Amis vanlifers, vous êtes-vous déjà demandés si vos incessants road-trips, visant à renouer avec les grands espaces, loin de la société de consommation, étaient vraiment compatibles avec le respect de l’environnement ? Pire, pensez-vous qu’ils pourraient faire drastiquement grimper vos émissions carbones individuelles ? S’interrogeant sur l’impact de sa pratique, notre journaliste, sur la route depuis deux ans, a fait ses calculs. Et ils ne sont pas beaux à voir.
Près d’un tiers des vanlifers sondés par Vanlife Mag, magazine spécialisé dans les fourgons aménagés, jugent qu’ils « polluent plus pendant leurs voyages que quand ils sont chez eux » révèle une étude interne. Un chiffre choc, à relativiser malgré tout. « Soyons clairs : les vanlifers ne sont pas des experts du bilan carbone, du recyclage des batteries et des ressources naturelles » précise Antoine Chapenoire, l’auteur de l’article. « Les réponses que nous publions ici correspondent donc à un ressenti. L’idée est bien de savoir ce que les vanlifers pensent sur le sujet, et pas d’obtenir des vérités sur la pollution des vans. Ce qui est une autre question ».
Un premier pas donc, de quoi avoir une première tendance en tête, en attendant, peut-être, des études plus poussées sur le sujet. Quoiqu’il en soit, de plus en plus de vanlifers semblent soucieux de leur impact sur l’environnement. Difficile cependant de comparer objectivement la vie en van à celle que l’on mène habituellement chez soi. « La question de savoir si nous polluons plus ou moins qu’à la maison ne relève pas de l’évidence » précise le sondage. « D’abord, quand on voyage en van, on fait parfois de grands trajets, mais pas forcément plus de kilomètres qu’avec tous nos petits aller-retours du quotidien. Ensuite, lorsque nous vivons à bord, nous consommons moins d’eau, moins d’énergie, nous n’achetons que ce qui entre dans notre véhicule ». En effet, de nombreux vanlifers plébiscitent les petits gestes écolos au quotidien, du tri des déchets à l’utilisation de produits biodégradables en passant par la limitation de leur consommation en eau et électricité. Par contre, peu d’entre eux disent éviter les destinations lointaines ou voyager moins longtemps. Ce sont pourtant les transports qui représentent l’un des plus gros pôles d’émissions carbone.
Le carburant, le point écologique le plus sensible
Vient alors l’épineuse question de la consommation de diesel, véritable point noir écologique de la vanlife. Sur cet aspect-là, les sondés sont unanimes : entre l’usure de certains équipements (batterie, panneau solaire, réfrigérateur, véhicule, etc), le choix des étapes, les petits gestes du quotidien (consommation d’électricité, d’eau, de produits polluants ou sur-emballés…), l’alimentation (produits bio, moins de viande et de poissons, circuits courts…) ou la pollution liée au carburant, c’est bien ce dernier point qui est le plus sensible.
« Evidemment, nous aurions pu penser à d’autres aspects de la pratique du van » concède l’auteur de l’étude. « Par exemple, le véhicule lui-même (sa construction, son recyclage…), ou encore les infrastructures routières. Malheureusement, la liste qui répertorie les occasions de polluer ne sera jamais exhaustive. Mais nos propositions ont l’avantage de parler directement de la pratique du van, et non pas d’éléments qui nous échappent (comme la construction automobile ou la rénovation des routes) ».
Règlementation anti-pollution, van électrique… quelles solutions ?
« La réglementation anti-pollution est-elle assez sévère ? » questionne le sondage. « Avec cette question, nous touchons une corde sensible. Parce que nous sommes tous soucieux pour la planète, mais également inquiets pour notre porte-monnaie. Faut-il vraiment augmenter le prix du carburant, ou les taxes sur l’achat et l’utilisation des véhicules ? Quel niveau de sévérité avons-nous les moyens de supporter ? C’est sans doute la difficulté de répondre à cette question qui explique le grand nombre de sans opinons ».
Notons également que l’électricité, solution alternative au carburant, ne fait pas l’unanimité. « Il faudra, en plus des services habituels, trouver une borne de recharge en espérant qu’elle fonctionne avec nos badges et passer des heures à attendre que ça charge » détaille un sondé. « Ça sera un enfer ».
Un premier état des lieux qui demande à être complété, mais qui n’est pas sans rejoindre l’enquête qu’il y a deux ans déjà, nous avions menée sur le terrain, à découvrir ci-dessous.
Désireuse d’en apprendre davantage sur sa consommation individuelle, notre journaliste, sur les routes américaines depuis plusieurs années, s’est tournée du côté des chiffres. De quoi prendre conscience sur la durabilité (ou non) de la vanlife.
Le mouvement vanlife a jeté sur les routes tout une génération avide de renouer avec ce qu’elle estime être l’essentiel : partir, seul ou en famille, à l’aventure, en nomade et loin de l’urbanisation galopante de notre monde. Vivre de peu mais mieux. Mais est-ce vraiment un cadeau à faire à la planète ?
