La France dans le viseur des autorités népalaises, apprend-on ce matin. Le gouvernement népalais vient de communiquer la liste des huit pays particulièrement touchés par l’épidémie qui verront réduit le nombre de leurs visas d’entrée dans le pays. En tête, la Chine ou l’Italie, mais aussi la France. Cette mesure prend effet dès demain, 10 mars.
109 032 personnes affectées, 99 pays touchés, les chiffres de l’épidémie du coronavirus ne cessent de croître jour après jour, particulièrement en France qui a passé ce dimanche 8 mars la barre des 1 000 cas détectés (1 126 exactement). A l’échelle mondiale, 3 792 personnes sont décédées du fait du virus et mardi 3 mars, l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que les responsables de la santé se trouvaient en « territoire inconnu » dans la lutte contre sa propagation. Dans ce contexte, bien qu’un seul cas ait été signalé à l’intérieur des frontières du Népal, le gouvernement a décidé de mesures préventives concernant l’arrivée de touristes étrangers sur son sol. En effet, le pays ne dispose pas d’un système de santé et d’infrastructures sanitaires suffisantes pour lutter contre une épidémie généralisée. La nouvelle restriction obligera les ressortissants des huit pays – Chine, Corée du Sud, Japon, Iran, Italie, France, Allemagne, Espagne – à demander un visa avant d’arriver au Népal et à fournir au gouvernement népalais des certificats de santé, à compter de demain, le 10 mars.
Conséquence du coronavirus, moins de permis accordés pour l’Everest
L’Everest se situe à la frontière entre le Népal et le Tibet. La saison du printemps, qui commence généralement au début du mois d’avril, est l’une des plus courues pour gravir le plus haut sommet du monde (8 848 m). Des centaines d’alpinistes s’y rendent chaque année, et leur nombre ne cesse de croître, laissant même songeur quant à la surfréquentation de cette montagne mythique.
En raison des problèmes de l’épidémie du COVID-19, on estime que le nombre de permis délivrés pour gravir l’Everest cette année sera environ la moitié de ce qu’il était en 2019. C’est ce qu’a rapporté un opérateur d’expédition népalais à Alan Arnette, alpiniste américain, collaborateur de Outside, et spécialiste de l’Everest. L’année dernière, 381 permis ont été délivrés, mais moins de 250 sont attendus cette année. Seulement 50 permis sont attendus du côté du Tibet, selon Alan Arnette.
L’ascension de l’Everest est de base dangereuse : gelures, fractures dues à une chute ou une glissade, problèmes liés à l’altitude, les alpinistes qui s’y frottent ont déjà de nombreux risques à gérer. Dans ce contexte, devoir en plus se préoccuper du coronavirus complique grandement la tâche. Alan Arnette explique : « Lorsque vous êtes assis au camp de base de l’Everest à 5 364 m d’altitude, votre système immunitaire est fragilisé à cause du manque d’oxygène. Même une petite coupure sur votre doigt ne guérit pas avant que vous ne soyez redescendu dans un environnement riche en oxygène. Je pense que les risques sont vraiment élevés, et les gens prennent un risque s’ils grimpent cette année ». L’Américain a ajouté que les médecins des urgences de l’Everest s’attendent à avoir du mal à distinguer la toux du Khumbu, provoqué par l’altitude, du COVID-19, qui provoque de la fièvre, de la toux et un essoufflement.
Deux fois moins d’ascensions attendues
De son côté, le gouvernement chinois n’a pas instauré de restrictions de voyage au Tibet ni fermé l’accès à aucun de ses sommets, y compris le côté nord de l’Everest, le Shishapangma et le Cho Oyu (un seul cas de coronavirus a été détecté au Tibet, province autonome chinoise). De nombreuses manifestations sportives en Chine prévues au printemps ont toutefois été reportées ou annulées en raison de l’épidémie, notamment les étapes de coupe du monde d’escalade à Chongqing et Wujiang, la course Gaoligong by UTMB, dans le Yunnan, et la Coupe du monde de ski alpin à Yanqing.
« De nombreux alpinistes chinois, japonais et coréens ont déjà annulé leur ascension de l’Everest du côté népalais », explique Alan Arnette sur son blog. « Selon mes informations, plusieurs opérateurs changent leur plan, passant du Tibet au Népal et certains même envisagent carrément d’annuler les ascensions.” Mais le coronavirus n’est peut-être pas la seule raison à cela, puisque la Chine a augmenté sensiblement le prix des permis pour l’Everest en 2019.
La société européenne Furtenbach Adventures, leader sur les expéditions sur des 8 000, mais aussi des entreprises américaines réputées comme Alpenglow, International Mountain Guides ou Madison Mountaineering, prévoient toujours une saison “normale” et n’ont reçu aucune annulation de la part de leurs clients. Néanmoins, s’il y a eu au total 905 ascensions à l’Everest l’année dernière (en additionnant depuis le Népal et le Tibet) Alan Arnette s’attend à un chiffre divisé par deux en 2020. « Ce sera l’année la plus calme sur l’Everest depuis longtemps et de ce fait, la meilleure année pour faire l’ascension », a déclaré Lukas Furtenbach, le fondateur de Furtenbach Adventures.
Certains ne sont pas aussi inquiets qu’Alan Arnette quant à la menace de contracter le virus. « Étant donné que la plupart des alpinistes qui tentent l’Everest sont généralement assez robustes, qu’ils sont des personnes en très bonne santé qui s’entraînent très dur, prêts à relever un défi d’endurance très physique, je pense que le virus ne les affectera pas », a déclaré Garrett Madison, chef d’expédition chez Madison Mountaineering. Ce dernier a indiqué que son équipe s’efforce néanmoins de maintenir les camps propres, notamment en utilisant du désinfectant et en insistant sur le lavage des mains et en évitant de tousser et d’éternuer près des autres. “Si l’un des membres de l’expédition est malade, a-t-il ajouté, il sera isolé ou mis en quarantaine.”
Photo d'en-tête : Andreas Gabler / Unsplash