Ils sont alpinistes, traileurs, grimpeurs, nageurs… et nous ont particulièrement marqués en 2022, que ce soit pour leur parcours de vie édifiant, leur passion communicative ou leurs exploits. Flashback sur une année riche en aventures et en performances.
Kilian Jornet, un retour XXL
Sur tous les fronts et en grande largeur, kilian ! A 35 ans, l’ultra runner, père de deux enfants avec sa compagne, l’athlète suédoise Emelie Forsberg, a fait le grand saut cette année en quittant son sponsor historique, Salomon, pour lancer sa propre marque de chaussures et de vêtements de trail-running, NNormal. Après quelques années où il ne s’était aligné que sur des courses courtes, on l’a enfin revu en 2022 sur plusieurs 100 miles : A commencé par une victoire au Tjörnarparen Trail Ultra, avant l’enchaînement d’un doublé audacieux : la Hardrock 100 et l’UTMB, avec à la clé deux nouveaux records sur ces deux épreuves. Autour du Mont Blanc cet été, l’ultra terrestre est venu à bout des 170 km et 10 000 m de dénivelé en cassant tout simplement la barre des 20 heures… que convoitait son compatriote Pau Capell.
Anne-Lise Rousset, la révélation trail de l’année
Le dernier record féminin sur le GR 20 – 170 km et 12 690 D+ – remontait à 2012 : 41h22, par Émilie Lecomte. Dix ans plus tard, Anne-Lise Rousset est venue, le 14 juin 2022, mettre la barre à 35:50:40. Une performance magistrale sur le sentier le plus redoutable d’Europe réalisé par cette jeune maman d’un petit Faustin alors âgé de 11 mois seulement. Puis, celle qui se dit « pas compétitrice dans l’âme », a tout de même fait un détour quelques semaines plus tard par La Réunion et sa redoutable Diagonale des Fous. Bien lui en prit. Elle y a décroché une superbe 2e place, derrière l’Américaine Courtney Dauwalter. Une très belle performance due à un travail acharné aux côtés de son époux, Adrien Séguret, son entraîneur depuis 2014, en qui elle a une confiance aveugle.
Nienke Brinkman, l’extraterrestre
Le 10 avril dernier. Nienke Brinkman était la deuxième femme à franchir la ligne du marathon de Rotterdam. Terminant en 2:22:51, seulement 51 secondes derrière l’Éthiopienne Haven Hailu, la Néerlandaise battait au passage le record féminin de son pays d’une minute. Longtemps restée anonyme, elle s’était notamment illustrée l’an passé, en 2021, sur la Sierre-Zinal, l’une des épreuves les plus exigeantes au monde, 31 km pour 2 200 m de dénivelé positif. Résultat ? Encore une très belle 2e place, seulement 3 minutes derrière la machine suisse Maude Mathys. Surnommée « l’extraterrestre de l’année » en 2021, la Néerlandaise de 28 ans continue donc sa percée… trois ans seulement après avoir commencé la course à pied et témoigne d’une polyvalence incroyable, soulignée notamment par Kilian Jornet.
Courtney Dauwalter, celle qui fait trembler les trailers
Incroyable Courtney ! Après sa victoire sur la Hardrock 100, l’un des ultras les plus sauvages au monde (160 km à travers les montagnes du Colorado, 10 073 m de D+, le tout à une altitude moyenne de plus 3352 m), en juillet dernier, l’Américaine, déjà dotée d’un palmarès exceptionnel (victoire sur la Tahoe 200 Mile et un superbe doublé sur l’UTMB), est venue confirmer en novembre son talent sur la Diagonale des Fous, l’un des ultras les plus relevés au monde. Un terrain qu’elle ne connaissait pas, mais nul ne doutait qu’elle pouvait y tirer son épingle du jeu. Résultat ? 1e féminine…. et 4e au général ! Du jamais vu. Elle devenait ainsi la première femme à remporter les quatre courses majeures du circuit mondial. Chez les hommes, seul Kilian Jornet a réussi cet exploit.
