Grimpeuse pro, Caroline Ciavaldini n’avait pas vraiment imaginé l’impact sur sa vie de l’arrivée d’Arthur, le fils qu’elle a eu il y a deux ans avec James Pearson, athlète de haut niveau lui aussi. Bouleversement du corps, gestion du risque et surtout regard des autres sur des pratiques potentiellement dangereuses, autant de sujets qu’aborde « New life », excellent film de 25 minutes produit par The North Face, dans lequel témoignent également Xavier de Le Rue et Hillary Nelson. Un sujet rare, traité en profondeur, sous la direction de Chris Prescott, auquel on doit déjà le très beau « Redemption ». qui a suivi le quotidien de la famille Pearson. De la grossesse de Caroline à … trois ans plus tard, son ascension de la célèbre voie trad Gaia E8 6c et son escalade sportive multi-pitch 8b dans le Verdon.
« Marcher c’est dur. Conduire aussi. Mais grimper, c’est top », raconte Caroline Ciavaldini au pied de la falaise d’Ogliatra en Sardaigne. Il faut la voir s’attaquer au rocher, encombrée par son ventre volumineux. Elle est enceinte de sept mois et demi, et grimpe encore. Le souffle est court, mais sa souplesse est saisissante et sa joie évidente. Un moment suspendue dans la vide, assurée par son mari et partenaire de cordée, James Pearson l’un des meilleurs grimpeurs du monde, un pro comme Caroline, l’image fait un peu frémir. Mais peut réjouir aussi, comme l’explique calmement James. « Bien sûr, il y a toujours un risque. Et c’est sûr que certains vont trouver ça dingue, et d’autres génial, mais le plus important, c’est de ne pas s’arrêter au jugement des autres, mais de se fier à ce qui vous semble normal, et acceptable à vous. Chacun est différent, chaque vision sera forcément personnelle. »
Acceptable donc pour Caroline de continuer à grimper aussi longtemps qu’elle le sent. Mais sans trop forcer pour autant. A quatre mois de grossesse, elle arrête l’entrainement intensif et reste donc cinq mois sans viser la performance. Acceptable aussi, mais pas facile pour cette compétitrice, quatre fois championne de France d’escalade, de voir son corps transformé à la naissance et son niveau au plus bas. Pour revenir au top, il lui faudra être disciplinée « et surtout patiente », confie-t-elle. Ce que confirme Hillary Nelson, une habituée des 8000 m et des pentes raides, capitaine du team The North Face mais aussi mère de deux garçons, qui à chaque naissance a mis plus d’un an à retrouver la forme. « Les femmes athlètes se posent toute des questions à l’heure d’avoir un enfant », dit-elle. « Par peur de perdre leurs sponsors, peur de ne plus jamais retrouver leur niveau. Et aussi, peur du regard des autres. Beaucoup ont changé de vie, une fois mères, mais pas forcément par choix. On se sent tellement coupable face au regard de la société ! »
Un regard que Caroline et James ont délibérément choisi d’ignorer. « Nous avons décidé de poser nos limites nous-mêmes. De trouver le juste équilibre entre préserver le bonheur de notre enfant, et nous montrer un peu égoïstes en continuant de poursuivre notre passion ». Évident pour James qui savoure désormais à deux pas de chez lui chaque demi-heure de grimpe. Même s’il avoue que « oui, il mentirait s’il disait ne pas regretter un peu parfois sa vie d’avant, sans contraintes. » Mais plus évident encore pour Caroline lorsqu’elle révèle ne surtout pas vouloir suivre le chemin de sa mère. Dépressive, cette femme pourtant aimante s’était effacée devant ses enfants. Pour s’effacer définitivement alors que Caroline n’avait que 22 ans, en se suicidant. « J’avais la meilleure mère, mais elle n’a pas été la plus heureuse. Ce que tu peux faire de mieux pour ton enfant », explique-t-elle, « c’est lui montrer comment on peut être heureux et combien la vie est belle. La mort de ma mère m’a fait réaliser que les choses sont précieuses et qu’on peut les perdre en un instant. A jamais. Il faut donc profiter de ce que l’on a ».
Reste l’éternelle et inévitable question du risque. Pas si complexe au final pour Caroline : « Arthur m’aide à définir ce qui est acceptable en terme de risque ou pas, car il rend la vie plus belle », explique-t-elle. Le snowboardeur Xavier de Le Rue est lui aussi bien placé pour en parler. Père de deux filles, 15 ans et 3 ans, il chérit les moments partagés en montagne avec elles, dès leur plus jeune âge, et reconnait que, oui, il prend parfois des risques : en 2008, il a failli mourir dans une avalanche. Sa fille ainée n’avait alors que 3 ans, Mais s’il ne nie pas la part d’égoïsme, inhérente à cette pratique, il rappelle combien il est important de vivre selon sa vision du monde. Et du risque.
A voir Arthur crapahuter dans les cailloux sur ses jambes vacillantes ou dormir paisiblement entre cordes et sacs à dos au pied de la falaise, il semble avoir intégré quelques notions de base sur ce plan et hérité du flegme britannique de James. Un futur grimpeur ? « j’en serais très heureux », confie son père, « tant l’escalade m’a apporté de choses. Mais il trouvera lui aussi sa propre voie ».
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