Ce week-end se tenait la troisième édition du Montreux Trail Festival, au bord du Lac Léman, en Suisse. Aux manettes, Diego Pazos, un ultra traileur pas comme les autres, et accessoirement l’un des meilleurs du monde. Découverte d’un événement singulier mêlant trail et musique, sur les traces de Freddie Mercury.
Vendredi soir, l’orage gronde au-dessus de la Riviera vaudoise, à quelques kilomètres de Lausanne. Sous la halle du marché, où les premiers concurrents viennent récupérer leur dossard, Diego, grand sourire, accueille les « élites ». Il n’a pas oublié le noeud papillon bien ajusté autour du cou, comme à son habitude. Un détail qui n’en est pas un : il résume la mentalité de l’homme à la fois excentrique et jovial, à l’image du Montreux Trail Festival, qu’il a imaginé et organise depuis trois ans.
“Ce n’est pas la météo qui va nous arrêter, n’est-ce pas ?” lance-t-il grand sourire. Les prévisions sont formelles, orage et pluie au programme pour tout le week-end. Autant les précipitations posent rarement de problèmes, autant l’orage complique les choses, particulièrement en montagne. La décision est actée depuis quelques heures, le parcours de repli est activé. “Je suis vraiment déçu de ne pas pouvoir vous présenter mon terrain de jeu comme je le souhaitais, mais vous devriez quand même bien vous amuser !”.
Pour cette troisième édition, le Montreux Trail Festival a dû composer avec un autre événement local : la Fête des vignerons de Vevey. Véritable institution, elle n’a lieu que tous les vingt ans environ, depuis 1797. Un bon nombre de bénévoles étant réquisitionnés, la plus longue course (160km – 12 000 m D+) n’a pu être organisée cette année. “Cette parenthèse nous permet de prendre le temps de travailler sur le futur parcours qui sera proposé dès l’année prochaine : un peu plus de 100km et 9000 m de dénivelé, des passages en crête, des points de vue incroyables, un tracé dur, mais qui en vaut la peine”, positive Diego Pazos. On a hâte de voir ça.
Diego Pazos est un athlète exigeant, amoureux de la montagne (même s’il n’est pas montagnard d’origine) et les circuits qu’il propose en sont le reflet. Ancien footeux, il a mis son premier dossard en 2010, à 25 ans, sur le 10 km de Lausanne. Une mauvaise expérience qui s’est terminée par un malaise une fois la ligne d’arrivée atteinte. Pourtant, près de dix ans plus tard, il est reconnu comme l’un des meilleurs ultra traileurs de la planète : 90 km du Mont-Blanc, Eiger Ultra Trail, Oman by UTMB, la liste de ses victoires est longue. Il y a quelques mois, il franchissait la ligne d’arrivée du Madeira Ultra Trail à la deuxième place, juste derrière la star française, François d’Haene. Abnégation, travail, mais surtout passion, voilà les recettes de son succès.
Papa depuis bientôt deux ans, le coureur suisse n’a plus autant de temps pour s’entraîner. Qu’importe, il s’adapte, jonglant entre vie familiale, vie sportive et vie professionnelle. Le trail se structure, mais peu sont les athlètes qui en vivent complètement. Quatre jours par semaine, Diego Pazos travaille pour la police scientifique suisse, en tant que criminaliste (et non criminologue). Spécialiste en science forensique – ensemble des techniques d’analyse scientifique qui permettent d’aider à une investigation au sens large – il mène tout de front. Depuis trois ans, il s’est ajouté une charge de travail supplémentaire avec la création du Montreux Trail Festival. Bien lui en a pris.
Samedi matin, à l’heure où les concurrents de MXAlps (53km – 4000 m D+), s’apprêtent à partir pour la course la plus longue du week-end et épreuve du circuit de Skyrunning Suisse, l’orage et la pluie ne se sont pas encore déchaînés. Le calme avant la tempête, obligeant même l’organisation à stopper trente minutes une quarantaine de coureurs à un ravitaillement pour ne prendre aucun risque. Les conditions du jour sont délicates et les paysages le plus souvent cachés par les nuages. Pourtant, sur la ligne d’arrivée, derrière les traits tirés par l’effort, les sourires dominent. Au micro de Ludovic Collet, le speaker le plus connu du milieu, une concurrente confirme : “J’ai rarement autant souffert, surtout dans la dernière descente. Mais quel bonheur d’être arrivé au bout !”, avant d’ajouter “heureusement qu’il y avait un peu de musique pour nous motiver ».
De la musique, il en est question, et pas que sur les sentiers. C’est l’une des particularités de cet événement mêlant sport et culture. Sous la grande halle, lieu de départ et d’arrivée de toutes les courses, une large estrade a été installée. Toute la journée, des concerts s’y succèdent. Du rock principalement; logique dans la cité qui a longtemps accueilli Queen et sa légende Freddie Mercury. Devant la statue du chanteur britannique et à quelques dizaines de mètres de son studio d’enregistrement, la foule s’est progressivement élargie aux sons des guitares et des batteries.
Alors que les derniers participants de l’ultime course de la journée arrivent à la lueur de leurs frontales, Queen Legend Tribute finit la soirée sur “We are the champions”. Diego Pazos reprend alors les reines pour un remerciement général, ponctué d’un “we will rock you”.
On retrouvera l’ultra traileur dans un mois, à Chamonix, pour l’UTMB, puis en 2020 pour un nouveau défi : traverser la Suisse en suivant la Via Alpina, soit 380 km et environ 25 000 m de dénivelé.
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