Final historique aujourd’hui, samedi 27 août, pour l’épreuve reine du sommet mondial du trail : la boucle autour du Mont Blanc, 170 km et 10 000 m de dénivelé. A l’issue d’un duel sans merci entre l’Espagnol Kilian Jornet, 3 fois vainqueur de l’UTMB, et le Français Mathieu Blanchard, 3e de l’épreuve l’année dernière, l’ultra terrestre a prouvé qu’il pouvait toujours et encore nous impressionner avec un temps record 19:49:30. A quelques minutes d’un éblouissant Mathieu Blanchard, 19:54:50.
Tôt vendredi matin, certains esprits chagrins le donnaient pour terrassé, ou pour le moins neutralisé, par le Covid. Le 24 août, Kilian Jornet avait en effet annoncé qu’il y était positif mais asymptomatique, confirmant ainsi les rumeurs, nourries par sa déconcertante 5e place à Sierre Zinal le 13 août dernier, qui couraient dans les rues de Chamonix. Mais plus tard dans la journée, il expliquait dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux : « Je me sens bien, Je n’ai toujours pas de symptômes, je n’ai pas de fièvre et les docteurs m’ont donné leur ok pour y aller. J’essaierai d’être intelligent pendant la course. Si je ressens des symptômes ou quelque chose, j’arrêterai. »
S’arrêter, justement, il y pense, quand, à Champex (18e point de ravitaillement), il voit le Français Mathieu Blanchard remonter, confie-t-il aujourd’hui sur le live TV de l’UTMB. Kilian ne se sent pas bien. Au point que Mathieu s’en inquiète et hésite presque à le doubler. C’était mal connaître le Catalan qui parviendra malgré tout à creuser l’écart sur les vingt derniers kilomètres… talonné par Mathieu. C’est donc en 19 :49 :30 qu’il a remporté cette épreuve, rejoignant François D’Haene, en haut du podium en 2021, dans le club très exclusif des quadruples vainqueurs.
Cette année on n’aura donc pas assisté jusqu’au bout au duel Jornet vs Walmsley – l’Américain ne s’inscrivant qu’en quatrième position (21:12:12), derrière Thomas Evans ( 3e en 20 :34 :35) – mais on aura vu s’imposer à une étourdissante 2e place le Français Mathieu Blanchard, qui non content de monter sur le podium pour la deuxième fois en deux ans, est lui aussi passé sous la barre mythique des 20 heures, en bouclant la course en 19 :54 :50. De quoi faire taire tous ceux qui ne voyaient en lui qu’un héros de Kho Lanta peut-être ?
L’irrésistible ascension de Kilian Jornet
C’est une histoire que beaucoup d’entre nous ont oubliée. Elle a pourtant été déterminante dans la vie du jeune coureur catalan de 20 ans, encore Espoir en 2008. Loin d’être dans la liste des favoris, le grand public allait pourtant découvrir son nom. Vainqueur de la mythique Pierra-Menta, de l’étape Golden World Trail Series à Zegama et champion du monde de sky running la même année, Kilian Jornet s’est octroyé cette année-là une belle première victoire sur l’UTMB. Et avec la manière, s’il vous plaît, signant le record de l’épreuve, avec plus d’une heure d’avance sur les prévisions des organisateurs (et sur le deuxième, Dawa Sherpa, vainqueur de l’édition de 2003). Le tout en mode minimaliste.
Insolent, diront certains athlètes, allant jusqu’à la réclamation. En effet, à l’époque, une question était sur toutes les lèvres : comment est-il possible de courir plus de vingt heures autour du mont Blanc sans sac à dos ? Or, rien n’avait été laissé au hasard par le Catalan qui n’avait avec lui qu’une simple banane autour de la taille, optimisant, à la limite du règlement, tout son matériel. Une obsession pour l’ultra-light, un réflexe issu du ski alpinisme, se défendra-t-il par la suite. En résulteront des modifications pour les prochaines éditions, rendant notamment le sac (de 2 kg minimum) obligatoire.
Un an après cette révélation fracassante, le Catalan enfonce le clou, avec une seconde victoire sur ces mythiques 170 kilomètres. « Cette année, les conditions météorologiques ont été terribles », a-t-il expliqué, après plus de 21 heures de course, toujours à une heure du second. Après ces deux succès, il n’est toutefois pas encore rassasié. Son objectif, annoncé dès son entrée dans la team Salomon, en 2007, est clair : venir à bout de l’UTMB en moins de vingt heures. C’est pourquoi il est de retour en 2011, une victoire sur la Diagonale des Fous plus tard, pour une troisième consécration autour du mont Blanc.
Or, l’ambitieuse barrière des 20h demandait encore à être franchie…Après une 2e place face à François D’Haene en 2017 et un abandon en 2018 en raison d’une allergie, Kilian avaient une revanche à prendre sur l’UTMB cette année. Voilà qui est fait. Et en grand !
Photo d'en-tête : UTMB / Paul Brechu