Cette course, le Français s’y prépare depuis des mois. Il est vrai qu’il a beau se frotter pour la première fois à la mythique WS100 organisée en Californie, il fait déjà partie des favoris, malgré un plateau très relevé pour cette 50e édition. A 48 heures du top départ, donné demain, samedi 24 juin, 5 heures du matin – 14 heures en France – il s’accorde une pause interview, en traileur aussi rodé à cet exercice qu’aux dénivelés. Salomon, son sponsor, l’a d’ailleurs bien compris et vient tout juste de sortir un film de 28 minutes, retraçant le parcours qui l’a conduit jusqu’aux portes de l’Amérique où il compte bien se faire un nom.
Quel est ton état d’esprit pour ta première WS100 ?
« Plutôt serein, malgré un début de saison intense et un emploi du temps toujours aussi rempli entre compétitions tous azimuts et sorties de livres ou de films. Je suis arrivé sur place le 25 mai. Presque trois semaines maintenant. Je me suis installé dans un premier temps du côté d’Auburn, dans la vallée, lieu de l’arrivée, région plutôt chaude, puis ces derniers quinze jours, dans les montagnes (Alpine Meadow, ndlr ) pour travailler mon acclimatation à l’altitude. En 2018, sur l’UTMB, j’en avais souffert, car je ne m’y étais pas suffisamment préparé. Maintenant je sais que je dois m’acclimater, d’autant que j’ai fait des tests d’hypoxie et les résultats n’étaient pas terribles. Dernièrement, j’ai gravi le Kilimanjaro, ça s’est bien passé. La majorité des coureurs US présents sur la WS100 sont habitués c’est vrai à la chaleur et à l’altitude, mais on sait maintenant qu’en suivant le protocole sur une dizaine de jours, cela suffit. Donc, petite sensation de fatigue mais zéro blessure, alors ça va bien.
Que signifie cet ultra pour toi ?
Elle est mythique, c’est l’un des quatre ultras les plus prestigieux au monde avec l’UTMB, la Hardrock100 et la Diagonale des fous. Et l’un des plus anciens aussi avec une histoire liée à la communauté autochtone, puis à celle des chercheurs d’or ! Et puis il y a le lieu, la Sierra Nevada. On est en plein Western spaghetti, ça me parle, moi qui suis très fan de cette culture ! Enfin, en termes de niveau, c’est l’une des courses les plus denses, en sachant qu’ici il n’y a pas de traitement de faveur. Elite ou pas, tu dois faire des preuves pour récupérer ton Golden ticket.
Quelle est ta référence sur cette course de très haut niveau ?
Scott Jurek, bien sûr. Et puis Jim Walmsley, détenteur du record. Tous les deux ont des profils fins, longilignes, capables de courir vite sur plat. Moi je suis plus costaud, plus musculeux, plus fait pour la course en montagne. Mais je me suis beaucoup entrainé sur plat ces derniers mois entre le Marathon de Paris (35e en 2h 22mn 36s ndrl) et le Marathon des Sables (3e cette année, ndlr). Je ne compte pas pouvoir m’approcher des temps de Jim, mais je suis capable de faire vite.
Les conditions météo sont particulières cette année, ça t’arrange ?
Oui, on a un record de neige cette année ! C’est inhabituel – d’ailleurs je m’étais plutôt entraîner pour mieux gérer la chaleur – mais moi, oui, ça m’arrange. Je vis une partie de l’année au Québec et j’y suis habitué, c’est un avantage, mais au final, cela va faire perdre du temps à tout le monde.
Qui est ton pacer ?
Thibault Baronian, il devait pacer Camille Bruyas, mais elle a été opérée en juin, malheureusement. J’avais prévu de courir avec un pote et Vincent Viet ( 7e l’année dernière sur la WS100, également manager de Salomon, ndlr), mais au final, donc, ce sera Thibault. J’en suis très content, c’est un bon pacer qui a de l’humour. C’est important dans les moments durs sur un ultra. Et c’est un compétiteur, il a l’habitude des courses, il saura s’habituer à ma vitesse. D’habitude sur la WS100, les pacers se relaient tous les 20 Km. Moi je n’aurai que Thibault ( et Vincent en back up au cas où) qui entrera à partir du km 100. Pour lui aussi c’est une formidable opportunité. Jusqu’à présent il est plutôt sur du format court mais il transite vers du plus long. Cette année il sera sur l’ultra trail de Nice. La Western States a ajouté un Golden ticket sur cette course, s’il gagne ou finit deuxième, on pourrait le voir ici l’année prochaine.
Quelle sera ta principale crainte au départ samedi ?
Pas la chaleur, j’y suis habitué entre mon enfance en Guadeloupe et mon entrainement pour le marathon des Sables. Pas non plus l’altitude, comme je l’ai dit, non ce qui me fait le plus peur, c’est le niveau. Il a au moins vingt coureurs de très niveau, dont dix qui sont extraordinaires. Ca me fait peur car s’il y a bataille, il y a douleur.
Et puis il y a Courtney, elle est très affutée. Je n’aime pas la voir sur une course, car à la moindre défaillance, elle te croque ! Ce n’est jamais agréable pour un garçon bien entrainé de se faire rattraper, mais il faut être capable de l’accepter !
Quel est ton objectif principal pour cette première participation ?
Réussir à trouver la bonne intensité, car la ligne est très fine sur un ultra : il faut être dans un confort relatif, il faut trouver la bonne intensité. Sinon on peut le payer très cher. Si j’ai une chance d’atteindre le flow ? On ne le sait jamais, tu ne peux pas le prévoir. Personne ne sait comment ça marche. C’est ce que j’ai vécu sur deux UTMB, et quand ça t’arrive, tu voles !
Du coup, on ne te verra pas sur l’UTMB cet été ?
Si, mais, on ne prend pas le départ de cette course pour faire plaisir au public. Si on y va c’est pour être hyper compétitif. Or, je ne sais pas comment je me sentirai après la Western. Je peux m’y faire très mal, et cela peut prendre plusieurs semaines pour retrouver la motivation et la forme physique. Donc réponse au cours de l’été, après le stage de reconnaissance UTMB qu’organise Salomon. Cela me permettra de prendre une décision, je verrai comment mon corps se sent. Sinon, ce pourrait être la Diagonale cet automne.
As-tu en tête une expédition cette année encore ?
Entre le GRA1 et Uapapunan, mon livre et les trois documentaires que je sors, dont celui qui retrace mon parcours jusqu’à la Western ( sorti aujourd’hui, ndlr), Un sur mon expérience en Jordanie avec frère. Et aussi un projet avec Canal + sur l’intérieur d’une course. L’équipe sera d’ailleurs sur la Western et tout l’été en backstage pour me suivre. C’est un projet qui m’occupe beaucoup. Alors je n’ai pas trop eu le temps de réfléchir à une expédition, à une hivernale. Mais oui, j’aimerais bien.
Photo d'en-tête : Salomon