C’est un dossier qui empoisonne la vie locale de La Clusaz depuis près de trois ans. Au centre de cette bataille juridique : la construction d’une retenue collinaire, un bassin alimenté par l’eau de pluie et de ruissellement destinée à principalement fournir de la neige de culture, sur les hauteurs de la station. Et contre toute attente, Didier Thévenet, le maire de la commune de Haute-Savoie a annoncé, ce mardi 5 septembre, la suspension des travaux préliminaires. De quoi réjouir les opposants à ce projet d’un autre siècle dont France Nature Environnement, Nouvelle Montagne, Mountain Wilderness France et la Ligue de Protection des Oiseaux.
« Nous avons décidé de ne pas lancer les travaux préliminaires de construction de la retenue d’eau et donc de mettre en place un moratoire » a déclaré le maire de La Clusaz, Didier Thévenet, dans un entretien au Dauphiné Libéré. « Je ne peux pas engager un tel risque tant que la justice ne sera pas arrivée à son terme ».
L’élu évoque des raisons de sécurité juridique. « Nous ne parlons pas uniquement de la légalité de la suspension de l’autorisation environnementale par le juge des référés, mais bien d’un jugement définitif sur le projet », qui peut prendre « plusieurs années », d’autant que « la jurisprudence sur la notion d’utilité publique majeure évolue sans cesse », explique le maire.
Il ajoute : « Je ne peux pas engager un montant de 10 millions d’euros dans la retenue, alors que nous ne savons même pas, et à quelle échéance, nous pourrons mettre la moindre goutte d’eau dedans ». Didier Thévenet précise par ailleurs que cette décision a été prise en conseil municipal le 17 août par 17 voix pour et une seule voix contre.
« Le signal envoyé aux communes et stations de montagne est sans appel »
Fin 2021, les opposants à ce projet – France Nature Environnement, Nouvelle Montagne, Mountain Wilderness France et la Ligue de Protection des Oiseaux – saisissaient le tribunal administratif de Grenoble en référé afin de suspendre l’arrête préfectoral autorisant le début des travaux. Le juge des référés s’était prononcé en octobre 2022, suspendant un arrêté préfectoral autorisant le lancement de travaux pour la construction de cette retenue de 148 000 m3 dans la montagne pour un coût de 10 millions d’euros.
« L’intérêt public qui découle de la réalisation d’une retenue collinaire essentiellement destinée à assurer l’enneigement artificiel de la station est insuffisant à remettre en cause l’urgence qui tient à la préservation du milieu naturel et des espèces qu’il abrite », estimait-il dans son ordonnance publiée sur le site du tribunal. Une conclusion qui n’est qu’une première étape, mais qui reste encourageante d’autant que le juge a par ailleurs condamné l’État à une amende de 1 200 euros, critiquant la « légalité » de l’arrêté préfectoral d’autorisation de défrichement, qui devait se dérouler en octobre et novembre.
« Un soulagement », pour France Nature Environnement Auvergne Rhône-Alpes qui expliquait déjà dans un communiqué d’octobre 2022 que « le signal envoyé aux communes et stations de montagne est sans appel. La production de neige artificielle pour gagner quelques années sur le changement climatique et prolonger le modèle du « tout ski » ne peut pas justifier la destruction d’habitats, d’espaces naturels et d’espèces protégées ».
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