Kristin Harila, la femme qui a tenté de dépasser le record de Nims Dai
Aller chercher le héros de « Mission possible », l’alpiniste qui a bouclé, en 2019, les 14 sommets de plus de 8000 mètres en six mois et six jours, sur son terrain, était-il vraiment possible ? On en doutait. C’est pourtant le challenge que s’était fixé Kristin Harila, 36 ans, ex skieuse de fond pro, gardienne de prison, chauffeur et maintenant alpiniste. « J’ai connu des décès dans ma famille proche et dans ces moments-là, on est comme brutalement rappelé à la réalité : le temps dont nous disposons est limité. Il est donc important de consacrer du temps aux choses qui vous passionnent et que vous voulez vraiment faire », expliquait-elle au lancement du projet, en mai 2022. Hélas, après douze sommets gravis, la Norvégienne annonçait, fin octobre, mettre un terme à la course aux 14×8000. La raison ? L’impossible obtention de l’autorisation de la Chine pour gravir le versant tibétain du Cho Oyu (8188 m) et le Shishapangma (8027 m), les deux derniers sommets de plus de 8000 qui manquaient à sa liste.
Charles Dubouloz, le virtuose des cimes
S’il s’est déjà fait remarquer dans le monde de l’alpinisme en 2021, avec l’ascension d’une nouvelle voie sur le Chamlang (7 319 m) au Népal, aux côtés de Benjamin Védrines, Charles Dubouloz a largement été médiatisé à nouveau début 2022 suite à son ascension de la face Nord des Grandes Jorasses, via la voie « Rolling Stones », en solitaire et en hivernale. « Ca représentait pour moi l’aboutissement de toutes mes années de pratique » nous confiait-il alors. « Tu vas tout seul au pied de la face et tu te rends compte que tu vas y passer une semaine… Entre l’imaginer et faire le pas pour y aller, pour moi, il y avait quand-même un énorme gap. J’étais tellement motivé pour aller vivre cette aventure que je me suis dit : Vas vivre ton truc à 200% ». Infatigable, fin juillet, il mêlait vitesse, légèreté et improvisation à la découverte des sommets du massif des Ecrins (Râteau, Meije, Pavé, Grande Ruine, Barre des Écrins, face Nord d’Ailefroide, Bans, Rouies, Olan, Dibona). Un périple de treize jours également très remarqué.
Beñat Marmissolle, le très discret mais redoutable vainqueur de la Diagonale des Fous
Nouvelle pépite récemment repérée par ASICS, Beñat Marmissolle a définitivement confirmé son talent en 2022. Cette année, il a notamment trusté le haut du podium au Black Mountain Trail en juin, à la Restonica et sur la 6000 D en juillet, avant d’enchaîner sur l’UTMB quelques semaines plus tard où il s’est imposé à la 6e place au scratch, premier dans la catégorie des 40-44, à 24 secondes de l’icône américaine de l’ultra, Zach Miller. Athlète discret mais redoutable, cet habitué des podiums du skyrunning a fini l’année en beauté à La Réunion, à l’issue d’un « duel », passionnant avec Jean-Philippe Tschumi. Une course qui restera longtemps dans la mémoire du Basque, comme il nous l’expliquait au cours de l’interview accordée au lendemain de sa course.
Seb Bouin, DNA, certainement le 2e 9c de l’histoire de la grimpe
C’est l’un des meilleurs falaisistes de l’histoire de l’escalade. Et cette année, il a été inarrêtable ! A son palmarès : Nordic Marathon, un 9b/+ de 130 mètres traversant la grotte de Flatanger, en Norvège, Jumbo Love, le premier 9b des Etats-Unis ou encore DNA, une voie située dans le Verdon. Bien qu’il n’ait pas encore fermement statué entre 9b+ et 9c, tous les arguments semblent pencher en faveur d’un 9c. « Je voulais un autre challenge, quelque chose d’encore plus dur » expliquait-il. « Je me suis dit qu’il me fallait une voie vraiment au-dessus de mon niveau pour que je puisse me dépasser. Une ligne qui me motive à y retourner encore et encore, quelque chose de beau, d’impressionnant, dans un endroit somptueux », nous racontait-il alors.
