Au cœur des grands espaces du Yukon : le Mont Logan, deuxième plus haut sommet d’Amérique du nord. Personne n’avait ridé l’East ridge, cette arrête de 3800 m de dénivelé, alors forcément c’était tentant pour Hélias Millerioux et son compère Thomas Delfino. Mais pas suffisant. Ces deux-là ont donc corsé l’affaire par une descente en eaux vives. Pas vraiment la spécialité du guide ni du snowboardeur pro, mais où est le problème ? Réponse dans « Mount Logan », doc coproduit par Scott, mis en ligne samedi 14 novembre à 19h. Un 14 minutes intense, truffé de rebondissements.
« Anything that can go wrong will go wrong », on ne sait pas si Hélias Millerioux a étudié la fameuse loi de Murphy, qu’on pourrait traduire par « Tout ce qui est susceptible d’aller mal, ira mal », mais ce qui est certain, c’est qu’il sait l’appliquer .. et s’en tirer par le haut ! Sa dernière grande expédition, dans le Yukon, au fin fond du Canada, en est une démonstration vivante. Il avait tout prévu pourtant, et pire encore, raconte le guide de haute montagne, plutôt rôdé en matière de challenges.
C’est quoi l’idée de départ ?
Simple et « logique », explique Hélias Millerioux qui ne manque ni d’énergie ni d’imagination : partir de l’océan Pacifique et y retourner par la rivière, tout en grimpant le Mont Logan, deuxième plus haut sommet d’Amérique du nord, culminant à 5959 m. Une expédition d’une cinquantaine de jours en autonomie totale à ski, monoski ou snow, marche et packraft. Avec au passage une première mondiale : rider l’East ridge, une arrête de 3800 m de dénivelé, doublée d’une première perso : une descente en eaux vives.
« Le Yukon, l’Alaska pour moi, c’était un voyage à la ‘Into the wild’. L’idée a muri sur plusieurs années », raconte Hélias. « Depuis 2011, je vais grimper dans la région. Une année, lors d’un road trip, en passant à Chitina, seul village le long de la rivière, j’ai souhaité revenir découvrir les lieux et descendre ce cours d’eau, pour faire autre chose que de la grimpe. J’en avais assez du « avion/ glacier/ grimpe/puis tu rentres ». J’ai commencé à regarder de près la région, un coin où tu ne croises personne avec des paysages incroyables. Et le projet a commencé à prendre forme pour aboutir en avril 2019. Il m’aura fallu trois ans pour le ficeler. »
Comment on monte une expédition pareille ?
« C’est très compliqué de trouver des partenaires sur un trip mixant trekking, alpi et ski sur le Mont Logan, à près de 6000 m, et descente en eaux vives, une idée qui m’est venue sur le tard. J’ai appris que des Polonais avaient déjà réalisé une partie de ce périple, en trekking. Mais mal équipés, ils ont dû s’arrêter. A ski, nous, on ne pouvait qu’être plus rapides. Et le packraft devait régler le problème de la descente de la rivière.
Reste qu’on a fait deux faux départs, suite à du retard dans l’organisation logistique dans un premier temps, puis à cause d’une blessure. A chaque tentative, se posait aussi le problème des permis de passage de la frontière entre le Canada et l’Alaska, pas si faciles à obtenir. Par ailleurs, certains membres de l’équipe n’étaient pas chauds pour faire l’approche, très longue, quand d’autres ne se voyaient pas sur la partie eaux vives. Au final, à la troisième tentative, on était bien. Thomas Delfino – avec qui j’avais déjà fait une grandiose expédition sur les grands glaciers du Pakistan – un super organisateur, était très motivé. Alexandre Marchesseau, un copain guide qui est aussi cameraman, était assez fou cette année-là pour être tenté par l’aventure. Enfin Greg Douillard, moniteur d’eau vive, était l’homme qu’il nous fallait pour le trip de retour vers l’océan car aucun d’entre nous n’avait d’expérience sur l’eau, à part une petite semaine d’initiation ! Sans lui, c’était un peu léger …
Au départ, on a pensé au packraft, histoire de rester dans le concept de l’autonomie totale, mais s’imaginer arriver sur une rivière de classe 3 totalement défoncés après 40 jours d’expédition sur les glaciers à porter nos luges, skis, provisions, peaux de phoques et … nos kayaks. Non, c’était la limite du matériel. Du coup on a opté pour le drop d’un cataraft. Et on a bien fait !
