Vent, pluie, froid glacial… la légendaire météo islandaise ne lui aura rien épargné. Samedi 11 septembre, à 23h59, le Texan Payson McElveen parvenait pourtant à réaliser la « première randonnée à vélo à propulsion humaine » à travers l’Islande en moins de 24 heures. Parti à 4 h 15 de l’église d’Akureyri, ville située sur la côte nord de l’Islande, pour se terminer à Vík, la ville côtière la plus méridionale de l’Islande, sur les eaux tumultueuses de l’océan, le périple de 19 heures et 45 minutes a traversé 257 miles (413 km) de routes et chemins au plus profond de l’Islande. « C’est le voyage de ma vie », devait déclarer le cycliste d’endurance, champion de VTT cross-country, à l’issue de ce défi imaginé avec son ami, l’immense photographe Chris Burkard. On attendait avec impatience le film tiré de cet exploit, le voici : un petit doc de 13 minutes qui donne une bonne idée des conditions particulièrement éprouvantes dans lesquelles s’est déroulée cette aventure.
« Je suis constamment à la recherche d’expériences qui défient mes capacités, normal pour athlète d’endurance doublé d’un aventurier », explique McElveen, du team Redbull. « Mais le fait de devoir affronter des conditions météorologiques aussi difficiles et un dénivelé de plus de 3 000 mètres dans un paysage glaciaire d’une telle beauté m’a donné une autre vision de l’Islande, terre oh combien impressionnante ! »
Le défi, que McElveen a imaginé avec l’aide de Chris Burkard, athlète et photographe spécialiste de l’outdoor, était moins axé sur la tentative de record que sur le défi personnel et l’occasion de découvrir intimement l’Islande : « Le compétiteur en moi aimera toujours faire la course pour réaliser le meilleur temps possible, mais ce projet avait moins pour but de réaliser un FKT que de voir s’il était possible de traverser tout le pays en moins d’une journée. Depuis le succès du FKT de White Rim en 2019, j’ai réfléchi à d’autres itinéraires sur lesquels je pourrais faire un gros effort. C’est le type de défis qui m’inspirent le plus en ce moment. Partir d’un point de repère et rouler aussi vite que possible jusqu’à ce que vous n’ayez littéralement plus de route ou de piste… dans le cas présent, ça s’est traduit par arriver jusqu’à l’océan, au sud du pays. »
7000 calories en poche
L’itinéraire de McElveen a emprunté les routes « F » des Highlands, des pistes accidentées et peu entretenues convenant uniquement aux véhicules terrestres à grande garde au sol, ces mégas 4×4 incontournables en Islande. Une fois descendu du plateau, son itinéraire a emprunté la route 1 ou « Ring Road » pour les derniers 57 miles (92 km) le conduisant jusqu’à Vík. Au total, c’est plus de 139 miles (223 km) non asphaltés qu’il aura parcourus. Et comme aucun point de ravitaillement n’était disponible le long de son itinéraire, M. McElveen est parti avec plus de 7 000 calories en poche pour s’alimenter.
L’expérience a passionné le photographe Chris Burkard qui l’accompagnait. « Plus qu’un simple exploit sportif », explique-t-il, « la course de Payson rend hommage à des milliers d’années de voyages terrestres à travers ce pays sauvage. C’est carrément impossible à décrire à qui n’a jamais roulé sur ces chemins perdus au milieu de nulle part s’étendant à l’infini. Pour avoir personnellement parcouru l’Islande en tous sens plusieurs fois, et fait des milliers de kilomètres à vélo sur ces routes caillouteuses, je peux dire que je connais un peu ce que ça veut dire que de rouler sur ce terrain-là. Cet exploit est quasi mythique. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est à la hauteur de la démesure islandaise ».
Initialement prévue pour la semaine du 13 septembre, McElveen a dû avancer la date de départ afin d’éviter les tempêtes annoncées dans une grande partie des Highlands. Il n’a donc bénéficié que de deux jours de repos après une tournée de 680 jours dans les Westfjords qu’il venait de terminer plus tôt dans la semaine. Malgré ces précautions, il a dû composer avec un léger vent de face pendant une grande partie de la journée, plus de sept heures de pluie et des températures en-dessous de 0°C. Son plus grand défi, le terrain accidenté bien sûr, mais aussi et surtout, la météo », a-t-il déclaré.
« Le pire temps qu’on puisse avoir à vélo »
C’est marrant de voir que la « fenêtre météo » que nous avons choisie pourrait être qualifiée, partout ailleurs dans le monde, comme le pire temps qu’on puisse avoir à vélo, a commenté Payson McElveen. « La météo islandaise est l’une des plus changeantes au monde, surtout en septembre. Je savais que nous prenions quelques risques en misant sur cette période de l’année, mais je voulais vraiment essayer de terminer cette randonnée avant notre départ. J’ai choisi mon matériel avec soin, ce qui s’est avéré crucial pour terminer la course. »
Un défi que l’athlète aimerait bien voir d’autres relever, mais sans en sous-estimer les dangers potentiels : « L’intérieur de l’Islande est un terrain extrêmement rude. Lorsque j’y suis arrivé pour la première fois, j’ai vraiment eu l’impression d’être dans un autre monde, comme si j’étais sur une autre planète », raconte-t-il. Là-bas, on a vraiment l’impression que l’homme n’est pas censé y mettre les pieds. Instinctivement j’ai fait en sorte de boucler ma traversée aussi vite que possible, histoire de me mettre en sécurité. Je recommande vivement de rouler pendant les mois d’été, plus chauds et plus secs, et d’emporter plus de vêtements et de nourriture que ce dont vous pensez avoir besoin. L’Islande est le plus beau pays que j’ai jamais visité, mais ses volcans, glaciers, déserts et surtout sa météo vous donnent rapidement le sentiment d’être infininement petit et vulnérable. Aujourd’hui, après cette aventure, j’ai plus encore de respect et d’admiration pour ce pays incroyablement sauvage » conclut-il.
Article initialement publié le 16 septembre 2021, mis à jour le 17 janvier 2022
Photo d'en-tête : Evan Ruderman