L’annonce, début mars, avait fait grand bruit dans la communauté des randonneurs : dès le 1er avril, avait décidé l’Office de tourisme du Népal, tous les randonneurs étrangers solo devaient obligatoirement engager un guide local, « question de sécurité pour les trekkeurs », selon les autorités. Une mesure que les agences de tourisme réclamaient depuis plus de dix ans. Mais à la veille de son application, voici que le gouvernement municipal du Khumbu Pasang Lhamu, gérant la zone Everest, a décrété que cette règle ne s’appliquerait pas sur son territoire, par peur de voir chuter ses revenus au profit d’opérateurs privés. Seule une carte de trekking au coût modique y sera exigée.
Il souffle comme un vent de dissidence au Népal ! Contrairement à ce qu’impose depuis le 1er avril l’Office de tourisme du Népal (NTB), la municipalité rurale de Khumbu Pasang Lhamu vient de publier un avis indiquant que les guides ne sont pas obligatoires pour les trekkers autonomes solitaires sur son territoire, à savoir la région de l’Everest et son fameux Parc National de Sagarmatha, haut lieu des treks népalais. « Les trekkeurs peuvent effectuer un voyage en solo sur le sentier de Phading en obtenant simplement une carte de trekking auprès du bureau des permis et en la présentant au point de contrôle. La carte de randonnée coûte 2 000 roupies (environ 14 euros), auxquels s’ajoute le droit d’entrée dans le parc national de Sagarmatha (SNP) », selon « The Himalayan Times« . D’ailleurs, a précisé Manoj Kumar, responsable de l’information du parc, aucune notification officielle concernant ces restrictions d’entrée ne lui aurait été parvenue. Et, poursuit-il, s’il a bien entendu dire que le gouvernement fédéral avait introduit une nouvelle disposition obligatoire, reste que « dans le cas de la région de l’Everest, c’est le gouvernement local qui gère le processus de délivrance des cartes de trekking. Et ce dernier a décidé d’autoriser les randonneurs solo sans guide ».
Quelles sont donc les formalités sur la zone Everest ?
Point de guide donc sur ce territoire, mais une « trek card » (carte de randonnée), délivrée par le gouvernement ou les autorités locales, contenant des informations de base : nom et nationalité du randonneur et son itinéraire de randonnée. De quoi suivre son activité dans la région et assurer sa sécurité.
Voilà qui ne devrait pas franchement plaire à l’Office de tourisme du Népal (NTB) : « En désobéissant aux instructions du gouvernement fédéral, les randonneurs solitaires risquent d’être contraints d’annuler tout leur voyage », a averti Dhananjay Regmi, Directeur de l’Office national du tourisme (NTB ), interviewé par The Himalayan Times, rappelant que les gouvernements locaux devraient suivre les instructions émises par le gouvernement fédéral.
Cette nouvelle règlementation aurait été prise à la suite d’incidents au cours desquels des randonneurs, qui avaient acheté la carte TIMS (Tourist Information Management System), auraient perdu la vie ou auraient été blessés au cours de leur randonnée, expliquions-nous dans notre article du 7 mars. De quoi réjouir l’Association des agences de trekking du Népal, représentant plus de 2 000 entreprises de guidage. Depuis 2012 elle fait en effet pression en faveur du système « un trekkeur, un guide », arguant que chaque année, entre 10 et 15 randonneurs disparaissent, la plupart [des voyageurs indépendants libres]. Ce qui n’est pas à prendre à la légère », selon Nilhari Bastola, président de l’association, interviewé par le Kathmandu Post . Sans oublier, dit-il, que cette nouvelle règlementation pourrait créer des emplois pour quelque 40 000 Népalais dont les tarifs pourraient osciller selon lui entre $25 et $50 par jour ; voire beaucoup plus, $100 à $200, selon la difficulté du parcours.
En 2019, l’Office du tourisme du Népal a délivré plus de 46 000 cartes TIMS pour les randonneurs solo, selon le Katmandu Post. Or la pandémie de COVID-19 a frappé de plein fouet le secteur du trekking, un coup dur pour l’un des pays les plus pauvres au monde qui peine encore attirer les visiteurs. L’année dernière, moins de 20 000 cartes TIMS ont été mises en circulation. Aussi certains s’interrogent. Cette nouvelle mesure qui empêche les voyageurs étrangers de faire de la randonnée seuls au Népal ne va-t-elle pas avoir un impact majeur sur l’industrie du tourisme d’aventure ? C’est sans doute ce que craint la municipalité rurale de Khumbu Pasang Lhamu qui prend donc les devants et s’oppose très clairement à son application sur son territoire. Au risque de faire des émules dans d’autres régions et de s’attirer les foudres de Katmandou.
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