En février, un cycliste de Charente-Maritime était renversé volontairement sur une départementale, puis sauvagement agressé par le conducteur d’un camion benne et son passager. Très choquante, la scène est filmée par la caméra embarquée de la victime. Il faudra attendre trois mois pour que, début mai, la vidéo soit mise en ligne et devienne rapidement virale. L’affaire ne sera jugée que fin juin, mais nul doute qu’elle sera très suivie, à l’heure où augmente la mortalité chez les cyclistes sur les routes.
La scène s’est déroulée en février dernier en Charente-Maritime, sur une petite route qui relie les communes de Semussac et Royan. Alors qu’un cycliste roule paisiblement sur le bord d’une route de campagne étroite, caméra embarquée sur le casque, un camion-benne le dépasse en le frôlant et vient soudainement le percuter sur le côté, jusqu’à le faire tomber. Une fois à terre, le conducteur et son passager sortent du camion, non pas pour s’excuser mais pour, disent-ils « mettre une branlée » à l’homme à terre.
Il s’en tirera avec un nez cassé, des hématomes sur tout le visage, une fracture au doigt, 30 jours d’ITT et un traumatisme psychologique durable. D’autant, explique l’association « Mon vélo est une vie », que « dans un premier temps le conducteur de camion ne sera convoqué qu’à une simple audience de CRPC (audience simplifiée) et poursuivi pour de simples violences volontaires en réunion. Seule l’intervention de l’association et de sa commission juridique changera le cours des choses et lui permettra d’attirer l’attention au niveau national. Un avocat spécialisé en droit routier et en dommages corporels s’empare alors du dossier et contacte les services du parquet pour tenter de convaincre le procureur que le cycliste avait en réalité subit une double agressions (choc avec le camion, et violences physique). Au cours de l’audience de CRPC un débat contradictoire est intervenu et finalement, le procureur décide de poursuivre le conducteur du camion pour des violences volontaires avec arme par destination (camion) ayant entrainé une ITT de moins de 3 mois conformément aux revendications de l’avocat de la commission juridique. »
Le chauffeur et son passager, également impliqué dans l’agression, sont donc attendus le 23 juin au tribunal correctionnel de Saintes pour une audience dont la sentence, qu’on espère exemplaire, pourrait faire jurisprudence. En tous cas, c’est ce qu’attendent les associations de défense des cyclistes. Déjà inquiètes devant la multiplication des agressions dont sont victimes les fans de VTT – pièges à clous et cables d’acier dissimulés sur les sentiers – dont Outside s’est fait l’écho, elles ne peuvent que constater que sur les routes aussi le danger augmente depuis la fin du confinement et la reprise du trafic. Car si en 2021, la mortalité routière est globalement en baisse de 8% (3 221 victimes) par rapport à 2019 « sur cette même période de comparaison, la mortalité des cyclistes est, elle, de +21%, selon le « bilan 2021 de la sécurité routière » produit par Observatoire national interministériel de la sécurité routière, soit 39 tués.
En cause de plus en plus souvent, des véhicules utilitaires ou des camions, précise le rapport : « en agglomération, une dizaine de cyclistes de plus ont été tués percutés par un PL (poids lourd) ou un VU (véhicule utilitaire) en 2021 par rapport à 2019″.
Des chiffres inquiétants dont tiendra sans doute compte le juge à l’heure de statuer sur cette agression extrêmement choquante. D’autant que suite à la parution aujourd’hui dans Le Parisien d’une interview de la malheureuse victime expliquant qu’il avait » servi de gibier à une chasse aux cyclistes”, l’affaire prend une ampleur inattendue dans les médias. La diffusion prochaine d’une émission d’Envoyé spécial consacrée au sujet devrait encore apporter des éléments nouveaux.
Photo d'en-tête : Luca Campioni