Embarcation hybride, entre kayak et raft, transportable dans un simple sac à dos, le packraft tente de plus en plus d’adeptes. Des passionnés de glisse, séduits par ces modèles ultra light, mais aussi des randonneurs et des VTTistes désireux de pimenter leur itinérance par des étapes sur rivière, lac ou bord de mer. Reste à savoir comment se lancer, en toute sécurité. Pour en savoir plus, nous avons interviewé Olivier Chambault, fondateur de la jeune marque de packraft française, Mekong, installée dans la Drôme.
1. Faut-il avoir un niveau minimum en canoë-kayak avant de se lancer en packraft ?
Il n’est pas nécessaire d’avoir de l’expérience en kayak ou canoë pour s’initier au packraft. Du fait de sa géométrie, un packraft est plus simple à utiliser qu’un kayak classique, à la fois très stable et facilement maniable. Les néophytes se feront très rapidement plaisir dans de petits rapides ! Attention cependant, comme toute activité aquatique, cette pratique comporte des risques. La sensation de maitrise que procure un packraft peut être trompeuse, et il est essentiel d’être capable d’évaluer à la fois ses propres compétences et les éventuelles difficultés sur l’eau pour ne pas se mettre en danger. S’entrainer avec un kayak de rivière, beaucoup plus instable, permettra cependant de gagner plus rapidement en équilibre et en maitrise de son corps, compétences qui seront ensuite très utiles en packraft.
2. Combien de temps faut-il pour maitriser le gonflage et le dégonflage des packrafts ?
Avec un peu d’entrainement, il est possible de gonfler son packraft en moins de 5 minutes. L’installation complète du matériel avant le départ prend entre 10 et 15 minutes. Le pliage est encore plus rapide, il suffit de dégonfler le packraft et de l’enrouler, ce qui prend moins d’une dizaine de minutes !
3. Quelle est la distance idéale à parcourir quand on débute ?
Cela dépend beaucoup de la nature de la rivière. Lorsque le courant est constant, on peut imaginer parcourir 25 à 30 kilomètres dans la journée, sans trop forcer. Sur un lac ou une rivière calme, parcourir entre 15 et 20 kilomètres par jour constitue déjà une bonne distance. Les packrafts biplaces sont plus rapides que les monoplaces et permettent de parcourir des distances plus importantes.
4. Quel poids maximum peut-on charger à bord ?
Sur un packraft monoplace, entre 100 et 150 kilos. Sur un packraft biplace, entre 200 et 250 kilos.
5. Comment protéger au mieux ses affaires de l’eau ?
Plusieurs marques de packrafts proposent l’option « stockage interne » qui permet de stocker ses affaires au sec à l’intérieur même des boudins du bateau. Un zip étanche à l’air et à l’eau permet de transporter jusqu’à une centaine de litres au sec. C’est l’idéal pour les expéditions de plusieurs jours voire plusieurs semaines qui nécessitent beaucoup de matériel ou de provisions, ou pour les trips en bike-rafting (charger son vélo ou VTT sur son packraft, ndlr).Des sacs étanches peuvent également être installés à l’avant ou à l’arrière du packraft, voire entre les jambes pour les embarcations non pontées. Évitez les bidons, lourds et encombrants à transporter.
6. Quels sont les meilleurs endroits en France pour commencer à pratiquer ?
Si vous n’avez pas d’expérience de kayak en rivière, nous vous conseillons de démarrer le packraft sur des parcours où il est déjà possible de louer des kayaks ou canoës. Dans la majorité des cas, vous pourrez trouver facilement des informations en ligne ou téléphoner aux loueurs pour vous informer sur les conditions de navigation et les éventuelles difficultés. C’est le cas de nombreuses rivières en France, de l’Ardèche à la Loire en passant par la Dordogne, la Drôme ou l’Allier. Privilégiez alors les sorties hors saison touristique si vous ne souhaitez pas être noyés dans le flot de kayaks.
