Après avoir examiné les matériaux qui composent nos vêtements, Outside s’est focalisé sur les vestes techniques, un produit courant, révélateur des défis techniques et environnementaux auxquels sont confrontées les marques. Leur imperméabilisation nécessite en effet l’usage de perfluocarbures, catégorisés comme gaz à effet de serre et perturbateurs endocriniens.
Les grands espaces contaminés (The Great Contaminated Outdoors). Le film choc diffusé par Greenpeace en 2015 dénonce la pollution des régions les plus sauvages de la planète aux perfluocarbures (PFC), utilisés dans les vêtements techniques pour les membranes imperméables et les apprêts déperlants.
Quelques années auparavant, en 2011, Greenpeace lançait la campagne Detox pour dénoncer l’usage de produits chimiques dangereux dans la fabrication de vêtements et leurs rejets dans les cours d’eau des pays producteurs. Le défi ? « Zéro rejet de produits chimiques dangereux » à l’horizon 2020. « 80 entreprises dont 29 marques de mode, de vêtements de sport, du luxe, de la grande distribution et du vêtement de plein air l’ont relevé » révèle le rapport sur l’initiative publié en 2018. Ce même rapport souligne que les marques outdoor « furent très réactives sur l’élimination des substances dangereuses perfluorés (PFCs). » Mais de quoi parle-t-on ?
Les vêtements techniques, fers de lance de l’industrie outdoor, présentent un double défi : réunir haute efficacité (imperméabilité, déperlance, respirabilité, durabilité) et respect de l’environnement. Or, l’équation est difficile : même Patagonia s’y est longtemps cassé les dents, en préférant rester à la norme C6, renonçant de facto à se passer complètement de PFC et devenir PFC free pour ne pas compromettre la qualité technique de ses vêtements. Or, « si l’équivalent C6 est moins persistant que le C8 (qui a été interdit, ndlr), la C6 (..) s’accumule plus que la C8 dans l’environnement. » Avec des conséquences majeures : contribution à l’effet de serre, contamination environnementale par les perturbateurs endocriniens pour ne citer que les plus évidentes.
En 2019, Patagonia déclare sur son site proposer ses premiers vêtements « PFC free ». Mais la marque californienne fait encore figure de mauvais élève dans le classement (non exhaustif) de Detox outdoor, où seuls Vaudé, Paramo et Rotauf tirent leur épingle du jeu.
Quoiqu’il en soit, la quête de tissus techniques sans PFC est un défi scientifique que certains relèvent dans la transparence, à l’instar de la marque scandinave Fjällräven, qui raconte son épopée sur son site : les avancées technologiques propres sont ralenties par la complexité des compromis à réaliser et par le dialogue qu’il faut instaurer entre les différents sous-traitants. Fjällräven, qui est parvenue après plusieurs années à proposer des vêtements techniques sans PFC, se heurte encore au problème des fermetures Eclair. « There are currently no water repellent PFC-free zips. None at all. » (Il n’existe pas pour l’instant de fermetures étanches sans PFCs. Aucune.) La quête continue.
Remonter la filière de production
Cette problématique a amené les marques à être plus transparentes sur leur chaîne d’approvisionnement en la remontant jusqu’au moment où ces substances chimiques nocives sont mises en œuvre, en particulier dans les procédés dits « humides » générant la plus grande part de pollution des eaux de surface (teinture, lavage, impression, etc.).
Le rapport de Greenpeace explique : « l’établissement de relations à long terme avec les fournisseurs est la clé pour récolter les bénéfices des investissements dans l’assainissement de la chaîne d’approvisionnement manufacturière. » La marque Picture a réalisé cette démarche en 2017 et 2018. Florian Palluel, Sustainability & Transparency Manager de la marque clermontoise créée en 2008 explique : « Nous travaillons depuis notre lancement avec une usine en Chine et une autre en Turquie. Ces deux usines représentent plus de 80 % de notre production. L’idée est donc de travailler en confiance, en bonne intelligence et en toute transparence pour mettre en place des process respectueux de l’environnement et des hommes. Toutes nos usines sont d’ailleurs membres de la Fair Wear Foundation.» La marque s’est inscrite dans la démarche de l’entité à but non lucratif Fashion Revolution pour présenter ceux qui fabriquaient leurs vêtements. Un activisme diffusé par le hashtag #WhoMadeMyClothes sur les réseaux sociaux qui s’est traduit chez Picture par un clip vidéo et des photos intitulés I made your clothes.
Des labels pour légitimer la communication
Si les marques communiquent de plus en plus ouvertement sur leurs initiatives environnementales et sociales, on peut parfois douter de leur sincérité. Doit-on se contenter de les croire sur parole ? Un bon moyen de vérifier si les paroles sont en accord avec les actes réside dans l’examen des labels certifiants utilisés par les marques. Pour les produits chimiques, les plus contraignants sont Bluesign et Oeko-Tex. Le duvet a un label fiable qui lui est consacré : le Responsible Down Standard, ou RDS. Il est utilisé par de nombreuses marques.
Enfin, un nombre croissant de marques insiste sur la nécessité de bien entretenir son vêtement technique et fournit des conseils détaillés sur leur site. Certaines, comme Vaudé ou Patagonia, montrent comment les réparer. L’idée maîtresse est la durabilité.
Mais in fine, c’est bien le consommateur qui détient la question qui a le plus impact : « Ai-je vraiment besoin de faire cet achat ? ».
Le film choc de Greenpeace « Les grands espaces contaminés » (The Great Contaminated Outdoors)
Lire le volet 1 de notre enquête: Pollution textile: mais comment consommer éco-responsable ?
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