en France.
Le rapatriement ne s’est pas passé sans encombre…
Effectivement, il a d’abord fallu rejoindre Islamabad. 20 heures dans une camionnette, et une route qui même si elle s’est un peu améliorée, reste loin de nos standards occidentaux. Arrivé dans la capitale pakistanaise, le plus dur a commencé. Il me falait une IRM pour activer l’assurance pour le rapatriement. Heureusement, grâce à un contact en France, j’ai pu faire cet examen avec un médecin qui travaille dans l’armée. À mon retour au pays, j’ai fait un check-up complet et il s’est avéré que les séquelles étaient plus lourdes que ce que l’on imaginait : sept côtes fracturées, une vertèbre fissurée…
Cette aventure malheureuse t’a donné l’idée de ce projet.
Lors de mon accident, et jusqu’à mon rapatriement en France, les populations locales ont été incroyables. J’ai tissé des liens encore plus profonds avec ce pays. Je voulais leur rendre un peu de ce qu’ils m’avaient donné. Le médecin de l’armée que j’ai vu à Islamabad m’avait parlé de cette idée d’envoyer du matériel de snowboard et c’est comme ça que je me suis lancé là-dedans.
J’ai contacté mes partenaires, les copains, et j’ai commencé à rassembler des snowboards. La difficulté a été de constituer des kits complets avec planche, fixation et bottes. Mais finalement j’ai réussi à constituer 55 kits, et c’était déjà une sacrée logistique à gérer.
La logistique justement, comment t’es-tu organisé ?
De façon un peu artisanale à vrai dire, dans mon garage. J’ai fait de mon mieux pour emballer la cargaison proprement. Et puis pour financer l’acheminement jusqu’au Pakistan – les snowboards rejoindront d’abord Paris, puis Islamad par bateau – j’ai pensé à un financement participatif. Si je dois refaire ce genre d’envoi à l’avenir, je le ferai avec une association pour que la logistique soit plus facile et surtout plus efficace.
À qui envoies-tu les snowboards ?
Au cœur de la chaîne de l’Hindu Kush, il y a une vallée, Madaklasht, à 30 km de la frontière avec l’Afghanistan, où la culture du ski est très présente. Elle a été introduite par les Britanniques dans les années 20 et depuis, les locaux pratiquent ce sport qu’on pourrait pensé cantonné aux Occidentaux. En réalité, même dans ces régions isolées, ils sont connectés et voient ce qu’il se passe ailleurs dans le monde, notamment grâce aux réseaux sociaux,
Récemment, la communauté du ski s’est bien développée et cette vallée abrite désormais le club de sports d’hiver Hindu Kush, le plus grand et le plus récent au Pakistan, avec plus de 400 membres. Je pense que c’était le meilleur endroit où envoyer les snowboards.
Cet envoi de matériel n’est qu’une étape d’un projet plus global.
En effet, j’ai envie de m’impliquer sur le long terme en développant d’autres projets autour de l’éducation, du développement des infrastructures, notamment de l’électricité. On a même l’idée de recycler un téléski qui va être démonté cette année pour qu’il soit installé là-bas en le faisant fonctionner avec une énergie propre.
La collecte a atteint son objectif, que comptes-tu faire du surplus ?
Tout l’argent que je peux récupérer sera réinvesti dans les projets futurs. À court terme, soit j’envoie directement l’argent sur place, sans vraiment savoir comment il sera utilisé, soit je l’utilise pour m’entourer de quelqu’un pour m’aider à structurer l’avenir et essayer de trouver des financements. Ça n’est pas encore complètement acté, mais tous les dons seront utiles alors il ne faut surtout pas hésiter !
Photo d'en-tête : Hindu Kush Ski Club- Thèmes :
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