Mikhaïl Fomine, l’homme qui a vaincu l’un des « derniers grands problèmes de l’Hiimalaya »
L’Ukrainien avait déjà reçu un Piolet d’or en 2016 pour son ascension du pilier nord-nord-ouest et cinquième ascension du Talung (7 348 m) à la frontière indo-népalaise. Voilà que cette année le jury qui a décerné un prix spécial pour son ascension réalisée le 6 novembre 2021 en compagnie de Nikita Balabanov et Vyacheslav Polezhayko. Rien moins que l’un des « derniers grand problèmes » de l’Himalaya qui résistait depuis quarante ans à toutes les tentatives. A savoir l’arête sud-est de l’Annapurna III (7 555 m) par la voie « Patience » (2 950 m, 6a A3 M6 80° en glace et 90° en neige), désormais vaincue. De quoi générer aussi un premier livre un peu inattendu, « Patience », le récit de l’exploit qui lui vaut tant d’honneurs.
Steve Stievenard, le palmarès du « phoque » s’allonge
Surnommé « le phoque » par ses amis anglais, Steve Stievenart vit au rythme des marées. Nageur de l’extrême et farouche défenseur des océans, le Français enchaîne les exploits. Fin août 2022, il traversait le lac Tahoe avant d’ajouter à son palmarès, fin septembre, la traversée du lac Memphremagog, à la frontière entre le Canada et les Etats-Unis. Une première tricolore, et une nouvelle étape de bouclée pour Steve : la prestigieuse Triple Couronne des Lacs des Monstres (Loch Ness, Tahoe, Memphremagog).
Sasha DiGiulian, Matilda Söderlund et Brette Harrington enchaînent “Rayu”, la grande voie la plus dure réalisée par une cordée féminine
C’est à « Rayu » (610 m, 8c), situé dans le Parc National des Pics d’Europe, en Espagne, le chef d’oeuvre des frères Pou, illustres grimpeurs espagnols que ce trio 100% féminin s’est attaqué en septembre. Une ascension historique qui s’ajoute au palmarès déjà bien rempli des trois compères, adeptes des voies les plus dures du monde – de la première féminine de la face nord de l’Eiger au premier 9a réalisé par une Américaine (une voie aujourd’hui décôtée à 8c+) pour Sasha en passant par le solo intégral des 750 mètres de « Chiaro di Luna », en Patagonie, pour Brette.
Hilaree Nelson, grande dame de l’alpinisme, tragiquement disparue sur les pentes du Manaslu
Disparue alors qu’elle entamait la descente à ski de la face sud du Manaslu (8163 m) avec son compagnon Jim Morrison, fin septembre, Hilaree Nelson, capitaine de la Global athlete team The North Face, âgée de 49 ans, était célèbre pour ses premières à très haute altitude dont la descente à ski du Lhotse (8516 m) en 2021, une première. Elle s’apprêtait à marquer l’histoire à nouveau, en skiant le Manaslu, un exploit déjà réalisé 2011 par l’alpiniste américain Adrian Ballinger.
Andy Symonds, l’athlète engagé de l’année
Au mois de novembre cette année, les championnats du monde de trail se sont déroulés à Chiang Mai en Thailande en l’absence d’Andy Symonds, victorieux sur le Lavaredo Ultra-Trail en 2016, le trail du Ventoux en 2013 ou encore les Templiers en 2011 sans parler d’une très belle 5e place à l’UTMB en 2019. Plus tôt dans la saison, l’athlète britannique avait fait ses calculs : pour la seule année 2022 son bilan carbone explosait les compteurs. Quand il est recommandé de se limiter à 2 tonnes par personne et par an, lui était bien au-delà pour la seule année 2022 : « Environ 6,3 tonnes équivalent C02. Ce qui est déjà trop. » expliquait-t-il. Un geste exemplaire qui devait être salué.
Casquette Verte, l’autodidacte parisien poursuit son ascension
Victoire sur la LyonSaintéLyon, la troisième consécutive, sur l’Ultra 01, 18e sur l’UTMB cette année… l’ultra-trailer Alexandre Boucheix, alias Casquette Verte, enchaîne les performances, tout en menant une double vie, passant souvent du costume cravate au short de trail, des escaliers de Montmartre aux sentiers montagnards. « Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul » nous résumait dans une longue interview cet autodidacte, adepte aussi bien de l’enchaînement de kilomètres que des fêtes parisiennes.
