Après avoir répondu lundi par voie de presse à l’appel au boycott lancé par Kilian Jornet – Zach Miller, l’UTMB annonçait vouloir renouer le dialogue avec les athlètes, histoire d’éteindre le feu. Aussitôt fait : les Poletti ont organisé hier, une réunion, en visio, avec les instigateurs du mouvement de protestation. Qu’en est-il sorti ? Un communiqué de presse de l’UTMB et un post de Kilian Jornet… qui tous deux nous laissent sur notre faim…
Rappelons en quelques mots l’affaire. Il y a quelques jours Kilian Jornet et Zach Miller ont lâchée une bombe dans le petit monde du trail : rien moins qu’un appel au boycott de l’UTMB ! Un message privé, envoyé à plus d’une centaine d’athlètes élites qu’a révélé sur les réseaux l’entraîneur britannique Martin Cox, très remonté contre ces deux ingrats qui selon lui devaient tant à cet événement phare.
Du côté de Chamonix : surprise et déception. Incompréhension aussi, expliquaient lundi Catherine Poletti et Isabelle Viseux-Poletti. Mais la porte ne semblait pas fermer entre les organisateurs du sommet mondial du trail et les athlètes, invités à discuter directement.
« A l’initiative de l’UTMB », précise le communiqué de presse de l’UTMB diffusé aujourd’hui, s’est donc tenue une réunion en visioconférence. Autour de la table (virtuelle) : Catherine et Michel Poletti, co-fondateurs de l’UTMB, Frédéric Lénart, Directeur Général, et Marie Sammons, Responsable élites et équipes. Face à eux, Kilian Jornet, Zach Miller ainsi que les représentants du bureau directeur de la Pro Trail Running Association (PTRA).
L’occasion pour l’UTMB de faire une petite mise au point.
Zach Miller et Kilian Jornet ont tenu à préciser :
Que l’email privé révélé par la presse ne se voulait pas malveillant vis-à-vis de l’UTMB, mais avait pour objectif d’ouvrir le dialogue avec les athlètes professionnels au sujet du développement du sport, dans le respect de l’ensemble des acteurs ;
Que cet email n’avait pas vocation à se retrouver révélé publiquement, par le biais des réseaux sociaux.
Qu’ils n’avaient pas appelé au boycott de l’UTMB, comme cela a été interprété à tort par certains médias.
Que l’UTMB avait beaucoup contribué au développement et à la médiatisation de la discipline et de ses athlètes depuis 20 ans.
La PTRA tient à préciser quant à elle, contrairement à ce qui est paru dans la presse, qu’elle n’a été en aucune façon impliquée dans l’initiative de Kilian Jornet et Zach Miller.
On prend note, mais on peut s’étonner toutefois de deux points.
Comment imaginer qu’un mail signé Kilian Jornet et Zach Miller diffusé à des dizaines d’athlètes élites reste longtemps secret ? Les fuites étaient inévitables ( voire souhaitées ?). Le but final n’était-il pas de faire réagir les principaux incriminés ? C’est chose faite.
Comment ne pas parler de boycott quand Kilian et Zach écrivent. « La meilleure façon de communiquer notre mécontentement et d’exercer une certaine pression est peut-être de se regrouper et de participer à une course différente. L’absence des quinze premiers coureurs masculins et féminins sur la ligne de départ de l’UTMB en dirait long. Cela leur ferait comprendre que nous ne sommes pas satisfaits et les pousserait à faire des changements ».
Difficile de faire plus clair. Dommage que les jours passant, les mots perdent leur poids, et l’action, sa force ?
Les points chauds
Dans la foulée, l’UTMB explique qu’elle « a pu apporter à Zach Miller et Kilian Jornet des explications plus précises et factuelles sur certains sujets. « Et là, on espère qu’en face à face, les informations sont plus précises, car le texte est aussi long que flou :
Le développement du circuit UTMB World Series
(…) « Les représentants UTMB comprennent que ce développement très rapide (41 courses en 2024, ndlr) ait pu créer des incompréhensions, voir des inquiétudes auprès de certains publics ou territoires. Certains exemples ont été mentionnés en particulier, et les représentants d’UTMB Group ont pu expliquer les circonstances dans lesquelles ces événements ont été incorporés dans le calendrier UTMB World Series, ou en sont sortis.
De plus, il a été rappelé le modèle d’organisation et de promotion des événements du circuit UTMB World Series : certains événements sont gérés en propre par UTMB Group, d’autres par The IRONMAN Group, et enfin certains événements sont opérés dans le cadre d’une licence. Mais quel que soit le modèle, tous les événements sont gérés et promus par des équipes implantées sur le territoire des événements, et en lien permanent avec la communauté locale afin d’écouter, de comprendre, d’interagir au quotidien et de répondre au mieux aux spécificités des enjeux locaux ».
