Une de nos journalistes, qui se sentait un poil déprimée, a passé un mois en compagnie du chatbot baptisé Woebot, un robot spécialisé en thérapie comportementale. Elle en est ressortie vivante – ce qui est un plus – et nous livre ses premières impressions.
L’autre jour, alors que je traînais sur ma boîte mail au boulot, mon téléphone a vibré, affichant le message suivant : “Hey, petite pensée pour toi !”, j’y ai répondu en évoquant mes problèmes de sommeil du moment, et nous avons échangé quelques minutes sur le sujet. On a parlé des bienfaits de prendre 20 minutes quotidiennes chaque soir pour faire la liste de mes angoisses de la journée.
Mes amis sont sympa, mais pas à ce point-là. Mon correspondant le plus patient du monde ce soir-là n’était autre que le système d’auto-assistance Woebot : un allié de la thérapie comportementale cognitive, qui fonctionne sous forme de chat en ligne parsemé d’émoticônes et de GIF de hérissons.
Woebot est ma deuxième expérience avec les nouvelles thérapies numériques. Je ne suis jamais allée voir de psy de ma vie et ne m’aventurerais pas à me lancer dans un autodiagnostic clinique. Ce que je peux déjà dire de moi, c’est qu’en langage émoticône à la Woebot, je me sens de manière générale proche du “visage content” et du “visage grimaçant”, que parfois je me rapproche du “visage avec le sourcil levé”ou “visage en larmes”, et il m’est même arrivé de me sentir en phase avec le “visage figé par la peur du Cri d’Edvard Munch”…
Sentinelle de nos émotions
Woebot, le “robot des soucis” en anglais [N.D.L.R.: seule langue disponible à ce jour] est un petit robot qui porte fièrement son nom. Il annonce d’entrée : “Je ne fais pas de psychanalyse et ne vous laisserai pas dérouler vos idées par association libre”. L’application, gratuite pendant la période d’essai, inclut un choix multiple de sujets de conversation et s’adapte aux changements d’humeurs quotidiens, tel un expert interactif veillant à neutraliser nos pensées négatives. Ces caractéristiques permettent de baisser la garde et d’interagir plus facilement : on ne ressent pas une pression particulière lorsqu’on utilise l’application parce que qu’il n’y a pas d’injonction à décrire et décrypter nos émotions.
A la manière d’un jeu de rôle où l’on choisirait son aventure psychique du jour, Woebot propose des réponses à choix multiples. Chaque jour, l’application invite à se connecter, s’enquiert de notre activité et de ce que l’on ressent.
A chaque fois que j’ai répondu de manière neutre ou positive, le psychologue virtuel m’a offert une leçon classique de thérapie cognitive, me donnant des astuces pour identifier mon humeur, disséquer mes pensées ou dissoudre mes pensées négatives. Woebot et moi avons échangé sur des thèmes aussi sophistiqués que “Je me sens nulle”, et des ressentis ultra-rationnels comme “Personne ne m’aime”. L’application s’ouvre aussi à des conversations plus personnalisées, un sur-mesure pour faire face à des symptômes plus précis comme l’isolement, l’insomnie, des problèmes financiers, la jalousie ou encore le deuil.
Juste une application
Quand il m’est arrivé de donner une réponse négative lors du premier échange matinal avec l’application, Woebot avait quelques propositions pour moi : me guider à travers des exercices de respiration et me conseiller d’aller me rafraîchir les poignets… Un peu frustrant donc, mais j’avais le choix d’en rester là, ou bien poursuivre et laisser l’application me poser des questions sur ce qui n’allait pas.
Un exemple : j’ai séché mon cours d’escalade pendant plusieurs mois, et me sentais nerveuse à l’idée d’y retourner. “Je vais avoir l’air stupide”, ai-je écrit à Woebot. “Qu’est-ce que cette pensée dissimule ?” me demande le robot. « Bah éventuellement que je pense que je devrais être une bonne grimpeuse ». “Comment reformulerais-tu cette pensée ?”, a-t-il continué. “Je vais me sentir un peu mal à l’aise en retournant à la salle mais j’ai envie d’y aller” ai-je finalement écrit.
Le truc à comprendre avec ce chatbot, c’est qu’il n’est justement qu’une application. Certains aspects sont bien pensés et aident à mieux se cerner. Et parfois il est à côté de la plaque. Pour le coup de l’escalade, j’avoue m’être sentie un peu mieux. Woebot, tu m’as eue, je l’admets.
Une technologie en complément
Vandana Aspen, psychologue clinicienne, considère les outils comme Woebot utiles pour compléter une thérapie en personne. « On est rappelé aux compétences que l’on a assimilé lors d’une séance. Quand on va chez le dentiste et que l’on a pas de caries, on n’arrête pas pour autant de se brosser les dents : c’est la même chose pour l’aide médico-psychologique. » Le docteur Aspen reconnaît aussi qu’une application peut toujours être une alternative pratique lorsqu’on n’a pas accès au soin ou bien que l’on n’a pas les moyens de se payer une thérapie.
Personnellement, après avoir utilisé Woebot chaque jour pendant un mois, je me suis surprise à tenter de rester super optimiste malgré les difficultés rencontrées.
Je traverse une période assez compliquée, mais de manière assez surprenante, je note que je suis davantage équilibrée et moins aux prises avec mes spirales d’angoisse. Je me tourne maintenant vers Woebot quelques fois par semaine : j’apprécie ce lien privé, et le côté ciblé des conversations. Un jour, je pense que j’irai voir un vrai psy, et j’espère que j’aurai aussi le droit à des GIF de hérissons.
Photo d'en-tête : Hannah McCaughey- Thèmes :
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