Eben Weiss, contributeur régulier d’Outside et passionné de vélo, livre un plaidoyer – à la bonne foi aléatoire – pour que nous décollions enfin l’étiquette écologique de nos deux roues.
Et si l’on arrêtait de vendre les vélos sur le seul critère écologique ? On pédale parce que c’est fun, sain, bon marché et pratique. (Et parce que ça exaspère les automobilistes).
Ok, la bicyclette est l’un des moyens de transport les plus propres jamais conçus. Comme l’avait si bien souligné Steve Jobs, n’importe quel énergumène à vélo se place en « haut du podium » en termes d’efficacité locomotrice. Même le plus piètre cycliste du dimanche parvient à convertir les calories avalées en kilomètres de façon surnaturelle, touchant presque à l’alchimie. Alors que de l’autre côté du miroir, essayez de fourrer un kebab dans le réservoir d’un 4×4 et vous verrez jusqu’où ça vous mène.
Cette consécration de la petite reine comme moyen de transport écologique par excellence coïncide avec le moment où des individus en Birkenstock se sont mis à brandir à tout-va des pancartes « Sauvez la Terre ». Et depuis, même une Volvo recouverte de stickers écolo à l’effigie de Nicolas Hulot et carburant au colza ne peut rivaliser avec l’arrogance chic du vélo. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’à peu près tous les acteurs du pays – villes, fabricants, vendeurs, partisans du vélo ou toute personne ayant un intérêt direct à nous faire remuer les fesses – ont toujours tout misé sur la référence écologique de la bicyclette pour en promouvoir l’usage.
Cet accent mis sur la symbiose entre cyclisme et écologie ne m’a jamais plu. C’est pourtant incontestable – et je l’admets – mais se concentrer sur le bénéfice le moins concret du vélo me semble contre-productif. Il y a tant d’autres raisons d’en faire : c’est amusant, pas cher, sain, pratique, ça emmerde les automobilistes… Qui plus est, on en ressent rapidement les bénéfices : on réalise qu’on est en meilleure forme, qu’on économise de l’argent et que l’on profite dix fois plus de son trajet que le pauvre type assis dans la boîte à sardines qu’on vient de dépasser.
Le problème des végétariens
En outre, aussi écolo que soit le vélo, on n’en récoltera pas les fruits de sitôt : la planète sera toujours aussi mal barrée à la fin d’un trajet qu’au début. Donc, si l’on veut inciter les gens à enfourcher un vélo, il paraît plus logique de mettre en avant ses avantages immédiats. Leur suggérer d’essayer parce que c’est bon pour l’environnement me semble aussi sexy que de leur proposer de devenir végétariens.
En parlant des végétariens, un nouveau problème se profile. J’ai la sensation que les gens préfèrent abandonner la viande plutôt que de rouler à vélo. Ces dernières années, la culpabilité écologique s’est doucement déplacée des émissions nocives des pots d’échappement vers l’impact de l’élevage animal… Renoncer au filet-mignon plutôt qu’aux combustibles fossiles est en train de devenir la nouvelle tendance. Certes, les voitures polluent toujours, mais le citoyen bien intentionné a tout juste assez d’énergie pour s’engager dans une seule démarche verte à la fois. Et dans le grand duel vélo/légumes, ces derniers remportent toujours la mise, puisqu’ils permettent de continuer à arroser une pelouse assoiffée et de garder ses deux voitures. Et pour ceux qui continueraient à culpabiliser, ils peuvent toujours investir dans une Tesla.
Quel mal y a-t-il à favoriser l’arrêt de la viande au détriment du vélo ? Parce que c’est un problème de qualité de vie. Comprenez qu’en plus de cracher des gaz à effet de serre qui finiront par nous étouffer, les voitures nous tuent là maintenant, tout de suite, heure par heure. Les zones urbaines sont construites en fonction des voitures : c’est terriblement inefficace et socialement aliénant. Cette dépendance pousse à l’expansion urbaine, qui piège les habitants les moins favorisés, nourrit l’inégalité des revenus, crée une baisse de la productivité et détruit la santé des habitants. Pour résumer : la voiture rend les gens malheureux. Donc même si l’entière population de la Terre devenait végétarienne, même si Elon Musk, le patron de Tesla, dessinait une voiture totalement propre, fonctionnant grâce à la l’énergie générée par ses retweets et accessible aux 7,5 milliards d’humains, on ne s’en porterait toujours pas mieux.
Investissez dans un sanibroyeur
Le vélo, en revanche, a un faible impact sur l’environnement, ne prend pas beaucoup de place et, quand utilisé régulièrement, incite naturellement à faire d’autres gestes pour la planète. Pourquoi s’encombrer de sacs plastique quand on a un panier ? Une fois à bicyclette, bye bye Big Mac. McDonalds détruit la planète et ses produits font péter. Vous ne votez plus pour des politiques avec des programmes dangereux pour notre monde, parce que rouler rend plus en forme et plus heureux. La Terre est différente selon qu’on la regarde d’un guidon ou d’un pare-brise.
Ces dernières années, des voix se sont élevées pour tenter de discréditer le vélo. A cela je réponds : laissons-les dire. Passez cinq minutes dans le parking d’un centre commercial et dites-moi que les voitures rendent le monde meilleur ; baladez-vous ensuite à vélo et affirmez-moi le contraire. Bien sûr, il y a un certain plaisir viscéral à posséder une voiture… Mais si vous voulez quelque chose à astiquer une fois par semaine et qui vrombit quand vous appuyez sur un bouton, je vous je recommande d’investir dans un WC sanibroyeur.
Promouvoir le vélo parce que c’est bon pour l’environnement, c’est un peu comme pousser à fumer de l’herbe sous prétexte que ce serait moins nocif pour la santé que le tabac. A la marge, cela aide à la mise en place de politiques publiques, mais l’impact est minimal sur le citoyen lambda. Finalement, peut-être devrait-on embrayer sur cette idée que le vélo est mauvais pour l’environnement et en faire un argument de vente ! Après tout, ça a plutôt bien marché pour l’industrie automobile…
Photo d'en-tête : Taj Mihelich- Thèmes :
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