Neige 100 % artificielle, épreuves de ski au milieu d’une réserve naturelle partiellement déboisée pour l’occasion… En matière d’environnement, Pékin, première ville à organiser des Jeux d’été et d’hiver, fait face à plusieurs zones d’ombre, et ce, en dépit des affirmations du gouvernement chinois.
Nouvelles infrastructures, transports, confection des médailles, publicité… Guère de compétitions n’ont de pire bilan carbone que les Jeux Olympiques. Et plus encore l’hiver, lorsque le faible taux d’enneigement oblige les organisateurs à recourir à de la neige artificielle. Pourtant, le Comité International Olympique (CIO) affirme depuis quelques années un objectif clair : des Jeux au bilan carbone négatif d’ici 2030.
Désormais, l’argument écologique est donc non négligeable dans toute candidature pour devenir le pays d’accueil des prochaines olympiades. Sans rire, Pékin avait ainsi promis d’offrir « les Jeux Olympiques les plus verts et les plus propres jamais organisés », les « premiers Jeux neutres en carbone », utilisant 100% d’énergie renouvelable, d’après les organisateurs. Mais comment cette ville non montagneuse, où se sont déroulés les JO d’été 2008, pouvait-elle également accueillir des Jeux d’hiver en cochant toutes les cases côté environnement ? À vrai dire, la question ne s’est presque pas posée quand on sait que pour l’édition 2022, seuls deux prétendants avaient postulé : Pékin et Almalty, au Kazakhstan. Prudentes, ou plutôt bien avisées, une succession de villes européennes, dont Cracovie, Oslo et Stockholm, s’étaient en effet rétractées en raison du faible soutien de leurs habitants et des coûts d’organisation considérables.
Concrètement, qu’a mis en place la Chine ?
Où se déroulent les épreuves ?
Cette année, toutes les épreuves ne se passent pas à Pékin – certains sports auront lieu à environ 90 km du centre-ville, à Yanqing, tandis que d’autres, tels que le biathlon, se tiendront à Zhangjiakou, à 180 km plus au nord de la capitale, ce qui conduira les athlètes à parcourir d’importantes distances. Un choix dont la dimension écologique laisse à désirer, même si le gouvernement chinois atteste que 85% des véhicules utilisés pour ces JO rouleront soit à l’électricité soit à l’hydrogène.
Et, tous les moyens étant bons pour convertir plus 300 millions de Chinois aux sports d’hiver de nombreux sites olympiques alternatifs ont vu le jour : des hauts fourneaux sont devenus des centres d’entraînement et une tour de stockage de minerai de fer, siège du comité d’organisation.
Avec quelle énergie ?
Dépendant encore aux 2/3 du charbon pour sa production d’électricité, la Chine entend tout de même jouer les bons élèves en remplaçant les poêles à charbon par des systèmes de chauffages au gaz et en divisant la production des usines par deux, à Pékin et dans les régions environnantes. Bonne nouvelle, l’air sera respirable pour les athlètes… même si le reste du pays absorbe toujours une quantité non négligeable de particules fines.
Entre système de refroidissement innovant sur les sites des sports de glace, forêts d’éoliennes, panneaux solaires et plantation de plus 80 000 hectares de végétation pour compenser les émissions carbone, l’Empire du Milieu s’est engagé à réduire l’empreinte environnementale de ces Jeux. D’après le gouvernement, ces mesures permettraient d’éviter 12,9 millions de tonnes d’émissions de CO2 par an. On en oublierait presque que la Chine est le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre.
Avec quelle neige ?
Au programme de ces JO, on parle également de recours exclusif à la neige artificielle. Mais les Jeux de Pékin ne sont pas les seuls Jeux d’hiver dont l’impact environnemental est mis en cause. Souvenez-vous, à Vancouver, en 2010, aucune neige sur le site des épreuves freestyle et snowboard. La solution des organisateurs : se faire livrer de l’or blanc par hélicoptère ! Sinon, à Sotchi en 2014, on créait une station de ski en plein milieu d’un parc national et plus récemment, à Pyeongchang, en 2018, on rasait 80 hectares de forêt primaire coréenne, soit environ 60 000 arbres, pour construire des pistes.
Et surtout avec quelle eau ?
Nul besoin d’être expert en la matière pour attester de l’aberration environnementale de ces Jeux… Il suffit de voir les images aériennes de Yanqing, à seulement 1 500 km du désert de Gobi, une région connue pour sa sécheresse hivernale. Au milieu de cette ambiance désertique serpente un ruban blanc – les pistes de ski alpin des Jeux Olympiques dépendant à 100% de la neige artificielle. Une première dans l’histoire des JO ! Au programme : 200 canons à neige et plus de 222,8 millions de litres d’eau utilisés. Pas vraiment un débat pour certains, qui rappellent qu’en 2017, 29% des pistes de ski françaises étaient équipées en neige de culture.
Pourtant, cette situation met davantage de pression sur les ressources en eau du pays. « Pékin ne compte déjà que 300 m3 par an et par habitant, soit moins du tiers de l’approvisionnement recommandé par l’ONU » précise France Bleu. En réponse à ces préoccupations, la Chine insiste : les Jeux Olympiques représentent moins de 2% de l’approvisionnement local en eau, rassurant au passage sur l’utilisation à neige, qui d’après le gouvernement, nécessiterait moins de 20% d’énergie que ceux employés lors des Jeux précédents.
Et la biodiversité dans tout ça ?
« On va déranger l’écosystème, car il manquait une grande partie des infrastructures », explique Martin Müller, de l’institut de géographie et durabilité de l’université de Lausanne. Pékin a donc construit des pistes de ski en pleine réserve naturelle, à Yanqing, misant sur le déplacement des arbres de la forêt – 90% des arbres ont survécu au déménagement affirme le Comité olympique. Mais les experts alertent sur l’augmentation considérable du risque d’érosion dans la zone désormais vierge, avec pour conséquences des glissements de terrain et des eaux davantage polluées. L’autre problème concernant la survie de l’écosystème autour de Yanqing « ce lieu d’accueil d’une très grande biodiversité dont de nombreuses espèces protégées a perdu environ 25% de sa surface » déplore Carmen de Jong, professeur à l’Université de Strasbourg.
Photo d'en-tête : Season Yu