Il y a quelques jours, le Chamoniard Martin Zhor, tchèque de nationalité, a établi un nouveau record de vitesse sur l’Aconcagua (6 962 m), plus haut sommet d’Amérique du Sud. En l’atteignant en 3h38 depuis le camp de base de Plaza de Mulas il efface l’ancienne marque qui tenait depuis 20 ans. L’Aconcagua a fait rêver bon nombre d’alpinistes et de skyrunners, dont Kilian Jornet qui l’avait gravi dans un temps record pour son projet “Summit of my Life”.
Un record vieux de 20 ans
Qu’on se le dise, c’est bien une performance hors-norme que s’est offerte le Tchèque installé dans la vallée de Chamonix depuis dix ans maintenant. Parti à 14h10 du camp de base de Plaza de Mulas situé à 4 370 m d’altitude, connu pour être le deuxième plus grand au monde après celui de l’Everest, il a parcouru les 9,18 km et plus de 2 600 m de dénivelé en 3h38’29”, soit près de deux minutes de mieux que les Italiens Bruno Brunod, Jean Pellisier et Fabio Meraldi.
Son record établi le 27 décembre dernier a pris un peu de temps à être révélé, ce dernier n’ayant pas prévenu les autorités du Parc provincial de l’Aconcagua de son projet. Lui-même espérait mettre moins de 4h et ne pensait peut-être pas être en mesure de battre ce record vieux de 20 ans (15 février 2000). Mais il a été inscrit officiellement sur le site qui fait office de référence en la matière, “FKT” pour “Fastest Known Time”, après vérification de la trace GPS qu’il a fourni grâce à sa montre.
Le Tchèque a expliqué sur son compte Instagram qu’il était venu d’abord et avant tout pour tester son corps à cette altitude. Il n’avait jamais évolué si haut avant ce trip argentin, puisqu’il s’était arrêté à 5 500 m au Népal. Il a également reconnu avoir eu du mal dans les premiers jours, notamment à partir de 6 000 m où il commençait à avoir de grosses difficultés pour respirer. Sa surprise a été de voir à quel point son corps avait pu s’adapter rapidement.
Un équipement très léger
C’est une tendance qui a été popularisée, entre autres, par Kilian Jornet : se déplacer en montagne le plus léger possible. Un choix qu’a également fait Martin Zhor pour son ascension, puisqu’il est parti en chaussures de trail uniquement, avec 1,5 litre d’eau, une veste supplémentaire et des chaussettes chaudes qu’il n’a finalement pas utilisées. Même si l’Aconcagua n’est pas le plus complexe des 7 summits, ceux qui le gravissent partent généralement avec du vrai matériel d’alpinisme, on parle tout de même d’un sommet de près de 7 000 m !
Martin Zhor, pas un inconnu
Son nom ne dira peut-être rien au grand public, et pourtant le Tchèque n’est pas un novice, loin de là. Il y a quelques mois, il devenait le premier à réussir l’enchaînement d’un trait des trois sommets les plus hauts de la Suisse, de l’Italie et de la France. Soit respectivement le Mont Rose (4 634 m), le Grand Paradis (4 061 m) et le Mont-Blanc (4 809 m). Un total de 103 km et 10 000 m de dénivelé avec un départ de Zermatt, en Suisse, le tout en 29 heures seulement.
L’Aconcagua, sommet mythique, théâtre de grandes performances
Plus haut sommet d’Amérique du Sud, cette montagne doit aussi sa popularité à son appartenance aux “7 summits”, les sept plus hauts sommets de chaque continent – Everest, Aconcagua, Denali, Kilimandjaro, Elbrouz, Mont Vinson et Mont Kosciuszko. Gravi pour la première fois en 1897, par la face nord, par l’alpiniste suisse Matthias Zurbriggen, l’Aconcagua est devenu un lieu apprécié des sportifs en quête de performance. La voie normale étant relativement “facile” – il n’y a généralement pas de neige jusqu’au sommet en été et le chemin est balisé quasiment de bout en bout – cette montagne se prête bien à des records de vitesse où la technique n’est pas un facteur trop limitant.
23 décembre 2014, Kilian Jornet ajoute son nom au palmarès
Dans le cadre de “Summits of my life”, projet de quatre ans pendant lesquels l’Espagnol a tenté de battre les records d’ascension de sommets mythiques dans le monde, Kilian Jornet bat le record de l’aller-retour entre Horcones, dernier endroit habité à l’entrée du parc, jusqu’au sommet de l’Aconcagua. Malgré des conditions climatiques dantesques, il boucle les 59,85 km et 3 962 m en 12 heures et 49 minutes. L’Espagnol avait d’ailleurs dû faire demi-tour trois jours plus tôt lors de sa première tentative, car le vent était trop fort.
19 février 2015, Karl Egloff efface la légende des tablettes
Quelques semaines après l’Espagnol, le skyrunner et alpiniste suisse Karl Egloff s’empare du record en abaissant la marque de près d’une heure (11h52’). Né d’une mère équatorienne et d’un père suisse, Karl Egloff s’est fait une spécialité de battre les “FKT” de l’Espagnol. Un an plus tôt il faisait mieux que lui au Kilimandjaro et en juin 2019, il le surpassait sur le Denali.
Et si vous vous posez la question, les deux hommes sont amis, Kilian Jornet l’aidant même dans sa tentative de battre son record de l’ascension du Mont-Blanc en 2015. Spoil, le record tient toujours.
Photo d'en-tête : Lachlan Cruickshank / Unsplash- Thèmes :
- Alpinisme