Beaucoup en parlent. Rares sont ceux qui le font, et le geste mérite d’être salué : renoncer à une compétition de haut niveau pour éviter d’aggraver un bilan carbone déjà trop lourd dont il publie tous les détails, poste par poste. C’est ce que vient de faire aujourd’hui le traileur anglais Andy Symonds en décidant de ne pas participer cette année aux Championnats du monde trail organisé en Thaïlande alors qu’il était sélectionné dans l’équipe britannique. Courageux. Mieux, exemplaire.
Il affiche déjà un superbe palmarès, avec à son actif la victoire sur le Lavaredo ultra trail en 2016, le trail du Ventoux en 2013 ou encore les Templiers en 2011 sans parler d’une très belle 5e place à l’UTMB en 2019 et nul doute que cette année l’équipe britannique de trail pouvait compter sur Andy Symonds à l’occasion du championnat du monde organisé du 1er au 7 novembre 2022 à Chiang Mai en Thailande. Mais cette fois les Anglais vont devoir faire sans lui. L’athlète de 41 ans a fait ses calculs : pour la seule année 2022 son bilan carbone explose les compteurs. Quand il est recommandé de se limiter à 2 tonnes par personne et par an, lui est bien au-delà pour la seule année 2022 : « Environ 6,3 tonnes équivalent C02. Ce qui est déjà trop. » explique-t-il aujourd’hui, dans un post sur Instagram, dont nous publions ici la traduction du texte intégral.
« Environ un tiers de mon empreinte carbone personnelle cette année provient des déplacements. », poursuit-il. » Ce sont les quelques courses que j’ai faites loin de chez moi qui ont le plus contribué à mes émissions personnelles, notamment à cause de l’avion. »
Sur le diagramme, que, dans un souci de transparence total, il a rendu public, ses transports comptent en effet à hauteur de 33% d’un bilan très lourd, trois fois plus que les recommandations du GIEC. Son deuxième poste étant l’alimentation ( 23%), pour ce carnivore modéré il saute aux yeux que se rendre en Thaïlande est incompatible avec ses engagements personnels. Une décision sans doute douloureuse mais cohérente : « je ne peux tout simplement pas justifier, surtout à moi-même, l’ajout de 4 tonnes supplémentaires à mon empreinte carbone de 2022. »
Courageux, d’autant que ses transports professionnels (courses) sont compensés par son sponsor, Scott, et que le ton n’est pas moralisateur. Andy Simonds a bien conscience que, sans même parler de ses déplacements en tant qu’athlète, son mode de vie est loin d’être vertueux. Ici pas de confidence façon alcoolique anonyme : « oui j’ai pêché, j’ai pris l’avion, je ne le ferai plus ! ». Juste un état des lieux – on remarquera d’ailleurs combien le poste « sport kit » pèse (16%) – et un choix personnel qui n’engage que lui mais que certains feraient bien de méditer. En attendant qu’au niveau international du trail, notamment mais pas que, le surf étant lui aussi en première ligne, les fédérations engagent une réflexion digne de ce nom sur le calendrier des compétitions et le choix des spots, un débat ouvert depuis quelques années déjà par Kilian Jornet et Xavier Thévenard, pour ne citer qu’eux, mais que l’on voit peu suivi de changements concrets du côté des instances organisatrices.
J’ai pris la décision de décliner l’invitation aux championnats du monde de course de trail cette année.
Mon empreinte carbone pour 2022 sera d’environ 6,3 tonnes d’équivalent C02.
Ce qui est déjà trop.
Afin de limiter l’augmentation de la température mondiale à un niveau qui ne soit pas trop dévastateur, nous devons viser 2 tonnes chacun.
Nous sommes la cause du problème, nous qui vivons dans les pays les plus riches de la planète. Nous sommes ceux qui peuvent faire une grande différence. Et il y a tant de choses que nous pouvons faire, dont certaines sont difficiles et ont un impact sur nos vies, d’autres sont faciles. Nous pouvons au moins faire les « choses faciles », et ensuite nous mettre au défi de cumuler ces « gains marginaux ».
C’est principalement pour cette raison que j’ai refusé l’opportunité de représenter la Grande-Bretagne aux Championnats du monde de Trail Running. J’adore courir et concourir à un niveau international et il n’y a pas grand-chose que j’aime plus que de courir en portant les couleurs de la Grande-Bretagne. Cependant, cette année, les championnats du monde se déroulent en Thaïlande et je ne peux tout simplement pas justifier d’ajouter 4 tonnes supplémentaires à mon empreinte carbone de 2022.
Environ un tiers de mon empreinte carbone personnelle provient des voyages cette année, et ce sont les quelques courses que j’ai faites loin de chez moi qui ont le plus contribué à mes émissions, notamment à cause de l’avion.
Je ne veux donner de leçon à personne, je suis moi-même hypocrite sur ce point, je mange un hamburger de temps en temps, j’ai une maison avec une piscine… mais il me semble particulièrement incohérent d’essayer de prendre une position publique généralement en faveur d’un mode de vie durable, puis de sauter dans un avion pour la Thaïlande pour une seule course de huit heures.
J’encourage tout le monde à calculer son empreinte personnelle. Il devient alors évident quels sont les principaux postes émetteur, cela met une échelle de grandeur sur un vol, l’usage d’un téléphone, un repas, etc. Il devient alors évident de voir où il est facile de faire la différence. Pour la plupart d’entre nous, cela signifie reconsidérer nos modes de transport et notre consommation de viande rouge.
Ps. Merci à @scottrunning pour avoir compensé mon empreinte CO2 liée à la course à pied cette année.
Vous ne connaissez pas encore le bilan carbone de vos activités ?
Voici l’un des meilleurs calculateurs actuellement disponibles : « Nos gestes climat ». C’est simple (souvent édifiant!) mais voir son impact, poste par poste, donne à matière à réfléchir. Et à agir.
Photo d'en-tête : Andy Simonds