Il y a deux ans, j’ai emménagé dans une voiture pour échapper au bruit et au béton de la ville de Washington, où je travaillais comme rédactrice pour la NASA. Comme beaucoup, je suis devenu freelance, bougeant selon les saisons tel un oiseau migrateur, souvent entourée de gens partageant ma vision de la vie et vivant dans des camionnettes, des vans ou juste leur voiture.
Mais plus le temps passe, plus je me pose la question de l’impact de ce mode de vie. Mon petit nid, une Honda Element de 2006, fait environ 2,2 m2, soit un centième de la taille de la maison américaine moyenne. Il est même plus petit qu’une tiny house. En général, les petites surface de ce genre ont une empreinte carbone bien plus faible qu’un habitat traditionnel. Mais dans mon cas, le carburant nécessaire à ma vie de nomade rend mon empreinte complètement disproportionnée par rapport à la taille de mon lieu de vie. À chaque plein, je me demande : suis-je en train d’abîmer la nature plus que je ne le faisais dans ma maison ?
Je me suis posé devant une feuille, avec une calculatrice et un crayon. Le transport est clairement le point noir de mon mode de vie, donc j’ai commencé par là. S’il constitue déjà 23% de l’empreinte écologique d’un Américain moyen (39% pour un Français moyen), qu’est-ce que ça allait être pour moi ? Comme j’ai lu que réduire sa vitesse de 5km/h permettait de réduire sa consommation d’essence de 7%, j’ai adopté le rythme d’une tortue et je me traîne sur les voies réservées aux véhicules lents.
Ensuite j’ai compté que je consommais près de 4 litres d’essence pour faire 40 kilomètres, sachant que je conduis 20 000 km par an, soit un petit millier de kilomètres de moins que l’Américain moyen (12 200 km par an pour un Français moyen). Tout ceci nous amène à l’envoi de 4 536 kilos de CO2 dans l’atmosphère. Auxquels il faut ajouter les 15 kg de CO2 supplémentaires dûs à mes lessives au cours de l’année.
J’y ajoute ensuite la consommation de nourriture, relativement clémente pour la planète puisque je suis devenu végétarien, mais qui se chiffre quand même à 1 406 kg de CO2 de plus balancés dans l’atmosphère, si j’en crois une étude de 2014 (ceci en prenant en compte la culture et le transport de mon alimentation). N’oublions pas les 16,3 kg de CO2 émis par le combustible utilisé pour cuisiner sur la route, et on arrive à un total global de 6,6 tonnes de CO2, ce qui me place… au dessus de la moyenne mondiale de 5 tonnes par habitant !
Donc, selon les études du Global Footprint Network, il faudrait plus de 2 Terres pour permettre à 100% des humains d’embrasser la vanlife. On repassera pour le mode de vie durable…
Avant tout ça, je vivais en coloc avec deux potes en banlieue de Washington. On faisait assez attention à ne pas trop consommer ni polluer : compost, tri, recyclage, déplacements à vélo le plus possible, etc. Quand je reprends nos factures de chauffage et d’électricité, ainsi que les distances parcourues en voiture à l’époque, je calcule que mes émissions de CO2 se chiffraient “seulement” à 5,6 tonnes…
Donc en vivant dans mon véhicule, je fais en fait pire qu’avant. Une tonne pire pour être précise !
Un mode de vie pourtant loin de la moyenne américaine, estimée à 19 tonnes de dioxyde de carbone par habitant (11 tonnes de CO2 pour un Français), bien plus que mon empreinte carbone personnelle.
On pourrait croire que le problème s’arrête à ma petite personne et à ma Honda tueuse de planète. Mais je suis loin d’être la seule dans ce cas : la plupart des adeptes de la vanlife ont des véhicules au moins aussi polluants voire pire que le mien. Le diable en personne étant le très prisé Sprinter Van de Mercedes, qui émet 40% en plus de gaz à effet de serre que ma Honda Element…
Certains me feront évidemment remarquer que 70% des émissions mondiales de carbone sont dues à 100 entreprises. En effet, les grandes industries polluent bien plus que nous, mais n’existent-elles pas pour subvenir à nos besoins (ou nos caprices) ? En réduisant notre propre consommation, on réduit les raisons d’exister de ces entreprises, et en les désignant comme responsables, on les force à une transition vers des systèmes de production et de distribution moins polluants.
J’ai réalisé un premier pas en prenant conscience de mon impact réel, mais le second – entreprendre des changements – va être bien plus compliqué. La conduite représentant 75% de mon empreinte carbone, je vais devoir réduire mon champ de déplacements, rester plus longtemps au même endroit et rationaliser mes trajets. Il faudra aussi que je surveille de près la pression des pneus, sans oublier de soumettre ma Honda à des check-ups réguliers. En mangeant local, j’économise l’équivalent d’un déplacement de 1 770 km. Dorénavant, je vivrais ma vanlife au ralenti, dans la voie de droite. Et en plus d’avoir rejoint le mouvement Slow Food, je vais devenir une pionnière du mouvement Slow Driving…
Article publié le 27 octobre, mis à jour le 28 octobre : Des erreurs de calcul des bilans carbones américains/français se sont introduites dans le texte ci-dessus, elles ont été corrigées. Nous prions nos lecteurs de nous en excuser.
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