Filer au vert et arpenter les sentiers sans alourdir son bilan carbone, est-ce vraiment possible pour un Bordelais, un Lyonnais ou un Parisien ? Notre journaliste a tenté l’expérience avec Helloways, la start-up qui ambitionne de rendre sexy la rando.
La dernière fois que je suis partie en randonnée, c’était dans le Queyras. A 800 kilomètres de Paris. S’y rendre en train relevait du parcours du combattant jusqu’à Saint-Vérand, dans les Alpes du Sud : huit heures de trajet et deux changements avant de voir ma première montagne. Concevable à l’aller, quand la perspective de croiser des marmottes fait oublier les heures de voyage. Accablant au retour, lorsque la seule évocation du métro en bout de ligne plombe d’un coup, d’un seul, les quelques jours de vacances. Résultat, j’ai pris la voiture, engraissé au passage pompistes et péages et plombé mon bilan carbone. Sans pour autant échapper aux trois heures d’embouteillage à l’entrée du périphérique. Depuis, mes chaussures de marche prennent la poussière au fond du placard.
Mais la semaine dernière je me suis laissée convaincre par Clément Lhommeau, cofondateur avec Nicolas Chevolot d’Helloways, de participer à une « randoshow ». Depuis un an, ce Parisien d’adoption a entrepris de réveiller le randonneur qui se terre dans chaque citadin, à commencer par les Parisiens, mais pas que. Pour les appâter, tous les moyens sont bons. Mini randos, randos photos, randos mousse avec dégustation de bières locales, plus de 150 sorties sont en ligne sur sa plateforme web permettant de télécharger des itinéraires, balades natures à portée d’un billet de train ou de RER.
« Un peu facile ! » diront les habitués des GR. Moi je dis : respect, quand on sait que si le Parisien veut bien courir à Roissy et subir douze heures de vol pour aller surfer à Malibu, il ne voit vraiment pas pourquoi il prendrait le RER et descendrait au Perray-en-Yvelines pour se décrasser les poumons. D’ailleurs il ne sait même pas où c’est, le Perray-en Yvelines
A 46 mn de Paris, un parc naturel
Il aura fallu la perspective d’une « randoshow », sortie de 28 kilomètres avec mini concert sur fond de Haute Vallée de Chevreuse, un des quatre parcs naturels régionaux d’île de France, pour me convaincre de jeter un œil sur la carte et découvrir, qu’en fait, le Perray-en-Yvelines c’était tout près de Paris, à quelques kilomètres de Rambouillet. Parmi les arguments pro randos aussi : l’apéro «offert en fin de journée», et surtout l’idée de prendre tout simplement mon vélo pour sauter dans un train et me retrouver en pleine forêt moins d’une heure plus tard.
Des arguments qui semblaient avoir aussi convaincu la trentaine de marcheurs réunis samedi dernier à 7h30 Boulevard Saint Germain. Des heureux élus apparemment. Les places étaient comptées ce jour-là. 28 étaient mises en vente pour 10€, apéro bio en fin de parcours compris. Elles sont parties en deux heures. Plus portés sur la chaussure de trail que sur le godillot old school, ces randonneurs urbains, de 25 ans – 30 ans, affichaient un air déterminé. Il est vrai que Clément visait des « marcheurs expérimentés » pour cette petite sortie – 28 km, D+ 658 mD- 754 mAlt. max 174 m- qu’il entendait mener d’un bon pas. « Entre le départ et l’arrivée, vous ne trouverez aucun transport en commun. Cela veut donc dire qu’une fois lancé, il faudra aller au bout», avertissait Clément sur Facebook, avant d’ajouter : « Les longs chemins de crête forestiers vous en feront un peu baver ».
Avec un pote ou en solo
On n’a pas été déçus. Notre guide n’étant pas du genre maternant, c’est fissa qu’à la gare Montparnasse nous avons sauté dans un RER pour le Perray. 46 minutes plus tard, le groupe se déversait sur un quai désert, en pleine cambrousse. Jolie cambrousse au demeurant, avec étang bucolique.
Désireux d’être à la hauteur des attentes de Clément, dont la passion pour la rando est contagieuse, nous nous sommes engagés sur le sentier pour pénétrer dans la forêt. Normalement, en montagne, la simple vue d’un attroupement de plus de deux personnes me donne des boutons. Il faut croire que la découverte, à deux pas de chez moi, d’un immense espace sauvage m’a réconciliée avec l’humanité randonneuse bien que moutonneuse.
Parmi eux, des habitués de Helloways, se retrouvant pour la deuxième ou troisième fois. Mais aussi, quelques rares débutants, pas vraiment équipés, sans doute entraînés par un pote plein de bonnes intentions. Quelques marcheurs affichant une légère gueule de bois aussi. On est samedi matin et la veille, on sent qu’ils avaient oublié qu’ils avaient signé pour le « randoshow. ». Ceux-là sont peu diserts. On n’insiste pas, on compatit. Quelques heures de marche et de bon air suffiront pour les ramener à la vie. La plupart en revanche, sont loquaces. Ici on vient avec un pote, mais le plus souvent en solo et pas pour méditer à la Rousseau sur la nature.
Tranches de vie
Discussions, confidences, pendant la journée de marche – 8 heures à bonne allure- on crée des liens et c’est peut-être là que tient tout l’intérêt de ces randonnées. Bien sûr on se souviendra de HOYT à la guitare pendant la pause déjeuner et des sous-bois baignés de lumière, mais où dans ma vie de tous les jours ai-je l’occasion de discuter avec une masseuse remettant sur le droit chemin de la diététique des Parisiens en surpoids ou avec la gérante d’une brasserie à Bastille dingue de grimpe dépensant désormais son salaire dans l’île de Kalymnos, nouvelle Mecque de l’escalade ? Sans parler d’un startuper sur le point de lancer sa propre marque de fringues outdoor, accessoirement imbattable sur la recette du cheese nan ?
Au retour, dans le train nous ramenant à Paris, les numéros de téléphone s’échangent. La majorité du groupe file en after à La Felicita, pour partager une pizza et planifier la prochaine sortie. Ils ont le choix : Helloways en affiche plus de 150 sur son site et ne cesse d’en inventer de nouvelles avec passion. D’une demi-journée à un week-end de deux-trois jours avec escalade, le choix est large et les prix mini. En revisitant la randonnée, la formule a tout pour séduire les néophytes tétanisés face à une carte IGN, mais aussi les randonneurs aguerris désireux de créer de nouveaux liens ou tout simplement de se lancer dans une sortie sans la préparer, à deux pas de chez eux. Pari réussi ce jour-là. C’est sous des trombes d’eau que je reprends mon vélo pour retraverser la ville. Pas grave, il est 21h, j’ai l’impression de rentrer d’un long week-end.
Photo d'en-tête : Adrien Plaud- Thèmes :
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