Vous devrez aussi choisir vos destinations en fonction de la période, certaines rivières sont navigables seulement une partie de l’année. Pour vous renseigner, plusieurs sites et applications pourront vous donner les niveaux d’eau en temps réel, sans que vous n’ayez à vous rendre sur place (RiverApp notamment). Si vous souhaitez exercer vos compétences en eau-vive, vous pourrez vous rendre dans un stade d’eau vive, sur un parcours sécurisé et spécialement prévu à cet effet. Afin de connaitre et de maitriser les règles de sécurité, vous pourrez également vous inscrire à un club de kayak ou participer à une journée de formation.
La communauté du packraft organise depuis quelques années plusieurs évènements où les pagayeurs peuvent échanger autour de la technique, du matériel et rencontrer d’autres pratiquants afin de naviguer à plusieurs. Ces rassemblements permettent de découvrir les rivières locales en étant accompagné de personnes plus expérimentées. Il existe les groupes Facebook Packrafting France (francophone) et Packrafting Revolution (anglophone) qui permettent de poser des questions et d’être tenu informé en cas d’évènements dans la communauté packrafting. Début Août, en parallèle du Durance Festival, aura lieu un rassemblement de packrafters, l’occasion pour les néophytes de tester des bateaux et de se former aux techniques de sécurité et de pagayage (pour en savoir plus, n’hésitez pas à contacter Olivier Chambault : olivier@mekongpackraft.com).
7. Quels sont les bons réflexes à avoir à bord ?
Il est essentiel que les pratiquants soient conscients des dangers potentiels du packrafting, comme pour toute autre activité aquatique. Les principales règles de sécurité sont les suivantes :
- Avoir un équipement adapté à sa pratique. En eau vive être équipé d’un gilet, d’un casque, d’un couteau, de vêtements adaptés (combinaison, k-way) si l’eau est fraiche
- Se renseigner sur les conditions de navigation (difficulté, niveau d’eau, crues récentes qui pourraient avoir déposé des arbres/branches au milieu de la rivière)
- Planifier son itinéraire, repérer les passages techniques avant la sortie. Une fois sur l’eau, reconnaitre les rapides avant de s’engager.
- Ne pas surestimer ses capacités, le pratiquant doit être capable de rejoindre la rive à la nage facilement.
- Ne jamais s’attacher à son bateau en eau vive.
- Connaitre les signaux de communication afin de faciliter l’échange d’infos avec ses partenaires.
Par ailleurs il est important de :
- Respecter la réglementation en vigueur, certaines zones sont protégées et leur accès est interdit.
- Ne pas déranger la vie sauvage et ne pas laisser de trace après son passage.
8. Est-il conseillé de s’initier à plusieurs sur une même embarcation ?
S’il est toujours recommandé de partir sur l’eau à plusieurs afin de pouvoir s’entraider et/ou alerter les secours en cas de soucis – chacun avec son propre packraft, ou à deux personnes sur un biplace – il est par contre vivement déconseillé de monter à plusieurs personnes sur un packraft monoplace, qui n’est pas prévu pour cette utilisation.
9. Comment choisir son packraft : quels sont les caractéristiques à regarder en premier ?
Avant toute chose, il est essentiel de choisir un packraft adapté à sa pratique (eau calme, eau vive, traversées ponctuelles ou voyage en itinérance). Si vous prévoyez de descendre des rivières avec des rapides, il est recommandé d’opter pour un packraft ponté ou autovideur, idéalement muni de cale genoux pour un meilleur contrôle. Si vous souhaitez voyager en itinérance en eau calme, privilégiez un modèle ouvert et léger, et qui offre en même temps une glisse satisfaisante. La forme des packrafts aura une influence importante sur la qualité de glisse en eau calme et leur comportement en eau vive.
Les matériaux utilisés : privilégiez les packrafts constitués de nylon enduit TPU aux bateaux en PVC, matériau moins durable dans le temps, plus lourds, et moins respectueux de l’environnement que le TPU. Bannir les packrafts munis de valves Boston, qui ont tendance à s’abimer rapidement.
