C’est la proposition de loi que présente aujourd’hui à l’Assemblée nationale le député écologiste Charles Fournier, dans le cadre de la niche parlementaire EE-LV. A ce stade, elle a peu de chances d’aboutir, mais elle a le mérite d’ouvrir le débat à l’heure où, déjà, une première commune a décidé de ranger les fusils au placard le dimanche après-midi pour laisser les randonneurs et traileurs profiter de la nature en toute sécurité.
78 % des Français et des Françaises sont favorables à ce que le dimanche devienne un jour sans chasse, selon un sondage Ifop publié en janvier 2023. Et 70 % ne se sentent pas en sécurité en période de chasse, d’après une autre enquête de l’IFOP réalisée en 2022. Soit 9 points de plus qu’en 2016 et 16 point par rapport à 2009. Les chiffres et l’opinion publique pourraient peser en faveur de la proposition de loi portée ce jeudi 6 avril par Charles Fournier, député écologiste. Proposition que l’on retrouvait déjà dans le programme du candidat à la présidence Yannick Jadot qui allait même plus loin encore en prônant une interdiction tout le week-end et pendant les vacances scolaires.
Mais s’il ne part battu, l’élu d’Indre-et-Loire est lucide : il y a quelques jours seulement, le 29 mars, les députés avaient rejeté la proposition en commission. Leur crainte ? Que cette interdiction limitée pour l’heure à une seule journée par semaine n’ouvre la porte à une interdiction totale de la chasse en France. Ce que Charles Fournier avait fermement récusé.
L’exemple étonnant de Saint-Dié-des-Vosges
Mais le député n’en n’est pas à son coup d’essai sur ce dossier, et il ne relâche pas la pression. Il sait sait que si l’opinion publique est, dans les sondages, de son côté, ce n’est pas par la voie d’un référendum d’initiative populaire qu’elle va pouvoir se faire entendre – on connait la complexité de ce processus long et incertain – c’est donc devant l’Assemblée qu’il revient une fois de plus aujourd’hui, profitant d’une petite ouverture. Chaque parti d’opposition ou groupe minoritaire peut en effet mettre ses proposition de loi à l’ordre du jour, et ce un jour par mois. En ce jeudi 6 avril, c’est au tour du groupe EE-LV. Parmi ses propositions, celle du député d’Indre-et-Loire dont l’objectif est de “sanctuariser un dimanche sans chasse pour garantir aux Français un accès sûr et tranquille à la nature”. Le tout présenté en termes concis, histoire d’éviter au maximum les amendements. Reste qu’au regard des autres propositions du groupe, jugés plus urgentes, la question de la chasse risque de passer en dernier et donc… de tomber dans les oubliettes, faute de temps.
Pas de quoi décourager Charles Fournier pour autant. Le député a bon espoir d’obtenir, tôt ou tard, gain de cause et, comme beaucoup de maires en France, il n’a d’yeux depuis quelques jours que pour Saint-Dié-des-Vosges. D’un commun accord avec les chasseurs locaux, le conseil municipal vient d’interdire la chasse le dimanche après-midi à partir de 13 heures dans deux des quatre massifs forestiers de la commune. A savoir, les forêts de la Bure et du Kemberg où vont être installés des panneaux de signalisation pour délimiter la zone sans chasse les dimanches après-midi. Preuve que, oui, c’est possible en France, tout comme ça l’est déjà au Portugal ou en Grande-Bretagne.
« Quand tu prônes l’intelligence, t’as une chance ».
Cette mesure, une première dans l’Hexagone, est entrée en vigueur le 1er avril à Saint-Dié-des-Vosges, et ce n’est pas une blague. C’est d’autant plus intéressant que dans cette commune de 23 000 habitants, ce n’est pas la multiplication des accidents affectant les non chasseurs qui a motivé cette décision – contrairement à ce qu’on a pu observer cette année en France, notamment en début de saison – mais une réflexion commune afin de trouver un compromis. Nul doute que le président de la Fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen a dû s’en étrangler. Lui qui s’est toujours fermement opposé à céder le moindre pouce de terrain aux promeneurs, traileurs et autres cueilleurs de champignons. Grand prince, le tonitruant défenseur des chasseurs expliquaient à qui voulaient l’entendre à l’automne dernier que «La discussion peut s’engager, mais hors de question qu’on lâche le dimanche après-midi.» Un message bien entendu du côté de l’Elysée, dont le soutien reste indéfectible. Résultat, en janvier, Bérangère Couillard, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique, entérinait cette possibilité dans le plan du gouvernement sur l’encadrement de la chasse. Par ailleurs, il ne fallait pas compter sur les Fédérations « d’usagers » de la nature, à commencer par la Fédération Française de la Randonnée pour jouer les trublions. Cette instance, dont le poids pourrait pourtant faire la différence, s’obstinant à promouvoir comme solution principale que les chasseurs se signalent et se géolocalisent !
Heureusement les amateurs de gibier comptent quelques esprits plus audacieux. Interviewé par Libération, Bernard Fertig, le président de l’amicale des chasseurs de Saint-Dié-des-Vosges – qui avait d’ailleurs déjà renoncé à la chasse le mercredi – expliquait que la décision avait été prise «en concertation» avec la mairie. «Il faut mettre de l’eau dans son vin de chaque côté», a-t-il commenté. Ajoutant au passage que «certains voudraient que ce soit interdit toute la journée, il ne faut pas exagérer quand même.» Preuve que les chasseurs sont capables de compromis. L’initiative pourrait d’ailleurs faire tache d’huile. Le maire de la ville, Bruno Toussaint, expliquant que, depuis son annonce, d’autres maires de France l’avaient appelé « pour savoir comment on a fait, parce qu’ils aimeraient faire la même chose ». Sa réponse ? « Quand tu prônes l’intelligence, t’as une chance ».
C’est dire si le député Charles Fournier suit cette initiative de près. En attendant, l’espère-t-il, d’aller plus loin au niveau national, car n’oublie-t-il jamais de rappeler, la saison dernière, 90 accidents ont été recensés, dont huit mortels. La moitié de ces accidents ont eu lieu le dimanche.
Photo d'en-tête : Seth Schulte/Unsplash- Thèmes :
- Chasse & Pêche