Voilà plus de 100 jours que Paul Watson est incarcéré au Groenland sur la base d’un mandat d’arrêt japonais. Son « crime » ? Avoir sauvé des milliers de baleines dans le sanctuaire baleinier international de l’Antarctique. Dans une lettre adressée fin octobre à Emmanuel Macron, l’activiste a exprimé le souhait d’acquérir la nationalité française. Une pétition a été lancée par Sea Shepherd France le 29 octobre afin de le soutenir dans sa démarche. L’occasion de revenir en détails sur les raisons de son incarcération, à travers un long podcast très complet dans lequel Lamya Essemlali, présidente de l’antenne française de l’ONG, présente également les actions de Sea Shepherd et les controverses qui l’entourent.
« Paul Watson, c’est quelqu’un qui a dédié sa vie à l’océan » rappelle Lamya Essemlali dans un podcast de deux heures intitulé « Activistes criminalisés : l’ultime signal d’un monde en déclin », réalisé par Thinkerview. « C’est quelqu’un de très inspirant qui sort des sentiers battus puisqu’il s’est fait connaître en coulant des baleiniers. Ce qui ne fait pas l’unanimité, y compris chez les écologistes. […] Mais il n’a jamais tué personne, jamais blessé personne. Ce sont des baleiniers coulés à quai. […] Mais qu’est-ce que tu fais quand tu es face à des criminels qui tuent en toute impunité des espèces protégées et que personne ne les arrête ? C’est de ce sentiment d’injustice et d’impuissance qu’est né Sea Shepherd. […] Ce gouffre entre ce qu’il y a le papier et sur le terrain ».
« Pour les Japonais, Paul Watson c’est un écoterroriste, une bête noire »
Pèse désormais sur lui une menace d’extradition vers le Japon dans le cadre des poursuites entamées en 2011 par Tokyo. « Le Japon, une très grande puissance économique mondiale, est dans une logique de vengeance vis-à-vis d’un gars qui les a humiliés » explique la présidente de Sea Shepherd France. « Pendant des années, Paul Watson s’est retrouvé, avec Sea Shepherd, dans le sanctuaire baleinier Antarctique, un sanctuaire international dans lequel le Japon avait décidé chaque année de tuer illégalement un millier de baleines, en toute impunité, avec des pays qui disaient que c’était honteux, que c’était des espèces protégées, que c’était un sanctuaire. Mais en fait, le Japon s’en fout ». Son alibi ? La recherche scientifique. Car depuis 1986, année du moratoire sur la chasse commerciale, le Japon essaie de prouver qu’il y a assez de baleines pour relancer la chasse commerciale.
« Pendant des années, l’objectif était pour nous de trouver le navire-usine, le Yushin Maru, un navire qui fait 8 000 tonnes à bord duquel ils [les baleiniers japonais, ndlr] remorquent les baleines tuées par les harponneurs », poursuit Lamya Essemlali. « De se placer devant la rampe, et de bloquer le remorquage de la baleine. En faisant ça, tu leur fais perdre énormément de temps. On a pu sauver près de 6000 baleines ainsi. […] Ce qui représente des millions de dollars de perte. Et une humiliation ».
« Pour les Japonais, Paul Watson c’est un écoterroriste, une bête noire […]. Le mandat d’arrêt qui est contre lui remonte à des faits qui se sont passés en 2010. Tout a été très bien documenté. Paul avait l’habitude de dire que notre meilleure arme, c’est la caméra. […] On ne veut pas se retrouver dans une situation où c’est notre parole contre la leur. Donc, tout est filmé. Mais le mandat d’arrêt [pour hooliganisme, blessures, conspiration d’abordage, destruction de propriété privée et obstruction commerciale, ndlr] a été accepté par Interpol ».
Les 6 moments clés qui ont conduit à l’arrestation de Paul Watson
- 6 janvier 2010 : le Nishinmaru II, un baleinier japonais percute de plein fouet un trimaran de Sea Shepherd. Six membres de l’équipage sont à bord. Quelques jours plus tard, Pete Bethune, propriétaire du bateau et membre de Sea Shepherd, prévoit de monter à bord du Yushin Maru n°2 pour montrer au capitaine japonais la facture du bateau et lui demander des comptes.
- 11 février : Pete Bethune lance sur le Yushin Maru n°2 une bouteille de beurre rance, également appelé de l’acide butyrique, qui rend la viande de baleine impropre à la consommation. Le mélange aurait giclé sur le visage d’un des marins japonais, et l’aurait irrité.
- Pete Bethune sera par la suite envoyé en prison au Japon, dans des conditions très difficiles. « On lui explique qu’il va croupir en prison pendant des années, à moins qu’il ne dise que c’est Paul Watson qui lui a ordonné de monter sur le bateau. Ce qu’il va faire » précise Lamya Essemlali. « Interpol ne mène pas la moindre enquête, et met Paul Watson sur la notice rouge ».
- 2012 : arrestation de Paul Watson à Francfort, puis évasion. Il partira par la suite vivre aux Etats-Unis, puis en France, suite à un putsch avec Sea Shepherd Global.
- Novembre 2023 : sur le site internet d’Interpol, la notice rouge a disparu. « Au même moment, le Japon tue des baleines dans le Pacifique nord. Un affront pour Paul, qui décide de se rendre sur place pour les en empêcher » explique la présidente de Sea Shepherd France.
- 21 juillet 2024 : arrestation de Paul Watson au Groenland par 14 policiers fédéraux du Danemark arrivent, le menottent et l’emmènent ».
Une pétition, « Nous, citoyen(ne)s français(e)s, souhaitons que Paul Watson devienne l’un des nôtres » a été lancée le 29 octobre. Rappelons que dans l’attente de la décision judiciaire sur la demande d’extradition du Japon, le fondateur de Sea Shepherd doit rester emprisonné jusqu’au 13 novembre.
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