Tiphaine Duperier, Boris Langenstein, Aurélia Lanoe et Guillaume Pierrel viennent de réussir la descente à ski du Gasherbrum II (8 035 mètres) par l’Eperon Villaret. « C’est une première », explique Guillaume dans un message reçu aujourd’hui que nous retranscrivons intégralement.
Le récit de Guillaume Pierrel
« Départ Camp de base mercredi 7 juillet à 6h : sortie ice fall dans la neige où nous attendent les skis, Puis éclaircie, on arrive dans le soleil le soleil a C1 5800m. Énorme avalanche sur le G1 avec un aérosol qui souffle jusqu’au replat du camp 1. La face est belle et semble purgée mais c’est un petit rappel à l’ordre et à l’humilité.
Jeudi 8 : on rejoint le camp 2 et notre tente qui était restée là une semaine sur un petit collu dans les gendarmes de la partie basse de l’éperon sud. Altitude 6600m. Nous avions escaladé le fil de cet éperon la semaine précédente. Cette fois nous empruntons les pentes de neige afin de vérifier la qualité du grip et la présence de la glace.
Les filles vont repérer la suite des difficultés pour le lendemain. Ils restent 2 gendarmes à contourner.
Vendredi 9 : départ de nuit avec une traversée délicate sous les gendarmes, neige particulièrement compliquée et inconsistante. On prévoyait un camp 3 à la sortie de l’éperon, mais on doit organiser un camp de fortune à 6850m. Guillaume utilise le drone pour aller observer depuis les airs les difficultés du lendemain.
Samedi 10 : départ aux aurores, neige semoule, nous sommes encordés, difficile de protéger sur broche, puis mixte dans du calcaire pourri. Sortie délicate sur corniche. Là, des résidus de tente au sommet de l’éperon me font tout de suite penser à Bernard Villaret, décédé à cet endroit il y a 45 ans, lors de l’ouverture.
On chausse les skis avec les peaux de phoques 100m pour rejoindre notre camp 4 (7300m).
Dimanche 11 juillet : réveil quatre heures, il neige dans la tente, un vent imprévu a accumulé la neige au point de bloquer l’entrée. Dans ces conditions, nous décidons de faire marcher le réchaud à l’intérieur. Ce dernier se renverse et ne veut plus fonctionner. Pas de thé, pas de petit déjeuner, nous partons le ventre vide, énervés. C’est chaussettes trempées que Guillaume sort de la tente et doit y retourner 15 minutes plus tard, les pieds gelés. Faux départ. Il se réchauffe, mais Boris et Tiphaine sont déjà loin devant, en train de faire une belle trace dans la neige profonde.
A 7700 m, la pente sommitale est parfaite, vue sur le Karakoram a gauche et l’Inde et la Chine a droite !
Le duo Boris et Tiphaine foulent le sommet en premier après une traversée sur une corniche. Guillaume et Aurélia arrivent un peu plus tard. Il est 13h, tout le monde est heureux au sommet.
Nous avons gravi l’éperon sud du G2 qui avait été conquis par une expédition française en 1976 (Marc Batard, Yannick Seigneur, Louis Audoubert). La descente en ski par le même itinéraire est une première. Elle nécessitera un rappel obligatoire de 30 m dans le crux sous le C4. Nous allons redormir à C3, les sacs sont énormes et Tiphaine souffre d’une otite. Nuit compliquée, et le lendemain descente finale dans le jour blanc sur C1. Descente très esthétique mais ski technique et exposé. La fatigue nous a saisi, et nous prenons vraiment le temps de nous entraider pour que chacun puisse descendre en sécurité. Nous récupérons le matériel à C1, c’est parti avec des sacs de 25 kilos pour traverser l’icefall qui a bien changé avec des ponts de neige qui se sont effondrés, dévoilant des crevasses béantes.
Arrivée camp de base 12h accueil par notre cook Moussa avec cigarettes, biscuit et coca sur le glacier. Puis par l’Italien Marco Confortela (12 x 8000 à son compteur) pour un accueil chaleureux dans sa tente avec fontina et coppa. Exceptionnel concert improvisé le soir dans notre tente avec Philippe Genin (pianiste des cimes) et toutes les autres expéditions internationales. Nous qui rêvions d’une sieste, nous serons galvanisés par les chants pakistanais venus fêter notre sommet jusque tard dans la nuit.
Que d’émotions, et quel joli partage des deux cordées mixtes. Un film sortira à l’automne. »
Photo d'en-tête : Guillaume Pierrel / Boris Langenstein