Marion Poitevin, l’alpinisme au féminin
Cheffe équipe secours CRS montagne, guide haute montagne, présidente du club ‘Lead the Climb’, et maintenant auteure, à 37 ans, Marion Poitevin multiplie les casquettes. Un parcours inspirant qu’elle raconte dans son autobiographie, « Briser le plafond de verre », parue en septembre. De quoi en apprendre davantage sur le parcours de cette femme exceptionnelle ayant su répondre avec brio à l’appel des montagnes. L’alpinisme, « ça m’a permis de faire face à tout ce qu’on nous dit, que les femmes sont des êtres faibles et fragiles » nous confiait-elle.
Loïc Bruni, quintuple champion du monde de VTT
À l’issue d’une finale folle aux Gets, en France, cet été, le tricolore Loïc Brunia décrochait un cinquième titre mondial. Avec cette nouvelle consécration, il est devenu le deuxième plus grand vainqueur des championnats du monde, derrière le Français Nicolas Vouilloz (sept victoires à son actif). À noter qu’avant ce triomphe à domicile, Loïc était à égalité avec le Sud-Africain Greg Minnaar.
Mark Kangogo, impressionnant… mais dopé
Son arrivée sur le circuit trail cette année avaient marqué les esprits, notamment avec sa victoire en août dernier sur Sierre Zinal, l’une des épreuves les plus attendues du calendrier Golden Trail Series, la plus ancienne course de trail-running et la plus rapide du circuit où on avait vu Kilian Jornet échouer à une 5e place. On savait les Kényans très forts, pour autant, jamais un coureur africain n’avait réussi à remporter une manche de la GTWS. Les athlètes africains n’étaient-ils pas en train de bouleverser le monde du trail, nous étions-nous demandés alors, avant d’apprendre, quelques mois plus tard, la suspension de l’athlète pour dopage. Triste chute.
Josh Perry, nouveau record sur le Pacific Crest Trail
C’est certainement l’un des athlètes les plus étonnants dans le monde du trekking. Dimanche 7 août, Josh Perry, randonneur britannique de 27 ans « sans adresse fixe » venait à bout de la traversée du Pacific Crest Trail. Parti de la frontière américaine avec le Mexique, il a rejoint le Canada en 55 jours, 16 heures et 54 minutes. Un temps stupéfiant, de quoi faire tomber de près de dix jours le record masculin détenu depuis 2009 par Scott Williamson. Mieux, il a également réduit de cinq jours le record général établi par Heather « Anish » Anderson en 2013. Record que depuis près d’une décennie nombre de marcheurs ont tenté de battre.
Markus Eder, un Emmy Award pour dix minutes de pure adrénaline
« Tous les aspects du freeski m’ont toujours fasciné », nous expliquait Markus Eder, 30 ans. On veut bien le croire. Il suffit de le suivre depuis les hauteurs de Zermatt, où débute le film “The Ultimate Run” récompensé cette année aux 74e Emmy Awards. Un prix saluant l’incroyable performance artistique et technique du réalisateur Christoph Thoresen, cinéaste et ancien snowboarder professionnel qui a réussi à capter toute la beauté du run du skieur, un étourdissant enchaînement de slalom entre des blocs de glace de la taille d’un bus, sauts de falaises de glace ou encore plongée dans de la poudreuse fraîche et session entre potes au snowpark local. Six années de ski de rêve condensées en dix minutes de pure joie et d’adrénaline. Incontournable.
Marcel Rémy, à 99 ans, il était le plus vieux grimpeur au monde en activité
Inépuisable source d’inspiration, Marcel Rémy, alpiniste suisse originaire de Gruyère et père des célèbres alpinistes et grimpeurs Yves et Claude Rémy, disparaissait en juillet dernier. Paisiblement et dans son sommeil. Longtemps il fut le plus vieux grimpeur encore en activité au monde, et jusqu’à ses derniers jours. Une vie autour de la montagne que son sponsor, Millet, a retracée six mois plus tard dans un documentaire. L’occasion de revenir sur un destin tout sauf évident. « On était habitué à faire le maximum avec le minimum (de temps et de moyens) « se souvient son fils. Une philosophie qui le suivit toute sa vie et le conduisit à gravir quelques belles falaises jusqu’à un âge exceptionnel.
Photo d'en-tête : Outside