Outside a rencontré le grimpeur népalais à Kathmandou, juste avant son départ pour le Tibet. Alors que Nirmal Purja a reçu le 15 octobre l’accord des autorités chinoises pour grimper le Shishapangma, dernier pic qu’il lui reste à gravir pour réussir son défi fou des quatorze “8000” en sept mois, il se livre sur son challenge et répond aux critiques soulevées par les modalités de son exploit.
L’alpiniste népalais Nirmal Purja, plus connu sous le surnom de Nims Dai, reçoit dans le luxueux hôtel où il a ses quartiers à Katmandou. À ce stade de son aventure, il ne lui reste plus à vaincre que le Shishapangma (8 027m), au Tibet, pour boucler son incroyable tentative de réussir l’ascension des quatorze “8 000” en 7 mois, d’avril à octobre. Du jamais-vu. Dans l’histoire de l’alpinisme, seules une quarantaine de personnes ont grimpé la totalité des “8000” et le record de “vitesse” appartient depuis 2013 au Coréen Kim Chang-Ho en 7 ans, 10 mois et 6 jours.
Nirmal Purjal s’inquiète cependant de la neige qui est tombée en abondance sur les pentes du Shishapangma pendant qu’il attendait la délivrance de son permis par les autorités chinoises. “C’est normalement un “8000” relativement facile. Au Tibet, on débute tout de suite l’ascension d’une altitude élevée et la voie normale n’est pas très technique. Mais selon nos informations, il y a une grosse quantité de neige qui est tombée depuis quelques semaines et cela pourrait en faire un obstacle plus difficile que prévu”, prévient-il.
Le grimpeur népalais, ancien soldat des forces spéciales népalaises puis britanniques, a cependant enjambé plus d’un obstacle depuis le début de son “Project Possible 14/7”, nom de code de son défi entamé avec l’ascension de l’Annapurna (8 091m), le 23 avril dernier.
Héros national au Népal
“Il y a eu plusieurs moments difficiles, mais je crois que le seul moment où j’ai vraiment douté de pouvoir grimper l’intégralité des “8000”, c’était sur le K2 en juillet. Des expéditions étaient au camp de base depuis plusieurs semaines avant notre arrivée, mais elles avaient toutes renoncé à cause d’un énorme risque d’avalanche à l’approche du sommet. Avec mon équipe nous avons beaucoup hésité à tenter le coup quand nous avons été informés des conditions, mais j’ai finalement décidé que cela semblait possible. Nous avons ouvert la voie en installant des cordes fixes, car personne n’était encore monté au K2 depuis le début de la saison”.
Au fil de son défi, Nirmal Purja est devenu un héros national au Népal. “Les Népalais sont fiers de voir que Nims peut réaliser une première mondiale dans l’Himalaya. Il n’était pas très connu avant son projet, mais la médiatisation de ses ascensions sur les réseaux sociaux a passionné les gens. On sait aussi que sa réussite tient à ses ressources financières et à son équipe de sherpas”, explique Rajan Pokhrel, journaliste népalais spécialiste des ascensions en haute altitude pour The Himalayan Times.
Quand on lui pose la question sur l’importance de ses moyens financiers, Nims ne veut pas évoquer de montant. Mais il reconnaît que sans la talentueuse équipe qui l’accompagne, il ne serait pas grand-chose. “Au Népal, il y a beaucoup de grimpeurs très forts qui sont inconnus. Je ne suis peut-être que le 99e grimpeur népalais le plus doué actuellement. Mais j’ai la chance de pouvoir mener ce projet grâce aux fonds que j’ai levés avec mes sponsors (notamment des associations caritatives britanniques, ainsi que l’agence népalaise Seven summit treks, ndlr). Beaucoup de Sherpas ont grimpé de nombreux “8000” sans oxygène, plusieurs fois l’Everest, mais personne ne parle d’eux car ils ne postent pas leurs exploits sur les réseaux sociaux. Je suis donc heureux de mettre en avant l’image des alpinistes népalais à travers mon projet. Dans mon équipe, il y a par exemple mon ami Mingma Sherpa, qui a déjà grimpé les quatorze sommets. Il m’a appris énormément de choses depuis que j’ai commencé à grimper des “8000” en 2012”, confie t-il.
Faire taire les critiques
Apprécié dans son pays, Nirmal Purja s’est pourtant attiré sur le plan international les critiques de certains alpinistes influents, qui lui reprochent d’utiliser des bouteilles d’oxygène, de relier les camps de base en hélicoptère et de s’appuyer sur une équipe qui lui installe des cordes fixes sur la voie des sommets. Nirmal Purja balaye ces accusations d’un revers de main.
“C’est facile d’être assis à une table et de critiquer ce que je fais. Pourquoi je prends de l’oxygène? Pour ma sécurité et celle de mon équipe. Nous avons déjà sauvé plusieurs alpinistes qui étaient à la dérive grâce à nos bouteilles. Sur le Kanchenjunga, avec les membres de mon équipe, nous avons offert nos propres bouteilles d’oxygène à deux grimpeurs indiens et leur guide Sherpa qui étaient coincés à 8 400 mètres d’altitude (les deux grimpeurs indiens sont finalement décédés). Est-ce que ce n’est pas ça l’esprit de la montagne? Les gens ne se rendent pas compte du défi que cela représente de grimper tous les 8000 mètres en sept mois. En terme de fatigue, de défi logistique, c’est inimaginable. Parfois, je dors à peine quelques heures après une longue ascension qu’il faut déjà en entamer une nouvelle. Je participe aussi à l’installation des cordes fixes. Sur le K2, mon équipe a installé des cordes fixes dans la zone exposée au risque d’avalanche. Les grimpeurs qui ont suivi nos traces (il s’agit d’Adrian Ballinger et Carla Perez qui grimpaient sans réserve d’oxygène, ndlr) nous ont chaudement remercié, sans nous ils ne tentaient pas l’ascension. C’est ça pour moi l’esprit de l’alpinisme. Mon record, si j’arrive à l’établir, il sera certainement battu un jour. Mais ce qui compte, c’est le plaisir de réaliser un tel défi”, affirme-t-il.
S’il parvient à cocher le 14e sommet de sa liste grandiose, “Nims” promet de “prendre du repos”. Avant de se tourner vers d’autres défis, toujours à plus de 8 000 mètres. “J’ai encore envie de grimper ces montagnes. Je suis accro à ces sensations. Pour le futur ? Je pense à des ascensions hivernales ou des voies différentes sans utiliser de réserve d’oxygène”, conclut-il.
Photo d'en-tête : Nims Dai- Thèmes :
- Alpinisme