3650 mètres de dénivelé, 7,5 km de distance horizontale, 3 minutes et 5 secondes… Les Soul Flyers – Fred Fugen, Vincent Cotte et Aurélien Chatard – ont réalisé début novembre, le vol de relief le plus long de l’histoire en wingsuit. Une ligne incroyable et des images magnifiques, un tournage exceptionnel dont Fred Fugen nous dévoile tous les détails.
Les Soul Flyers ne cessent de repousser les limites du wingsuit. En témoignent leurs vols au-dessus du Taj Mahal en Inde, très proches (à moins de 5 mètres) des pyramides égyptiennes ou, tout récemment, dans la vallée du Mont Blanc. Un saut au-dessus du toit de l’Europe Occidentale de 3 minutes et 5 secondes survolant glaciers, crevasses, séracs et falaise. Un vol de relief (près d’une montagne) impressionnant, le plus long jamais réalisé en wingsuit.
« Ce qui m’a vraiment motivé, c’est d’attaquer le sommet du mont Blanc en wingsuit, je l’avais jamais fait » souligne Fred Fugen, qui en 2014, avec Vince Reffet (disparu en 2020) avait sauté à 10 000 mètres au-dessus du plus haut sommet des Alpes et réalisé des figures aériennes en BASE-jump. « On a bien étudié les cartes, les trajectoires. C’était magique, de passer aussi près du sommet avec de la vitesse, puis la trajectoire, les deux premières minutes de vol sont au-dessus de la neige et des glaciers… C’est un truc absolument extraordinaire, dans un décor de fou ».
« En l’air, on fait tout à la sensation, à la lecture du terrain «
La clef du succès d’un vol à 180 km/h de moyenne ? Une préparation millimétrée, raconte Fred Fugen, interviewé aujourd’hui, à la veille de son départ pour l’Egypte où l’attend un autre tournage.
Comment se prépare-t-on pour un tel vol ?
D’abord, on commence par étudier, à l’aide de cartes, la topographie des lieux. De là, on va anticiper les trajectoires et les performances de vol dont on va avoir besoin. C’est-à-dire qu’entre les différences d’altitude et les distances horizontales, on va faire un calcul assez simple afin de savoir à quelle finesse (le rapport d’altitude vertical sur la distance horizontale) on va devoir voler. Sur un vol aussi long que ça, on avait déterminé différentes portions. On savait par exemple que sur les 500 premiers mètres, on allait devoir pas mal planer. Et après, que l’on aurait un petit peu de marge vers le bas, etc. Selon les portions, on arrive à anticiper.
À savoir que lorsqu’on est en l’air, on n’a pas d’instruments, contrairement à un pilote d’avion. Donc on fait tout à la sensation et la lecture du terrain. C’est vraiment l’expérience qui nous permet d’analyser le terrain sur le moment – ce que l’on voit, la pression de l’air sur nos corps, la pression de l’air dans la wingsuit… C’est grâce à ça que l’on arrive à se déplacer et à anticiper nos trajectoires.
Quelles difficultés aviez-vous anticipées ?
Les 500 premiers mètres étaient les plus engagés. Il nous a fallu faire un travail de précision avec le pilote d’hélicoptère, qui nous a largués, pour vraiment être au bon endroit, au bon moment, avec la bonne vitesse, la bonne trajectoire, pour passer le sommet du Mont Blanc. Ca, c’était vraiment très important, afin que nous puissions emmagasiner assez de vitesse et d’énergie pour adapter notre trajectoire sur le début du vol qui n’était pas très raide.
Aussi, ce qui était important pour nous, c’était de faire ce vol en équipe, en formation. On s’entraîne pour ça tout au long de l’année. On utilise des radios, des Cardo,un système de communication qui nous permet d’échanger, de communiquer tout au long du vol. C’est pour ça que sur cette vidéo-là, on a choisi de mettre en avant les voix. On voulait que les gens se rendent compte des indications que l’on se donne entre nous. C’est seulement grâce à ça que l’on peut garder des trajectoires synchronisées, ce qui nous permet de voler ensemble de manière très précise, à cette vitesse-là, pendant l’intégralité d’un vol qui se déroule dans un univers hyper beau mais totalement hostile.
Quelles sont les meilleures conditions pour ce type de projet ?
Déjà, il nous était impossible de le faire en juillet/août parce qu’il y avait trop de traffic dans le massif du Mont-Blanc, notamment avec les hélicoptères qui faisaient du sauvetage. Et puis, obtenir les autorisations, ça prend du temps. On a eu une green light à partir de mi-septembre. À partir de là, on a fait deux/trois vols d’essai pour vraiment se caler sur la ligne. Mais sans avoir la bonne lumière, le ciel était un petit peu voilé. Finalement, on a attendu d’avoir de meilleures conditions météo. Enfin, il ne faut pas de vent en altitude pour pouvoir s’élancer sereinement – on saute quand-même à 500 mètres au-dessus du sommet, entre 5300 et 5400 mètres d’altitude.
Pourquoi avoir choisi le massif du Mont-Blanc ?
Déjà quand tu es français, le Mont Blanc, c’est quand-même mythique, c’est le « toit de l’Europe ». En plus de ça, j’habite à Chamonix, je le vois tous les jours. J’avais déjà eu l’occasion de faire des vols au-dessus du Mont Blanc, en 2014, avec mon coéquipier Vince, on avait sauté à 10 000 mètres d’altitude et descendu le côté italien, avec les parachutes ouverts. Mais j’avais toujours eu ce rêve d’attaquer le sommet en wingsuit, et de descendre la face nord pour arriver dans la vallée de Chamonix. Ca fait longtemps que j’y pensais et finalement, on a réussi à obtenir les autorisations pour faire ces vols. Tu ne peux pas faire mieux en Europe.
Quels sont vos futurs projets ?
Demain matin, on part en Egypte, refaire des vols pour faire des images. Sinon, en hiver, on a prévu un projet de wingsuit et de speed-riding, toujours dans les Alpes, on a attend la neige avec impatience.
Article publié le 3 novembre 2022 à 12h40, mis à jour le 3 novembre 2022 à 16h30
Photo d'en-tête : Soul Flyers