Fidèle à sa réputation, le maire de Saint-Gervais ne mâche pas ses mots. Et cette fois ce ne sont pas les huluberlus et autres amateurs de records hantant le mont Blanc – dont il a régulé l’accès – qu’il a dans le collimateur, mais les traileurs. Ou, plus précisément, les évènements de masse organisés dans le massif du mont Blanc. Avec, en première ligne bien sûr, l’UTMB, « sommet mondial du trail », explique-t-il dans une « supplique » envoyée au président de la République. Et il fait mouche !
« Monsieur le président de la République, ne laissez pas la chienlit s’installer au nom du droit de tout faire et de tout laisser faire », écrit Jean-Marc Peillex dans le courrier qu’il a adressé hier, mardi 20 septembre, à Emmanuel Macron, intitulé « La montagne bouge, la forêt brûle. Sauvons les espaces naturels ».
La « chienlit », ce sont les hordes de randonneurs, traileurs et autres nouveaux adeptes de l’outdoor qui ont eu la révélation pour la nature au sortir du confinement. Tous ceux qui des Calanques à Etretat nourrissent le phénomène de surfréquentation dont nous faisions en juin dernier un vaste état des lieux, mais surtout aujourd’hui, les traileurs. Depuis qu’à l’issue de 17 ans, comme il le rappelle dans sa « supplique » au Président, le maire de Saint-Gervais est parvenu à en réguler l’accès en 2020, il s’attaque maintenant à un nouveau fléau affectant « le pays du mont-blanc (en gras dans le texte, ndlr), criante caricature au travers des manifestations aux retombées mondiales, telles les nombreuses courses de l’Ultra-trail du Mont-Blanc au bilan carbone catastrophique. Chaque année, une course de plus, chaque année encore plus de coureurs venus du monde entier, chaque année plus d’accompagnants… Toujours plus ! A la montagne de digérer cette foule d’urbains dont on l’inonde quel qu’en soit l’état de dangerosité ou de sécheresse, alors même que trop nombreux sont ceux qui n’en connaissent pas les codes. Mais business is business. » (…) « De peur d’écorner le sacro-saint principe de la liberté, peu d’élus osent demander que cela cesse et que des limites encadrent tant les accès à certains sites que les événements sportifs outdoor qui s’y déroulent. » Car « il ne s’agit pas d’interdire », insiste Jean-Marc Peillex, « il nous faut réguler ». A commencer par l’UTMB, rappelle-t-il dans un interview accordée à « 20 minutes » , où il entre carrément dans le vif du sujet.
Car, au fait, que reproche exactement le maire de Saint-Gervais au « Sommet mondial du trail » ? « D’abord, c’est une entreprise commerciale. On n’est plus sur la course associative du début », explique-t-il. « On a une organisation qui fait de l’argent, qui a été vendue et qui a besoin de faire du business. D’ailleurs, ils ne font pas que l’UTMB à Chamonix, ils organisent des ultras trails dans le monde entier. C’est no limit. Cette année, où la montagne était en état de sécheresse et la faune et la flore en souffrance, il n’y a eu aucune adaptation. Aucune. Aucune résilience, ni prise en compte du milieu. Au contraire, on a continué de faire comme si rien ne changeait. C’est ça que je reproche. L’ultra-trail, c’est une belle course, les sportifs sont magnifiques mais à un moment, il faut mettre une limite. »
Or, poursuit-il, l’organisation aurait dû, selon lui, s’adapter à la nouvelle donne climatique. A savoir « Modifier les parcours. On sait le faire quand la météo est mauvaise. On sait arrêter des courses quand il y a un orage ou un glissement de terrain, pourquoi ne pas le faire en cas de sécheresse ? Parce que là, il y a de l’argent. Les inscriptions coûtent cher, c’est du business ! Alors, je ne suis pas contre le business, je dis simplement qu’il appartient à l’autorité publique de dire où sont les limites. Mais ce n’est pas aux organisateurs de les fixer. »
Un business, nul n’en doute, mais qui rapporterait aussi de l’argent à la commune, n’oublie pas de rappeler « 20 minutes ». Voire, s’insurge Peillex.
« Cela ne rapporte pas d’argent à la commune, cela en coûte car on leur donne des subventions. Toutes nos équipes techniques mettent une, voire deux journées à tout mettre en place. En termes de retour, il n’y en a que pour la commune de Chamonix. Que ce soit les Contamines-Montjoie, Saint-Gervais ou les Houches, il n’y a aucune retombée. Par contre, ça rapporte aux commerçants, aux restaurateurs et aux cafetiers parce que, pendant quelques heures, ils font une très belle recette. L’UTMB, c’est 10.000 personnes qui courent, 20.000 à 30.000 accompagnateurs, 50.000 au ‘salon de la pantoufle’ [le salon des marques]. A un moment il faut que ça s’arrête. » tonne-t-il sans pour autant jamais suggérer une interdiction pure et dure. « Interdire c’est la dictature des écolos de salon », conclut-il avant d’inviter qui de droit à s’inspirer de l’exemple du Mont-Blanc. « Sur le Mont-Blanc, le travail a été fait. Le nombre de personnes est limité à la capacité des refuges. Soit vous avez l’entraînement physique et vous effectuez l’aller-retour dans la journée, soit ce n’est pas le cas et il faut une réservation. Nous n’avons plus la surfréquentation d’avant. On a réussi à pacifier le Mont-Blanc. Aujourd’hui, c’est paisible. Dans les refuges, on a retrouvé l’ambiance, les gens ne volent plus du matériel alors qu’avant c’était la chienlit, le bordel. Aujourd’hui, prenons exemple sur le Mont-Blanc et allons plus loin. Essayons ne pas massacrer des sites qui sont fragiles. »
Pas sûr qu’en mettant les pieds dans la marre, Jean-Marie Peillex n’éclabousse pas trop large, reste qu’en termes crus il ose enfin mettre le doigt là où ça fait mal. Au-delà de la réaction épidermique qu’un tel coup d’éclat peut légitimement susciter, on est curieux de voir quelles réponses lui seront apportées, du côté de Chamonix comme de l’Elysée.
La montagne bouge, la forêt brûle #sauvonslesespacesnaturels SUPPLIQUE au Président de la République #montblanc #corse #falaisesdetretat #gorgesdelardeche #Venise #iledepaques Emmanuel Macron pic.twitter.com/d80WQ9nkfO
— Jean-Marc PEILLEX (@PEILLEX) September 20, 2022
- Thèmes :
- Politique
- Surfréquentation
- UTMB