« Confiné dehors » depuis dix jours maintenant dans la forêt avec sa fille Camille, 15 ans, David Manise, notre expert en survie poursuit sa routine en mode bivouac. Entre préparation des repas, recherches pour ses prochains stages de survie et bien sûr, lectures.
Grand lecteur, il nous livre ici la liste de quelques ouvrages de référence qui l’ont profondément inspiré. De quoi fuir nos quatre murs au fil des pages.
« Derrière mon packaging ‘ours-bûcheron’, je suis aussi un lecteur assez avide et éclectique. », explique David Manise. » J’aime équilibrer l’engagement physique et la stimulation intellectuelle… sinon je m’ennuie vite ». Actuellement, il mène donc de front plusieurs ouvrages sur sa liseuse. « The Embodied Mind », » un truc de neurosciences », dit-il, « et l’un des derniers bouquins du mec qui a écrit Born to run (Christopher McDougall, Tous des héros, ndlr), sans parler de « trucs de prépa physique chiants et des rapports d’essais cliniques chinois à la pelle », raconte-t-il depuis son campement établi sur son terrain, dans la Drôme.
Aussi, a-t-il le choix, à l’heure de réunir pour Outside cinq livres « nature, survie, outdoor, aventure » qui l’ont particulièrement marqué, inspiré ou qui lui été utiles.
« Les deux premiers, j’espère que vous me pardonnerez, sont en anglais. Ils n’ont pas, à ma connaissance, été traduits, ce qui est vraiment dommage. Ils sont si incontournables à mon sens, et n’ont pas d’équivalent en français, que je me permets de les caser ici…
Deep Survival : Who Lives, Who Dies, and Why
Laurence Gonzales
Ce livre parle des aspects psychologiques de la survie et des situations difficiles (comme cette histoire de virus, par exemple). Ce qui, à mon humble avis, fait la différence entre ceux qui survivent à tout, et ceux qui meurent. Au CEETS, (Centre d’Etude et d’Enseignement des Techniques de Survie, ndlr) nous avons dans nos outils conceptuels une pyramide qui illustre les choses les plus importantes pour survivre et s’adapter. En bas de cette pyramide – la base, l’essentiel – on trouve ce qu’on nomme de manière générique « l’attitude ». L’attitude, c’est une posture intérieure. Un état d’esprit. Un choix profond de regard sur le monde, sur les évènements et sur soi-même. Et « Deep Survival » parle très exactement de ça, d’une manière très prenante et très documentée.
Bushcraft : Outdoor Skills and Wilderness Survival
Mors Kochanski
Mors Kochanski (affectueusement surnommé « le vieux » par les instructeurs du CEETS), est décédé cet hiver. Il vivait au Canada, et a dédié plus de 45 ans de son existence à enseigner la vie en pleine nature. Il a écrit de nombreux petits manuels, et quelques ouvrages plus lourds dont « Bushcraft », qui regroupe une multitude de petites perles techniques pour se faciliter la vie sur le terrain. Ce livre est clairement l’un des ouvrages où j’ai appris le plus de choses utiles, ou retrouvé le plus de techniques essentielles que je connaissais déjà. Un condensé d’expériences de terrain, notamment en conditions froides avec peu ou pas de matériel. Y sont traités l’utilisation du couteau, de la hache, de la scie, le bricolage forestier et plein d’autres choses encore. Ce bouquin se fait très rare, malheureusement. Dépêchez-vous d’en trouver une copie. Vraiment.
Vivre
Élisabeth Revol
Je suis généralement assez peu friand d’histoires d’alpinisme qui tournent mal. Mais quand mon amie Inès, accompagnatrice en montagne dans ma région, m’a passé le bouquin dédicacé de sa pote Élisabeth (qui habite dans le même village que nous) en me disant « lis ça », j’ai compris qu’elle ne rigolait pas. Alors j’ai lu. J’ai dévoré, en réalité. D’une traite. A des moments je fulminais. A d’autres, je pleurais. Ce livre est vraiment très prenant, et très riche d’enseignements. On y voit, notamment, la dynamique d’une expédition qui tourne mal, la lenteur des secours, et au final ce choix qu’un humain fait, à un moment, de ne plus attendre, de ne plus compter sur l’aide ou les informations extérieures, et de prendre sa destinée en main. J’ai trouvé cette histoire très touchante, et très inspirante. Ce livre est rempli de ce qui fait qu’on reste en vie, nous, humains. Une volonté de vivre, motivée par l’amour et l’envie de rentrer bien plus que par la peur. La solidarité entre alpinistes. Le soutien des gens, un peu partout dans le monde, qui ont remué ciel et terre pour organiser les secours. Rien que d’y repenser, je transpire encore un peu des yeux. Lisez ça.
Lire aussi notre interview d’ Elisabeth Revol : « On est obligé de se détruire pour renaître »
Désert solitaire
Edward Abbey
Bon, je vais être transparent : je l’ai lu en anglais, et je ne sais pas du tout ce que vaut la traduction. Mais globalement, l’œuvre de Ed Abbey est probablement l’une de celles qui repose le mieux, à mon sens, la place de la nature et la place de l’humain, dans un rapport qui ne soit pas du parasitisme, mais plutôt de la symbiose. Dès les années 60, il pondérait les élans industriels et nous rappelait l’importance de laisser de la place à la nature sauvage. Une citation, tristement d’actualité, vous donnera une idée de ce qu’il disait déjà en 1968 : « La croissance pour la croissance, c’est l’idéologie d’une cellule cancéreuse. »
Abbey a écrit de nombreux ouvrages que j’ai tous beaucoup aimés. « Désert solitaire » et « En descendant la rivière » sont mes deux préférés (que j’ai lus en VO).
Bêtes, hommes et dieux : A travers la Mongolie interdite (1920-1921)
Ferdynand Ossendowski
Le récit commence à Krasnoïarsk, en 1920. Un Russe Blanc apprend que les Soviétiques l’ont retrouvé. Il prend son fusil, son manteau et son sac, et il fuit dans la minute. Ce livre raconte son évasion et ses aventures, pendant près de deux ans, à travers des régions sauvages et une époque formidable. Évasion autant physique qu’intérieure, alors qu’on voit se dessiner le cheminement initiatique qui a lieu en parallèle du périple et des aventures…
Il y a sans doute moins de choses à apprendre dans cet ouvrage que dans les quatre précédents, mais si vous voulez vous évader, il fera le boulot. En revanche, je ne vous promets pas que vous en sortirez sans avoir des fourmis dans les pattes … à garder pour la fin du confinement, peut-être.
Cette rubrique est réalisée en collaboration avec David Manise, instructeur de survie et de self-protection depuis 2003. Fondateur du forum vie sauvage et survie, il est également à l’origine du CEETS, Centre d’Etude et d’Enseignement des Techniques de Survie.
Pour suivre ses activités, rdv sur sa nouvelle pages Facebook.
Formateur, il est aussi conférencier, traducteur et auteur de plusieurs ouvrages, notamment : La vie est injuste, et à la fin tu crèves. « Un petit essai énervé sur la différence entre la théorie et la pratique » et Manuel de [sur]vie en milieu naturel, chez Amphora, en juin 2016.
Envie d’en savoir plus? Lire aussi: Mission survie, les 3 manuels qu’il est encore temps de dévorer.
Nos remerciements à Cyrille Choupas pour son très beau portrait de David Manise, en ouverture de notre article. Pour en savoir plus sur ses oeuvres, c’est ici.
Photo d'en-tête : Cyrille Choupas