Les règles sportives des UTMB World Series
« Les représentants d’UTMB Group ont également écouté Zach Miller et Kilian Jornet à propos de leurs interrogations vis-à-vis des règles sportives. Les athlètes ont exprimé que certaines de ces règles n’étaient pas encore suffisamment claires pour une partie des coureurs élites et que cela méritait de plus amples explications ». Lesquelles ? On n’en saura rien.(…)
« Il a cependant été rappelé qu’UTMB était entré en relation avec la PTRA dès le mois de mars 2023 afin de rediscuter et amender les règles sportives du circuit, et en particulier les règles de qualification pour les UTMB World Series Finals, ou encore les règles concernant l’inclusivité avec dernièrement la politique de grossesse qui a été modifiée et accueillie extrêmement positivement », ajoute l’UTMB.
L’échange avec les communautés
« Zach et Kilian estiment que les échanges entre l’UTMB et la communauté du trail running manquent de transparence ». Message reçu, s’engagent les représentants d’UTMB Group.
Gouvernance
« Les représentants d’UTMB Group ont enfin rappelé qu’UTMB Group est une entreprise née à Chamonix (France) en 2003 sous l’impulsion de Catherine et Michel Poletti, et d’un groupe d’amis. L’entreprise est encore dirigée depuis Chamonix, à la Maison UTMB, avec notamment Isabelle et David Poletti dans les équipes de management. The IRONMAN Group a pris une participation minoritaire en 2021 afin de contribuer au développement du circuit UTMB World Series ». Comprenez, on n’est pas une multinationale impersonnelle, mais bien une entreprise familiale bien française (gérant 41 courses dans le monde quand même).
Les traileurs qui depuis quelques mois expriment leur inquiétude sur l’évolution de leur pratique et le poids croissant du circuit UTMB devraient-ils en être rassurés ? Rien n’est moins sûr à ce stade des échanges. Mais la discussion n’est pas close. Et c’est heureux.
Mais qu’en pense Kilian Jornet ?
S’exprimant dans un post diffusé aujourd’hui sur Instagram, Kilian se montre bien plus mesuré que dans son appel initial (qui était un message privé, il est vrai). Fini, l’appel au boycott et à une réflexion sur le lancement d’une course alternative. Il s’agissait en fait « de mobiliser les athlètes pour qu’ils expriment leurs préoccupations, non pas pour les boycotter mais pour les sensibiliser », précise cette fois l’athlète. On est loin du message initial : « Eh bien, nous vous écrivons pour savoir si vous seriez intéressés de vous engager à participer à une course autre que l’UTMB cette année (2024) ».
Dans le même esprit, on n’échappe pas à quelques lignes très politiques censées sans doute calmer le jeu « Depuis sa création, l’UTMB a été un pionnier et une force unificatrice dans la communauté du trail running. Michel, Catherine et leur équipe se sont activement engagés auprès de la communauté, en tant que défenseurs du sport et de ses valeurs. Ils ont contribué à la création de l’ITRA et ont joué un rôle essentiel dans la popularisation et la structuration du trail running au niveau mondial ».
Cela dit, poursuit-il : « Depuis qu’ils ont lancé les UTMB World Series en partenariat avec Ironman, de nombreuses personnes se sont inquiétées du fait que l’essence du sport et sa communauté étaient négligées. » En cause ? « Il s’agit notamment de l’acquisition de courses controversées, de la négligence ou de l’absence d’écoute de la communauté sur des sujets que nous jugeons importants, tels que l’impact sur l’environnement ou l’accessibilité ».
« Le conseil d’administration de l’UTMB a déclaré que certaines de ces erreurs étaient dues à des informations erronées et à des malentendus », poursuit kilian. Explications qui semblent le rassurer. « Après la réunion du 23 janvier avec le conseil d’administration de l’UTMB, je suis optimiste » dit-il. « J’espère une communication plus forte et plus ouverte entre la communauté, y compris les athlètes d’élite représentés par la PTRA, et l’UTMB qui se concentre sur le développement du sport avec ses valeurs au centre ».
« En tant qu’athlète occupant une position privilégiée, il aurait été plus facile de garder le silence », poursuit-il, « mais compte tenu des préoccupations de la communauté, il m’a semblé nécessaire de m’exprimer. En mobilisant les coureurs de trail d’élite, avec @zachmiller38, nous avons cherché à favoriser la collaboration entre les comités de course et les coureurs, en trouvant un terrain d’entente pour l’amélioration du sport. Il ne s’agit pas de créer la discorde, mais de favoriser un dialogue constructif pour préserver l’intégrité et les valeurs de notre sport. En prenant la parole et en nous engageant dans ces conversations, nous nous efforçons de développer le sport en collaboration tout en honorant son héritage et son avenir » conclut-il.
Le feu semble éteint pour l’heure et le dialogue repris. Espérons que l’UTMB saura saisir cette opportunité.
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