Première étape du « projet 666 » – traverser 6 déserts en vélo, sur 6 continents, en un mois maximum par destination : validée ! En 18 jours, Stéven Le Hyaric a bouclé, dimanche 4 juillet, son parcours à vélo de 4250 kilomètres à travers les déserts namibien. Au lendemain de son périple, l’aventurier français nous raconte la Namibie, son émerveillement, ses surprises, et sa rencontre avec le peuple Himba.
C’est un Stéven épuisé mais émerveillé que l’on a retrouvé à la fin de son aventure de 4250 kilomètres à vélo dans le désert namibien, dimanche 4 juillet, après 18 jours de route intenses sur une trace à 90% gravel. Fidèle à son objectif, l’ancien cycliste français Élite a réalisé le premier chapitre de son « projet 666 » : parcourir 6 déserts en vélo, sur 6 continents, en un mois maximum par destination, tout en alertant sur les conséquences du réchauffement climatique.
« Avant même de me lancer dans ce projet, la Namibie représentait quelque chose d’extraordinaire pour moi, puisque le Namib est le plus vieux désert du monde (55 millions d’années). C’était le point central du projet, et c’était aussi incroyable que ce que j’avais imaginé : les paysages étaient comme préhistoriques, avec les plus hautes dunes de sable du monde, toute la partie sud du pays était spectaculaire », explique-t-il.
Des souvenirs qui remplacent vite les obstacles (in)attendus, comme les variations importantes de températures, oscillant entre 0°C la nuit et jusqu’à 50°C le jour, ou encore la casse de son axe de roue au bout de 5 jours de route, lui faisant perdre 24 heures sur son parcours. « Tous les jours, je chialais comme un môme. Parfois des larmes de peur et de crainte, car j’étais très souvent seul, mais aussi des larmes de joie face à la beauté du pays. »
« J’ai vécu plusieurs Namibie »
En parcourant 200 à 400 kilomètres par jour, Stéven Le Hyaric a pu explorer la Namibie sous toutes ses facettes. L’un des sites les plus emblématiques, le Fish River Canyon – deuxième plus long canyon du monde après le Grand Canyon des États-Unis – a gravé en lui des images d’animaux qu’il rêvait de voir : des singes, des girafes, des oryx… avec lesquels il a fait la course à vélo.
Une fois le cap mis sur la frontière du Botswana, « la végétation était plus dense, les couleurs sublimes, une alternance de rouge et de vert partout. C’est peut-être la partie qui m’a le plus marquée dans le sens où je passais de chemins en mode Gravel, à des routes goudronnées, comme des nationales en France, où tu es frôlé pendant 500 kilomètres par des véhicules qui roulent à 120 voire 150 km/h. »
« J’ai l’impression d’avoir vécu plusieurs Namibie. Il y a la partie désertique, bien sûr. Puis la capitale, Windhoek, qui est assez étrange : ça pourrait très bien être une ville de province française, avec son pôle financier, des quartiers de bureaux. Et dès que tu en sors, à 5 kilomètres, t’es complètement dans la campagne, tu peux tomber sur des girafes, des zèbres, des léopards… ». Un contraste de taille avec la traversée du Kalahari, un des déserts sur parcours, « très vert, pas très peuplé, mais avec beaucoup de white farmers – des mecs blancs qui ont l’air d’avoir pas mal d’argent, comme les fermes de l’Ohio qu’on voit dans les films américains. »
Stéven a terminé son parcours en visant le désert du Namib, à l’ouest du pays. « Il y avait beaucoup de brume, la fin de la course était difficile, et très différente du reste : pas mal de grandes pistes, on repartait sur des espèces de grandes collines qui ressemblent au Mercantour, le terrain était dur », confie-t-il. Mais au-delà de la performance et des paysages, sa rencontre avec les Himbas restent, à ses yeux, la plus belle étape de l’aventure.
Les Himbas sont un peuple vivant principalement dans le nord de la Namibie, dans le désert du Kaokoveld, regroupant environ 13 000 individus. Devenus sédentaires, ils ont conservé un mode de vie traditionnel, « très proche de la nature, comme peuvent l’être les Massaï », compare Stéven Le Hyaric, qui a vécu des moments forts avec eux. « En Namibie, le vélo n’est pas développé. C’est soit un loisir pour les très riches, soit un mode de transport pour les très pauvres qui ne peuvent pas s’acheter de voiture. Mais ce n’est pas du tout vu comme un sport. On peut trouver quelques communautés de cyclistes dans les grandes villes, mais ce n’est pas du tout répandu dans la majorité de la population. »
« J’ai aussi découvert que le nom Himba signifie “mendiant’’, et j’ai compris pourquoi. 80% de ceux qu’on croisait nous demandaient à manger, de l’eau, de l’argent… Au début, ce n’était pas évident pour moi de comprendre ça, car quand j’avais traversé l’Himalaya, j’avais rencontré des personnes qui faisaient la manche, mais ce n’était pas à ce point là. On leur a donné ce qu’on pouvait. On a échangé du riz, des pâtes et des pommes de terre contre des pseudos pierres précieuses, pour faire un semblant de troc. Mais d’autres fois, c’était dur pour moi de devoir refuser de donner de l’eau, quand il ne me restait d’1,5 litre sur moi, et que je devais encore faire des dizaines de kilomètres. »
Interpellé par leur précarité, l’aventurier tient à relier ces rencontres à la démarche environnementale qu’il entreprend à travers son « projet 666 ». « Ces populations, dans le monde entier, sont en train d’être changées parce qu’on veut les inclure dans notre modèle de société. Les Himbas se rendent compte que plus on construit des routes à proximité d’eux, plus ils gagnent en confort, et savent que la société peut en effet leur apporter quelque chose. Reste qu’ils semblent heureux d’être là, comme ça, dans leur culture actuelle, même si en ce moment, ils souffrent beaucoup de l’arrêt du tourisme. Moi je suis en admiration, j’aimerais revenir vivre ici un mois avec eux quand ça sera possible », ajoute-t-il.
Sensibiliser sur la désertification
Autre portée du « projet 666 », sensibiliser le plus possible sur le dérèglement climatique, et notamment sur le phénomène de désertification. « Si je me rends dans des endroits pareils, c’est aussi pour voir la dure réalité de ce qui est en train de se passer, la difficulté à trouver de l’eau potable par exemple ». Pour Stéven, le meilleur moyen d’illustrer la cause écologique au cours de ce voyage était de « s’exposer aux températures qu’on connaitra dans 50 ans. Le mercure est monté jusqu’à 52°C. J’avais déjà connu des entraînements sous plus de 60°C au Qatar, mais c’est quasiment impossible de faire du sport dans ces conditions », alerte-t-il.
De ce premier chapitre, il devrait tirer un documentaire sur la Namibie – dont la date reste inconnue pour le moment. « Chaque destination du projet aura droit à son film, et il y a aura sûrement ensuite un bel ouvrage avec les photos de Florent Schneider et mes carnets de bord », conclut-il. Prochaine étape, si les conditions sanitaires le permettent : l’Australie, et le désert de Simpson. Stéven Le Hyaric espère pouvoir s’y rendre dans trois ou quatre mois. En attendant, retour en France d’ici la fin de la semaine pour l’aventurier.
Photo d'en-tête : Florent Schneider