Acclamée en héroïne à l’aéroport de Téhéran par la foule, Elnaz Rekabi… a présenté, ce mercredi, ses « excuses au peuple iranien » pour ne pas avoir porté son voile lors du championnat d’Asie d’escalade ce week-end. Un geste qui avait pourtant été interprété comme une preuve de solidarité envers les manifestantes iraniennes. Une volte-face inattendue, soutenue par des « explications techniques » peu plausibles.
Que se passe-t-il exactement pour Elnaz Rekabi ? Certes c’est sous les applaudissements et les hourras que la grimpeuse iranienne qui a défrayé la chronique en participant aux finales du championnats d’Asie sans son voile, dimanche 16 octobre, a été accueillie à Téréran ce mercredi matin au terminal de l’aéroport international Iman Khomeini. Mais son geste, interprété comme un témoignage de solidarité envers les manifestations déclenchées suite à l’arrestation, puis au décès de Mahsa Amini, un mois plus tôt, semble soudain perdre de son impact.
Vêtue d’un blouson noir et d’une casquette de baseball, Elnaz Rekabi s’est en effet adressée aux médias dans ces termes, comme on peut le voir dans une vidéo diffusée par l’agence officielle iranienne. « En raison du climat qui régnait pendant les finales de la compétition et du fait que j’ai été appelée à prendre le départ alors que je ne m’y attendais pas, (…) je n’ai pas fait attention au foulard que j’aurais dû porter » explique la grimpeuse. Un scenario peu plausible, surtout lorsque l’on connaît le déroulement d’une finale internationale. Chaque grimpeuse ayant, au préalable, un ordre de passage précis, déterminé en fonction de son résultat au tour qualificatif précédent. « Je suis rentrée en paix en Iran, en parfaite santé et selon le programme prévu. Je présente mes excuses au peuple iranien pour les tensions créées », a-t-elle ensuite déclaré, ajoutant ne pas avoir « l’intention de dire au revoir à l’équipe nationale”.
Des aveux, forcés ou non, qui font suite à une story Instagram, postée mardi, où Elnaz assurait que la décision de retirer son voile n’était « pas intentionnelle ». À la suite de son geste, jugé comme courageux, plusieurs de ses amis avaient témoigné leur inquiétude, affirmant être incapables de la joindre. Compte tenu des représailles encourues dans le passé à l’encontre d’autres sportifs de haut niveau ayant enfreint les règles de la République islamique, on pouvait craindre le pire pour la jeune grimpeuse.
Des informations démenties par l’ambassadrice iranienne à Séoul qui, dans un tweet, avait déclaré, mardi : Elnaz « a quitté Séoul pour l’Iran, tôt le matin du 18 octobre 2022, avec les autres membres de l’équipe » soulignant également « les fake news et la désinformation » concernant l’affaire. « Malheureusement, certaines agences de presse comme la BBC et IranWire diffusent de fausses informations sur son arrestation et celle de son frère » expliquait de son côté à notre rédaction US, un Iranien proche de l’équipe d’escalade, qui a souhaité rester anonyme. « Je viens de parler aux membres de l’équipe qui sont avec elle. Elle va bien. Ils ont juste changé d’hôtel pour fuir tous les journalistes qui s’y trouvaient. Elle est actuellement dans son vol retour avec d’autres personnes. Son frère est également en sécurité chez lui à Zanjan ( dans le nord ouest de l’Iran, ndlr). Il n’est encore rien arrivé à personne et nous espérons qu’elle sera en sécurité à son arrivée en Iran ».
Ce « encore » ne peut que nourrir les inquiétudes, d’autant qu’une autre source anonyme aurait contacté nos confrères américains, affirmant l’inverse : le frère de Rekabi aurait été arrêté dans l’intention d’être utilisé comme moyen de pression pour la ramener chez elle. Ce qui, expliquerait le revirement d’Elnaz Rekabi.
Photo d'en-tête : @elnaz.rekabi