En 2020, « Plastic Odyssey » se lancera dans une expédition en bateau autour du monde, direction les côtes de pays émergents, pour installer des micro-usines de recyclage du plastique. Un projet que certains ont tendance à confondre avec une entreprise de nettoyage des mers du globe. Nous avons fait le point avec Simon Bernard, cofondateur.
Ne cherchez pas, il est impossible de nettoyer le plastique que nous avons laissé se déverser dans les océans ces 50 dernières années. Le plastique, ça coule. Seulement 1% reste en surface, et dans l’immense majorité, sous la forme de micro-particules. Donc quand Simon Bernard et ses partenaires ont réalisé que les gens comprenaient que leur projet était de récurer les océans à l’aide d’un bateau avançant grâce à des déchets recyclés transformés en carburant, ils ont été un peu gênés.
« C’est une compréhension erronée à double tranchant, car l’idée de nettoyer les océans parle au plus grand nombre, donc les gens s’intéressent à notre projet, explique Simon Bernard. Mais il est en fait impossible d’enlever ce qui est déjà dans les océans. Quand on parle du 7ème continent de déchets, c’est une comparaison en taille, pas en densité, car les plastiques sont majoritairement décomposés en micro-particules ! Notre idée, c’est d’endiguer le flux, d’empêcher le plastique de rejoindre les océans en amorçant une transition via le recyclage. »
Le projet consiste donc à fournir des solutions de recylage low-tech, sous la forme de machines en open source – c’est-à-dire non brevetées – à des gens vivant dans des pays à moyen ou faible revenu, où il n’y a pas de collecte des déchets ni d’infrastructures de recyclage. « Ils pourront créer leur micro-entreprise et transformer les déchets plastiques de leur environnement en ressource », détaille Simon Bernard. Un processus vertueux qui évitera de retrouver le plastique dans la mer.
Leur bateau de 40 mètres ne va donc pas sillonner les mers avec un aspirateur de plastique géant lors de son tour du monde, qui le verra sillonner le long des côtes les plus polluées d’Afrique, d’Amérique-du-sud et d’Asie entre 2020 et 2023. « C’est une sorte de Calypso, un emblème pour attirer l’attention sur le projet, c’est en fait un laboratoire flottant, un atelier. Nous pourrons, lors de nos différentes étapes, y réaliser des tests avec les entrepreneurs locaux avec par exemple des déchets trouvés sur place. »
Le bateau de Plastic Odyssey – un navire de rechercher océanographique qu’ils viennent d’acheter – se propulsera en utilisant sa petite usine de recyclage mobile pour transformer, via la pyrolyse, des déchets plastiques en carburant. Les journaux ont beaucoup titré sur ce bateau qui avance en avalant du plastique, alors que ce n’est évidemment pas le but du projet. « Une fois encore, ce système est un ambassadeur : nous nous sommes dits que nous allions ainsi démontrer que la pyrolyse, comme d’autres techniques, permet de transformer le plastique en fioul, souligne Simon Bernard. Les gens le voient comme notre DeLorean des mers ( la voiture volante du film culte « Retour vers le futur » (1985), qui utilise comme carburant des ingrédients aussi divers que des peaux de banane ou une canette de bière, ndlr), et il fait son petit effet ! On nous contacte déjà d’Afrique ou d’Haïti pour demander plus d’informations. »
L’écueil de ce genre de projet est que certains ont vite fait de se dire que si l’on peut recycler le plastique, autant continuer à en produire. « C’est un discours que nous avons entendu, et c’est évidemment l’exact inverse de notre démarche. Nous voulons recycler celui déjà existant sans qu’il en soit produit plus, et trouver des alternatives pour la suite. Nous avons donc décidé de diviser notre bateau en deux. À l’arrière, notre centre de recyclage et atelier. À l’avant, nous aurons un espace dédié aux solutions pour sortir du plastique. Il y aura une zone d’exposition pour montrer les matériaux alternatifs. Une cabine pourra par exemple nous servir de prétexte à montrer ce à quoi une chambre d’hôtel sans plastique pourrait ressembler ».
Au-delà de la recherche et du développement, l’équipe de Plastic Odyssey a souhaité inclure un versant d’ingénierie sociale au projet, en travaillant avec un anthropologue. « Il faut comprendre les usages, les modes de vie et les choix que font les gens, parfois de cultures très éloignées de la nôtre : une réussite technique n’a aucune utilité si les gens ne s’en servent pas, constate Simon Bernard. La clé est donc de comprendre l’humain et ses comportements afin qu’il se saisisse des solutions que nous lui proposons. »
Retrouvez l’expédition Plastic Odyssey sur son site et sur Facebook.
Photo d'en-tête : Plastic Odyssey