La méthode d’assemblage : de nombreux fabricants utilisent de la colle pour assembler tout ou partie des pièces constituant le packraft. Si cette technique d’assemblage a fait ses preuves, pour peu que le fabricant la maitrise bien, rien ne vaut la soudure (réalisée via une soudeuse à air chaud ou haute fréquence) qui garantit une très grande longévité.
La marque et le lieu de fabrication : La plupart des packrafts sont fabriqués en Asie par une poignée d’usines et revendus sous la marque de l’importateur. Certains sont de bonne facture mais la qualité des bateaux est globalement assez inégale. Idéalement, privilégiez les marques qui maitrisent de bout en bout le cycle de vie du produit, de la conception à la fabrication en passant par le SAV et les tests (c’est le cas notamment de Megong, fabriqué en France, ndlr).
10. Et pour le matériel complémentaire (casque, pagaie, etc) : quels sont les points à ne pas lésiner ?
Pour la pagaie : choisir une pagaie 4 brins pour un encombrement réduit. Il est préférable d’opter pour une pagaie carbone, qui est à la fois plus légère, plus agréable à utiliser et plus durable dans le temps (ne se déforme pas contrairement à l’aluminium). Préférer un angle réduit (0 à 30°C) entre les pales pour une pratique en eau calme afin de moins solliciter vos poignets lors de la navigation sur de longues distances, et un angle plus important (30 à 60°C) qui vous donnera davantage de contrôle pour une pratique en eau-vive.
Le matériel devra être impérativement homologué aux normes de sécurité européennes. Il faudra choisir un gilet de flottaison adapté à sa pratique et à sa morphologie. Vous pouvez le prendre léger et minimaliste pour voyager en itinérance sur plusieurs jours ou semaines. Pour la pratique du packraft en haute rivière, optez pour un gilet dédié à l’eau vive, avec des poches pour transporter le matériel de sécurité et avec une flottaison élevé (50 Newtons minimum).
Un casque et très fortement conseillé à partir du moment ou il y a des rapides ou courants forts. Il doit protéger contre les impacts répétés sans s’abimer, et ne pas se dégrader dans l’eau. Pour la forme, privilégiez les casques munis d’une petite visière et ceux qui protègent bien la nuque. Pensez aussi à choisir des chaussures adaptées, avec une bonne semelle antidérapante. Beaucoup d’accidents se produisent sur les rives suite à une glissade. Il est aussi important de pouvoir les enlever facilement en cas de coincement. Un sifflet et un couteau complèteront le matériel indispensable.
Concernant le matériel de sécurité pour le packraft, il y a toujours un compromis à faire entre poids et sécurité/volume. Lorsque vous combinerez plusieurs activités (vélo + packraft par exemple), il est toujours tentant de partir léger, mais privilégiez d’abord la sécurité, surtout si vous débutez.
11. Côté réparation : quels sont les points faibles des packraft, auxquels il faut faire particulièrement attention ?
Contrairement à l’impression qu’ils peuvent donner, les packrafts sont très résistants à l’abrasion. Vous pourrez frotter le lit de la rivière ou percuter des rochers, il franchira les obstacles sans encombre. Attention cependant aux épines (acacia, ronces…) qui peuvent causer des micro-crevaisons, et aux branches pointues ou autres objets métalliques qui peuvent sérieusement endommager le bateau. De manière générale, les crevaisons sont rares si on prend soin de son matériel.
12. Peut-on tout réparer soi-même ?
Il est possible de réparer son packraft sur le terrain, nous conseillons d’utiliser des patchs adhésifs plutôt que de la colle. La réparation est à la fois plus rapide et plus « propre ». Une fois de retour de sortie ou d’expédition, l’idéal est de renvoyer son bateau au fabricant, lorsque c’est possible, afin qu’il le répare.
Photo d'en-tête : Mekong- Thèmes :
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