La dernière fois que nous avions entendu parler de Cornélius Marot, c’était il y a trois ans. Dans un message laconique, le Parisien de 27 ans nous annonçait qu’il venait de faire Paris-Marseille à pied (900 km). Il en était revenu changé, plus serein dans la vie de tous les jours, et en avait tiré un film pas comme les autres. Avec lui, pas de baratin. Il est du genre direct. Face caméra, muni de sa GoPro, les yeux dans les nôtres, il commentait son quotidien de marcheur novice, entre galères sous la pluie, parcours hasardeux et paysages sublimes. Mais le voyage, la marche, ça devient addictif. Il fallait qu’il reparte. Direction Rome cette fois. 1 600 km qu’il bouclera en 64 jours. Mais peu importe les chiffres, ce qui fait l’intérêt du film de 122 minutes qu’il vient tout juste de tirer de ce nouveau périple, c’est, malgré quelques longueurs, son style, très personnel. Et son regard sur le monde, lucide mais résolument optimiste.
« J’ai grandi à Paris, entre Belleville et la Gare de l’Est. Avant, jusqu’au confinement, j’étais étudiant en cinéma », nous racontait Cornélius en 2022. « Mais lorsque les cours ont été arrêtés, je suis parti en Bretagne, travailler à la chaîne à l’usine. Je fabriquais des produits qui ne m’intéressaient pas. C’est ça qui m’a donné envie de fuir, de me mettre à la marche avec dans l’idée aussi de faire des films. Paris-Marseille, c’est mon second. Avant, en mai 2021, j’ai fait un Paris-Lille à pied aussi (..). « J’étais un marcheur citadin, j’aimais déjà beaucoup faire des marches dans Paris, dès l’adolescence. C’est tout ce que j’ai connu jusqu’à mes 21 ans. Mais je n’aimais pas marcher en forêt. Rien que l’idée m’en donnait des maux de tête, je n’en voyais pas l’intérêt. »
Avec la découverte de la Chartreuse ( le massif, pas la liqueur), il se trouve un goût pour la nature, malgré sa crainte d’y bivouaquer seul (« les sangliers, les tueurs en série !… » ). Parce que Cornélius, c’est un aventurier pas si courageux que ça, mais prêt à affronter ses peurs et surtout à rencontrer les autres. Un ex « cassos », dit-il, plus porté sur le combo bière-drogues que le tofu-yoga qui un jour à « une révélation ». Son corps et son esprit partent en vrille. La route sera son salut : « la marche est le meilleur remède pour l’homme », raconte-t-il en citant Hippocrate;
Il ne virera pas végan pour autant et restera fidèle à son régime saucisson/bananes/ coca/ Snickers. Mais pour sa troisième marche, à l’automne 2022, il visera Rome, à 1 600 km de son point départ : la maison de sa grand-mère, à Paris Montparnasse. Pourquoi Rome ? « Parce que c’est la seule ville avec laquelle Paris est jumelée ». Peu importe le prétexte, ce qui compte avec Cornélius, c’est qu’il ne nous cache rien d’un périple parfois éprouvant et pas toujours « instragrammable », que, de la France à l’Italie en passant par la Suisse, il shoote seul à l’aide d’une Go Pro 9 et d’un drone Dji mini 2. Sans jamais déroger à sa règle : No stop, no auto, no vélo et… PAS D’ECOUTEURS !, cette fois. Ce dernier interdit, il le regrettera à mi-chemin de son parcours, quand l’ennui fera remonter ses idées noires. Car si le marcheur a le don de faire des rencontres et de susciter la générosité, il ne cache pas le raz le bol qui le gagne quand il traverse des régions sans âme, ni son rejet devant un Cinque Terre ravagé par le surtourisme. Il n’en appréciera que plus Rome, son objectif. Là, l’attendait une nouvelle vie. Mais ça, il ne le savait pas au départ.
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Photo d'en-tête : Cornélius Marot