Et comment on gère les galères ?
« Dans les expéditions, tu as toujours des imprévus, ça fait partie de l’aventure, mais j’avoue que là, on les accumulés. Et chaque fois qu’on gagnait de la confiance, une surprise nous sautait aux yeux. Déstabilisant ! Et ça, dès le début où, faute de neige on n’a pas pu utiliser les luges. Nous avions chacun 80 kg de matos et de nourriture. On a dû les splitter en deux – 40 kg quand même – et faire des allers-retours sur le glacier au rythme de 5 km par jour. Résultat, on a mis trois jours pour arriver jusqu’à la glace.
Sur le glacier du Malaspina, au pied du Mont Logan, le mauvais temps nous attendait. Trempés des pieds à la tête, ça a été très difficile mentalement. L’expédition a failli s’arrêter à cet endroit-là. Mais on a misé sur une ascension lente, avec acclimatation progressive et pauses forcées en igloos. Pour nous, cela aura été l’éloge et la lenteur. Une stratégie payante. Le 23 mai 2019, nous étions au sommet, prêts pour la descente la plus longue de la ma vie ! Deux jours et demi de ski, snow et monoski sur des crêtes de coq et des émergences de plaques de glace. Nous avions prévu dix jours pour le Mont Logan, au final il ne nous en aura fallu que neuf pour regagner le camp de base où nous avons retrouvé Greg. Il ne se sentait pas de faire cette ascension avec nous et nous attendait avec une mauvaise nouvelle. Il souffrait terriblement d’une hernie discale, opérée récemment, il décrochait, souhaitait rentrer. Un départ, c’est chiant, c’est triste. D’autant qu’il était notre Mr raft et que la rivière qui nous attendait, c’était de la classe 3, plutôt chargée de surcroit en cette période de l’année.
Là-dessus, on a enchaîné sur 30 km de marche dans les moraines du glacier du Mont Logan. Encore un truc inattendu. Tous les jours, c’était des décisions super fortes à prendre, très intenses, jamais un jour de repos. Pour Thomas, l’absence de Greg, c’était beaucoup pour lui, pas très raisonnable. Il a donc, lui aussi, quitté l’expédition.
J’ai super mal vécu ces départs. Mais j’avais ce rêve, et à ce stade, après ces 40 jours, ça ne semblait pas possible de lâcher et de faire un compromis sur la rivière. Alex, lui, était partant. On a fait plusieurs expéditions ensemble, en Inde, au Pakistan, au Népal. On a beaucoup d’expérience en haute altitude, et l’habitude de ce genre de situations, même si, là c’était beaucoup plus intense. On a fait un calcul : huit jours de descente nous attendent, on tente le coup sur le raft pendant deux, et si ça nous dépasse, on se fait récupérer en avion ou on marche si besoin. Et … ça a été le meilleur moment d’une expédition qui fait partie des plus dures que j’ai jamais faites. On est vraiment allé au bout de nos limites physiques. Mais le plus important, le prétexte, c’est de vivre une belle aventure entre copains. Je n’ai jamais vu de choses aussi belles et vécu d’émotions aussi intenses avec des camarades. Au retour c’est difficile à partager avec ceux qui ne les ont pas partagées. »
Reste les chiffres , 48 jours, 45 km de marche à pied, 241 km à ski, 357 km en bateau et 5959 m de D+, que tout un chacun pourra apprécier en attendant un nouveau trip. Il parait qu’ Hélias et Alex gambergent déjà sur une autre histoire. Pas un « autre Logan », « non, pas tout de suite, ça défonce trop », reconnait Hélias. Mais un trip avec chevaux et rafting, ou un 8000 quelque part… A suivre.
Rappel : il a fallu trois ans à Hélias pour mettre au point son expédition sur le Mont Logan. Et au vu de son dernier périple, monter son équipe, risque de lui prendre un peu de temps.
LIVE : Samedi 14 Novembre à 19h
Pour en savoir plus sur les expéditions Freedom to Explore de Scott, c’est ici :
Le kit de l’expédition
Photo d'en-tête : Hélias Millerioux- Thèmes :
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