Avouons-le tout de suite, ses derniers récits nous avaient déçus. Ecrits au pas de charge, parfois empreints d’un sentimentalisme un peu mièvre, ils n’étaient pas à la hauteur des exploits d’un des plus grands aventuriers contemporains qu’est et reste Mike Horn. Mais son dernier opus, « Survivant des glaces », n’est pas seulement le récit de son incroyable traversée du Pôle nord, de nuit, ultime challenge de son projet Pole2Pole, entamé en 2016. C’est beaucoup plus. De quoi combler ses innombrables fans et réconcilier ceux qui l’avaient peut-être lâché en route, las de ses facéties. Big Mike, still alive ! Et c’est une excellente nouvelle.
Le 23 septembre 2019, Mike Horn se lançait dans une nouvelle expédition vers le pôle nord, accompagné par le Norvégien Borge Ousland, spécialiste de la zone, avec qui il avait déjà fait équipe en 2006 pour un projet similaire. Son objectif ? Boucler l’aventure en trois mois, aux environs du solstice d’hiver, le 22 décembre, date à laquelle la nuit est la plus longue dans l’hémisphère nord. Le samedi 8 décembre 2019, vers minuit, les deux explorateurs rejoignaient le navire norvégien qui les attendait. Ils mettaient ainsi fin à un périple de 87 jours sur la banquise dont l’issue a longtemps été incertaine. Pour Borge Ousland, l’explorateur polaire le plus accompli de sa génération, c’est la dernière exploration, de loin la plus risquée de sa carrière, nous confiera-t-il à son retour.
Pour Mike Horn, c’est le bouclage de son expédition Pole2Pole, engagée trois ans plus tôt, en 2016 : traverser le globe d’un pôle à l’autre, sur mer et par les terres. Un nouvel exploit, à ajouter à un CV déjà bien fourni depuis sa descente de l’Amazone en 1997 pendant laquelle a germé l’idée de faire le tour du monde par l’Équateur sans moyen de transport motorisé. Un périple de 40 000 km qu’il réalise du 2 juin 1999 au 27 octobre 2000 et dont il tirera l’incontournable « Latitude Zéro », récit qui aura marqué des générations d’aventuriers. Depuis, les records s’enchaînaient. : notamment sa traversée du Groenland en 15 jours en 2002, l’expédition Arktos – trek de 20 000 km autour du cercle polaire – et plus récemment, en 2017, la première traversée humaine de l’Antarctique sans moteur et en solitaire (5 100 kilomètres en 57 jours).
De toutes ses aventures, il tire des récits, qui au fil des années s’alignent en une collection de neuf volumes de qualité inégale, Mike Horn n’étant pas toujours aussi inspiré que pour « Latitude Zéro », à l’heure de coucher sur le papier ses péripéties, aussi palpitantes soient-elles. Aussi, est-ce avec une certaine appréhension que nous avons ouvert « Survivant des glaces », publié chez Lafon, et tout juste arrivé en librairie. Mais nous n’avons pas été déçus. Au contraire, nous l’avons dévoré. Car dans ce volume très dense de 333 pages on retrouve le Mike Horn qu’on aime. Celui qui, dès les premières pages, nous plonge dans le récit inédit de sa traversée du pôle nord aux côtés de Borge Ousland, son ami, son « frère », dira-t-il. Un périple archi couvert par les médias à l’époque mais dont tout restait à découvrir en fait : les rites quotidiens des deux hommes, leurs doutes, leurs joies et leur peur. Leur solide amitié aussi qui au fil des kilomètres s’est patiemment tissée. Car, et c’est une grande force de livre, on comprend que l’aventurier sud-africain est tout sauf un solitaire.
L’homme qui à 31 ans descendait, seul, l’Amazone, accroché à son hydrospeed, tire depuis trois décennies sa force d’un entrainement physique et mental sans faille, mais aussi de sa « famille » élargie que l’on découvre enfin, en détails. Pas seulement son cercle proche – ses deux filles, Annnika et Jessika, son épouse Cathie décédée d’un cancer, ou aujourd’hui, sa nouvelle compagne Kathleen King- mais aussi ses compagnons de cordée, notamment Fred Roux, son ami et son guide lors de ses tentatives malheureuses d’ascension du K2. Son frère, Martin, redoutable logisticien de toutes ses aventures, sans parler de Yacek Proniewicz auquel il doit le sauvetage de son bateau, le Pangaea, et Laure Berthonneau, cuisinière et âme du navire, pour ne citer qu’eux.
C’est donc le livre d’un homme mur, remarquablement bien construit et écrit, alternant récits d’aventure et réflexions sur son enfance, ses engagements actuels et le sens de son insatiable quête d’exploration. Sans doute pas le mot de la fin pour l’aventurier de 55 ans qui s’apprête à repartir en Amazonie et plus loin encore. Mais certainement une étape clef dans un parcours qui n’est pas sans quelques égarements – qui n’en a pas ? – mais qui ne laisse pas d’impressionner.