Christophe Henry aka « Tof » était pour beaucoup un grand frère, un partenaire de glisse presque impossible à suivre. Avec son style bien particulier, le rider professionnel chamoniard n’a cessé d’inspirer les jeunes talents. Son décès à 39 ans sur les pentes du volcan chilien Puntiagudo (2493 m) le 11 octobre a endeuillé tous les passionnés. La plupart étaient réunis hier, mardi 24 octobre à Chamonix, pour lui rendre un vibrant hommage.
Rapatrié depuis le Chili, le corps de « Tof » a été transporté au Majestic, l’ancien palace de Chamonix, où ses proches ont pu lui dire au revoir mardi 24 octobre, dès 9 heures. Par la suite, à la mi-journée, sa crémation s’est déroulée dans l’intimité familiale. De leur côté, les Chamoniards ont continué de célébrer le skieur à partir de 15 heures au bar-restaurant La Chambre Neuf, place de la Gare, jusque tard dans la soirée. Sur place, un écran leur a permis de partager les plus beaux souvenirs numériques capturés en compagnie de « Tof », dont ceux de sa dernière expédition qui lui fut fatale.
Cet automne, « Tof » avait convaincu le jeune vidéaste franco-chilien, Mathurin Vauthier, de l’accompagner au Chili pour réaliser un film. Une fois sur place, le 11 octobre, le duo s’est vu proposer une descente dans la face nord-ouest du Puntiagudo (2493 m), l’un des plus beaux volcans de la région, en compagnie de la légende locale, le skieur Juan Señoret.
La pente était exposée, la neige difficile à skier. Vers 8 heures du matin, « Tof » et Juan descendaient ensemble une pente de 50 degrés, raconte, sur Instagram, Mathurin Vauthier, positionné sur une crête voisine pour capturer la descente avec un drone. Juste avant de s’arrêter au-dessus d’une courte descente, Juan est tombé au-dessus de « Tof » – son « sluff » (neige qu’un skieur fait couler lors d’un virage dans une pente raide) entraînant le Français de 39 ans. Les deux skieurs ont alors glissé sur 200 mètres avant de tomber d’une falaise de 150 mètres et de mourir peu après l’impact. « J’ai mis mes skis et me suis dirigé vers le premier corps arrêté. C‘était ‘Tof’. Il était inconscient et respirait une fois sur deux. Il s’est battu comme il pouvait pour l’amour de Jules [son fils, ndlr]. Il s’est éteint dans mes bras, une larme coulait sur sa joue », poursuit le jeune vidéaste.
Un style rapide et audacieux
Né à Chamonix, « Tof » a grandi sur les skis qu’il a mis aux pieds pour la première fois à deux ans. Treize ans plus tard, en pleine adolescence, il a pratiqué le freeride aux côtés d’Aurélien Ducroz, futur double champion du monde de freeride. Par la suite, le jeune « Tof » a progressé rapidement et, à l’âge de 18 ans, a commencé à skier avec Pierfrancesco « Pif » Diliberto, un Italien pratiquant le monoski. Peu de temps après, le skieur va redéfinir le style du ski de pente raide, délaissant les virages classiques pour venir tracer des lignes droites de 50 degrés dans des conditions d’enneigement variables et dessiner de larges virages. Le tout était visible depuis la vallée de Chamonix. « Tof » a ensuite été soutenu par d’autres mentors comme Nathan Wallace, un skieur-alpiniste américain qui a élu domicile à Chamonix pendant plus de deux décennies.
Tout en continuant à redéfinir les limites de ce qui était possible dans les Alpes, « Tof » a laissé sa trace dans l’héritage multigénérationnel de l’alpinisme chamoniard, ouvrant de nouvelles lignes et en skiant des classiques, toujours avec son style rapide et audacieux.
Plus récemment, son fils Jules, aujourd’hui âgé de 10 ans, avait pris une grande importance pour le skieur. « Ces dernières années, la connexion qu’il avait avec Jules étaient très profonde », explique Daniel Rönnbäck, le réalisateur qui a tourné et réalisé le film sur « Tof », « Born in Chamonix » (à voir ci-dessous). « Tof parlait davantage de ce que faisait Jules que de ce qu’il accomplissait lui-même ».
« Il ridait chaque descente comme si c’était la dernière ».
À l’annonce du décès du skieur, il y a une dizaine de jours, les hommages se sont multipliés sur les réseaux sociaux et ailleurs. Nombre d’entre eux font référence à son ski novateur. Certains ont rappelé la puissante alchimie qu’ils ont ressentie en skiant avec lui. Tous ont mentionné son indéfectible sourire.
« Même les personnes qui n’ont rencontré ‘Tof’ qu’une seule fois dans leur vie ont été touchées par son sourire », se souvient le snowboarder Jonathan « Douds » Charlet, l’un des meilleurs amis de ‘Tof’, qui a partagé de nombreuses premières descentes avec lui, notamment sur la face nord de l’Aiguille de Triolet (3870 m) et sur la face nord de l’Arête de Rochefort (4001 m). « Il ridait chaque descente comme si c’était la dernière ».
Jonathan Charlet a récemment visionné les rushes de l’accident filmées par Mathurin Vauthier. « Les images sont incroyables. Les couleurs, la lumière, le ciel, les conditions, la neige… Je pense qu’il était au paradis » explique-t-il. « Tout près du ciel, au sommet, vous côtoyez les dieux. Je pense que c’était un moment vraiment parfait, peut-être le meilleur de sa vie. Je suis heureux qu’il ait pu vivre ça avant de mourir. C’est extraordinaire ». De son côté, le photographe Arthur Ghilini, qui le suit depuis plus de trente ans, a noté qu’on était venu du monde entier pour assister aux funérailles du skieur. « En vivant dans cette petite vallée où l’on skie des choses folles, on ne se rend pas toujours compte de l’impact que l’on a sur le reste du monde » explique-t-il. « Jusqu’à ce que de gens viennent ici pour rendre hommage à ‘Tof’ ».
Pour ceux qui voudraient rendre hommage à « Tof », rendez-vous sur la page commémorative dédiée.
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